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vendredi 1 janvier 2010

6 - Raphaël Zacharie de IZARRA - Farrah Fawcett - http://fawcettizarra.blogspot.com/ 100-199

L'USINE FORAINE

Les fêtes foraines sont devenues des usines à abrutir. Finie la poésie des manèges d'antan ! Les hauts-parleurs débitant insanités musicales et martèlements de synthèse ont remplacé tambourins et cymbales des artistes.

Assourdissements assurés.

Les machines à divertir "made in Disneyland" peintes comme des enseignes de discothèques proposent leurs tourbillons hollywoodiens aux mangeurs de gaufres blasés. Partout de la fureur et des néons pour mieux éblouir avec du vent.

Les forains ont des têtes de mafieux affairés et les guichetières dans leur antre minable ont des allures de maquerelles fatiguées attendant le client, pions peu aimables qui distribuent à la chaîne tickets et mauvaise humeur. Tarifs élevés pour plaisirs insignifiants. Matraquage de cervelles et saccage de tympans garantis.

Pour ces forains reconvertis dans l'exploitation des machines à sensations fortes la fête est un filon, ni plus ni moins qu'une pompe à fric. Acteurs d'une arnaque planifiée à l'échelle industrielle, les travailleurs de ce nouveau "secteur d'économie en pleine expansion" sont plus racoleurs qu'artistes. Plumer le pigeon des grandes villes avec des engins clignotants pilotés par ordinateurs semble être la raison d'être de ces marchands de rêves frelatés. Le talent des saltimbanques a depuis longtemps fait place aux machines sophistiquées crachant décibels numériques et feux factices. La fête foraine s'est dévoyée, uniformisée, américanisée.

Chez ces exploitants-investisseurs aux airs crapuleux (forains sur le papier, briseurs de rêves sur le terrain) le vrai roi de la fête ça n'est pas le gamin qui s'émerveille (il est déjà trop abruti et ne s'émerveille plus, gavé qu'il est de produits dérivés en tous genres), mais le chiffre d'affaires.

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Le texte sur les forains aurait dû s'arrêter là mais un intervenant, par ses pertinentes réactions pro-fêtes foraines a prolongé le sujet. Mes réponses :


1 - Bonjour François-Xavier,

Je connais assez les fêtes foraines pour m'y ennuyer à mourir et les railler avec lucidité. La cause que je défends n'est pas celle des syndicats de forains mais des "consommateurs" intelligents et avertis. Moi j'ose dire la réalité telle qu'elle est. Les forains comme les cultivateurs ont perdu leur âme. Les vrais paysans n'existent plus, les forains non plus... Faut-il aimer la musique industrielle pour être moderne ? Faut-il renier la musique traditionnelle pour être dans l'air du temps ?

C'est précisément parce que j'ai su garder une âme d'enfant que je réagis de la sorte par rapport aux fêtes foraines contemporaines. Les fêtes foraines actuelles ne me font pas rêver. Ce ne sont pas les machines sophistiquées qui font la magie des fêtes, mais ce qui est du domaine de l'impalpable.

De nos jours les forains achètent des machines et les exploitent. Le métier de forain ne se résume plus qu'en l'installation et la désinstallation de ces machines. Les forains ne jonglent plus avec des balles, ils gèrent des machines. Ils sont devenus de vulgaires gestionnaires qui n'ont pas de temps à perdre à exercer quelque art traditionnel... Rentabilité de rigueur !

Ma force, c'est la sincérité, l'honnêteté, la lucidité. J'ose dire ce que je vois. Mon but n'est pas de dénigrer pour dénigrer, mais de dire les choses telles qu'elles sont. Je sais que ça n'arrange pas tout le monde. Préfèreriez-vous que je mente pour ne pas vous déplaire ? Oui les exploitants de machines ont des airs de mafieux, de maquereaux même. Du moins ceux que je vois habituellement dans ma ville (le Mans) et ailleurs. Leur abord est si peu amène, si peu aimable que j'estime inutile d'aller leur parler de mes états d'âme. Je sais que la conversation s'achèvera en peu de mots. Ces forains-la n'ont pas de temps à perdre. Ils sont trop empressés de faire tourner leur chère affaire.

Merci pour les enfants !

Raphaël Zacharie de Izarra

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2 - François-Xavier,

Vous semblez ne m'avoir pas compris. Je reproche aux forains en général (non à vous en particulier) leurs airs crapuleux, leurs mines patibulaires, leur mauvaise humeur, leurs allures de repris de justice, leurs moeurs douteuses... On dirait vraiment que ces gens flirtent avec le monde de la mafia. Nul besoin d'être fin psychologue pour détecter chez la plupart de ces gens une propension au vice, à la malhonnêteté. Une observation de surface suffit à s'en convaincre. Les forains n'ont pas la flamme pure du métier. Ce ne sont d'ailleurs plus des artistes comme ils le furent originellement. Il leur manque l'essentiel : l'amour du public. C'est l'amour de l'argent et de l'argent seul qui les habite.

N'allez pas me faire croire que les forains sont des anges de douceur épris de respect ! Les forains ne me font pas rêver, bien au contraire... On ne s'y prendrait pas mieux qu'eux pour tuer le rêve, se désillusionner parfaitement sur ce monde de joie factice !

Les forains me font réellement songer à des ratés, à des minables reconvertis dans "l'exploitation de machines à sous" (je caricature volontairement pour mieux me faire comprendre) faute d'éducation, de choix, voire de moralité...

Franchement antipathiques, ils ont le sourire rare derrière leur "vitre de parloir de prison". Avec leurs aspects de bagarreurs, leurs faces de camionneurs, leurs expressions sinistres, comment voulez-vous qu'ils passent pour d'aimables saltimbanques ? Côtoyer le public c'est un métier, il faut avoir ça dans le sang, c'est inné.

Pour faire rêver les gens avec des manèges il faut avoir l'amour sincère du public et les forains n'ont vraiment pas l'air d'aimer leur public ! N'ayant pas du tout le sens social, ils se rattrapent sur le sens du gain crapuleux.

Quand je vois la multiplication des carrés à peluches où le rôle du forain se résume à surveiller d'un oeil de cerbère ses machines et à se lever de temps en temps de son siège pour encaisser la monnaie, là j'ai vraiment l'impression d'avoir affaire à un maquereau exploitant ses poules...

Vous êtes-vous déjà demandé ce que le public pouvait penser de vous à vous voir ainsi avec vos airs inquiétants sous les lumières crues des néons à racoler le pigeon sous des mines faussement amènes ? Si je fais le rapprochement entre les forains et les proxénètes, les mafieux, la pègre, ce n'est pas par sotte et stérile méchanceté, c'est réellement parce que bien souvent ces mondes se ressemblent vraiment à travers leurs représentants. Je ne dis pas que TOUS les forains sont ainsi, je ne prétends pas non plus que les forains sont nécessairement des crapules en puissance, je dis qu'ils en ont presque tous les signes extérieurs.

Souvent les fêtes foraines et leur vacarme abrutissant, leurs vitrines attrape-gogos, leurs exploitants peu engageants me semblent sordides : elles me font irrémédiablement songer aux trottoirs mal famés de Pigalle où vient s'échouer la faune.

Je ne suis pas contre la fête foraine, bien au contraire j'aime la fête foraine. Mais la vraie fête foraine dans la grande tradition des saltimbanques, des authentiques artistes et jongleurs et non pas ces grosses crapuleries à base de machines à fric tenues par des rustres n'ayant aucun sens artistique ni apparemment nulle connaissance des ressorts de la psychologie humaine qui leur permettrait de conquérir le public grâce à de réelles séductions poétiques au lieu de ces grosses machines exploitées sans état d'âme.

Faire rêver c'est un métier, un sacerdoce et les forains n'ont définitivement pas la tête de l'emploi.

Raphaël Zacharie de Izarra

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3 - François-Xavier,

Je peux parfaitement comprendre votre réaction qui est humaine : il n'est jamais agréable de se faire critiquer de la sorte par un membre extérieur à la corporation.

Cela n'empêche pas que ce que je vois en surface des forains est précisément ce qu'ils me montrent : allures douteuses, mauvaise humeur, mépris pour le public.

Les apparences ne sont pas nécessairement trompeuses.

Un paysan typique se reconnaît à ses allures, à sa tête. Un marin-pêcheur qui a bourlingué sur les océans a la face buriné de son métier. De même un cadre commercial se reconnaît à ses manières policées, à ses expressions physiques. La vertu en général se lit sur les fronts. Le vice également. Bien évidemment cela n'est pas systématique et il arrive que les apparences soient trompeuses, c'est vrai. Mais en règle générale les apparences reflètent avec justesse les personnalités.

Encore une fois je ne parle pas de vous en particulier, je ne vous connais pas. Je parle de ce que je connais, de ce que je vois, de ce que je sens. Devant un de ces exploitants de manèges cités en termes peu flatteurs (termes reflétant la stricte réalité), comment voulez-vous que je réagisse ? Pourquoi voudriez-vous que j'invente, que j'extrapole, que je mente ici ? Mon but n'est pas de médire pour médire mais de dénoncer ce qui mérite d'être dénoncé. Lorsque j'entre dans une fête foraine j'ai réellement l'impression d'être pris pour un gogo, d'être méprisé par les forains en général. Quel intérêt aurais-je à dénigrer avec tant de virulence les forains si mon opinion n'était pas fondée à partir de faits, d'observations, de ressenti ?

Un détail très révélateur tout de même : à la différence des forains les marchands de gaufres, de nougats, de bonbons officiant dans les fêtes foraines ne m'inspirent pas du tout les mêmes sentiments désagréables... Leur sens véritable de l'accueil, leur professionnalisme relationnel, leurs sourires, leur mines honnêtes tranchent radicalement avec l'abord suspect des forains.

J'ai pu le noter dans toutes les fêtes foraines sans exception. Cela serait un simple hasard selon vous ?

D'ailleurs je ne suis pas le seul à considérer les forains comme de désagréables opportunistes exploitant leurs semblables avec leurs manèges clinquants, sans aucune poésie ni réel souci d'enchanter le public... Renseignez-vous, soyez sagace et je pense que vous prendrez conscience du problème. Evidemment la majorité reste silencieuse mais je suis persuadé qu'elle n'en pense pas moins. En somme vous me reprochez surtout d'oser dire ce que je ressens vis-à-vis des forains et de leurs "exploitations commerciales". Mais si les forains étaient plus sensibles aux attentes véritables du public, s'ils avaient le vrai sens de l'accueil, s'ils avaient le sens de la fête sans arrière-pensée de pigeonner le client, s'ils avaient le sens artistique au lieu de ce pragmatisme brutal, de cette trivialité tueuse de rêves, je n'aurais pas tous ces préjugés sur eux.

Bien sûr il est légitime que les forains gagnent correctement leur vie. Le problème n'est pas sur les prix pratiqués ni même sur la qualité des manèges (bien que la chose soit discutable mais là c'est encore un autre débat) mais sur l'état d'esprit forain.

Encore une fois je regrette que mon opinion vous chagrine car vous n'êtes certainement pas comme ces forains que je dénonce, mais je ne fais que relever des choses vues, ressenties, vécues en toute bonne foi.

Raphaël Zacharie de Izarra

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4 - François-Xavier,

J'ai argumenté en long et en large, vous n'avez répondu que par de simples dénégations à mes arguments construits. Un enfant n'aurait pas fait mieux.

En effet, je suis désabusé par les marchands de vent que sont les forains contemporains. Suis-je obligé d'apprécier systématiquement la soupe que l'on me sert ? Dieu merci je suis encore libre de critiquer ceux qui veulent me vendre au prix fort leurs mauvaise humeur et plaisirs frelatés ! Je regrette, mais je ne me satisfais pas des artifices forains falsifiés : je ne suis définitivement pas un pigeon de foire.

Mon texte n'est pas nauséeux, il est simplement SINCERE. C'est juste que ma sincérité vous contrarie. Auriez-vous préféré que je sois hypocrite, menteur, flatteur, fabulateur ?

Imaginez que je fisse l'éloge de la fête foraine... Totalement partial, je suis persuadé que vous auriez encensé ce texte. Ce qui prouve bien que l'on ne peut être à la fois juge et partie, à moins bien entendu d'être intellectuellement très honnête.

Ce débat avec vous est nécessairement nul puisque vous défendez vos intérêts sans argumenter, juste pour défendre votre métier. La démarche est certes compréhensible humainement, mais parfaitement faussée intellectuellement. Cela dit quand vous insinuez que vous n'êtes pas comme ces forains que j'ai cités, il n'y a pas de raison pour que je ne vous croie pas. Cela n'empêche pas qu'en dehors de vous ces forains décriés existent, que vous fassiez semblant de l'ignorer ou que vous l'ignoriez réellement.

Vous refusez d'admettre la justesse de mes observations, à savoir que chez les forains il y a des gens tels que je les ai décrits. Ne pas vouloir l'admettre est stupide et malhonnête. Un médecin qui refuserait d'admettre que dans sa corporation il y a des charlatans serait immédiatement taxé de mauvaise foi. Ou d'aveuglement. Ou de bêtise. Quoi qu'il en soit il ne serait pas crédible. Tout le monde sait que parmi les médecins il y a des gens malhonnêtes, des charlatans, des escrocs.

Juste pour ne pas vous froisser vous aimeriez que je change radicalement mon discours, que je vous dise que les forains sont tous aimables, tous accueillants, qu'ils font rêver le public...

Comment appeler cela si ce n'est de la censure professionnelle ?

D'autant que je ne vous ai jamais attaqué personnellement. J'ai dit "les forains en général" parmi ceux que je côtoie. Je n'ai pas mis tous les forains dans le même sac.

Raphaël Zacharie de Izarra

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5 - Je "n'attaque" personne comme vous dites, j'use simplement de ma liberté d'expression et je ne vous empêche pas d'en faire autant à mon sujet si cela vous chante.

Moi j'avais envie de rédiger un article sincère sur mes expériences des fêtes foraines, ce que j'ai fait.

Je ne suis pas là pour mentir, inventer, fabuler mais pour encenser ou dénoncer les choses de ce monde. Ou simplement les constater. Je persiste et signe : mes expériences à propos des fêtes foraines ont toutes été édifiantes et m'ont ouvert les yeux sur cet univers de fric, de fausseté, de brutalité.

De quoi perdre toutes ses illusions sur le monde prétendument idéal des forains...

Continuer de faire semblant de n'avoir rien vu serait irresponsable de ma part. Et très malhonnête. La mentalité foraine, du moins celle que j'ai approchée, ressemble à celle de la pègre. D'ailleurs je me demande s'il n'y a pas des ponts entre le "milieu" et le monde forain comme c'est le cas avec le show-business.

Est-il encore permis d'exprimer ses opinions dans ce pays, et peu importe qu'elles soient justes ou fausses ?

Si je me trompe, et vous avez parfaitement le droit de le penser, alors venez argumenter pour défendre votre cause au lieu de nier sottement. Votre attitude stérile consistant à nier me porterait même à croire que c'est la preuve par la non argumentation de la partie adverse de la justesse de mes vues. Il ne suffit pas d'affirmer de belles choses, de brandir un étendard d'idéaliste, encore faut-il que les faits rejoignent le discours.

Est-ce que j'ai inventé les cerbères surveillant leurs carrés à peluches d'un air crapuleux, faisant la monnaie aux clients avec dans le regard une certaine malveillance comme s'il s'agissait de méprisables visiteurs à plumer ? Ai-je imaginé les exploitants de manèges aux mines sinistres distribuant des tickets avec des airs blasés propres à démoraliser un régiment de joyeux collégiens ? Ai-je rêvé ces regards peu aimables, ces visages antipathiques, ces têtes pas engageantes, enfin ces forains assimilables à des repris de justice en quête de mauvais coup ?

Attention je n'ai jamais dit que les forains étaient de potentielles crapules, j'ai dit qu'ils me faisaient songer à des crapules. C'est différent.

J'ai aussi ajouté qu'il n'était pas impossible qu'ils les côtoient. Mais de cela je n'en ai aucune preuve, juste l'intuition, qui peut s'avérer inexacte comme toute intuition.

Certes mon propos est dur, je ne le nie pas. Il est dur mais il est le reflet exact de ma pensée. Après, je peux me tromper. Mais c'est encore à démontrer.

Raphaël Zacharie de Izarra

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Mot final en forme de remerciement à l'adresse de mon détracteur nommé François-Xavier qui a su me tenir tête sur le sujet des forains :

Soyez remercié de m'asticoter de la sorte : ainsi le débat critique me permet de développer mes textes, de les enrichir d'arguments nouveaux, de les approfondir. C'est aussi par la dispute féconde que naissent mes textes, vous l'aurez remarqué.

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L'affaire du faux Rimbaud : documents complets
1 - APRES VERIFICATIONS ET CONFIRMATION, L'INEDIT DE RIMBAUD ETAIT BIEN UN FAUX !

Portrait complet de l'imposteur : http://www.lemague.net/dyn/spip.php?article1129

Un premier article suspect mais assez intriguant (reproduit ci-après) était apparu sur le NET à l'annonce de la découverte d'un texte inédit de Rimbaud :

L'auteur d'un des coups montés les plus audacieux de ces dernières décennies s'est manifesté sous le nom d'emprunt "Jean Daube Rit" (presque anagramme douteux du pseudonyme adopté par le jeune Rimbaud lui-même "Jean Baudry"). De source indiscutable, l'imposture a été prouvée auprès d'un certain journaliste parisien collaborant à la rédaction d'une célèbre revue littéraire (et qui a préféré -on le comprend- garder l'anonymat). Le faux a été effectué grâce à la recomposition frauduleuse d'archives anciennes à l'aide de vieilles feuilles vierges (authentiques celles-là) ajoutées à la revue en question qui aurait été ensuite "retrouvée" chez un bouquiniste de Charleville-Mézières. Affaire à suivre...

Piégé comme les autres, Nabe hier soir dans l'émission de Taddéi sur France 3 (le 19 mai 2008) a pour la première fois lu ce faux à l'adresse de millions de crédules !

Cet article publié sur plusieurs sites officiels était demeuré anonyme. Puis dans un second temps le falsificateur -ou prétendu tel- s'est dévoilé dans les termes suivants à travers un autre article, dûment signé cette fois :

Voilà : je suis l'auteur de cette imposture qui est en train de prendre des proportions énormes. J'en frémis d'horreur. Et d'aise. Je n'en suis pas à mon coup d'essai il est vrai : j'avais déjà fabriqué des faux documents littéraires à propos de Maupassant et de Hugo, pour ne parler que des plaisanteries un peu consistantes (publiées sur support papier "authentique", donc)... Bien entendu mes potacheries n'avaient jamais marché, du moins pas au point de déranger les cercles officiels. Jusqu'à ce que je m'essaye à un "faux Rimbaud". Cette fois la supercherie a été prise au sérieux, trop. Beaucoup trop, à hauteur inconsidérée de la folie furieuse des médias souvent prompts à s'emballer à la moindre alarme littéraire !

Les seuls responsables sont les "spécialistes" crédules relayés par les journalistes pressés de vendre de l'information et non l'auteur de cette malicieuse falsification. Je ne me considère pas comme un faussaire au sens judiciaire du terme mais comme un aimable gredin qui a ouvert sa cage à plumes que le vent médiatique a emporté plus haut que prévu. La blague sera de toute façon utile : elle permettra de remettre les pendules à l'heure chez les prétendus spécialistes de Rimbaud.

Pour la partie strictement littéraire la rédaction du texte "à la Rimbaud" fut l'étape la plus facile et la plus plaisante de l'entreprise. Un peu plus complexe -mais à la portée de tout bon faussaire un peu habile- fut de confectionner un faux matériel sur vieux papier. Le faire entrer ensuite dans un circuit classique afin de lui donner la "patine onirique" nécessaire à sa crédibilité (grenier de particulier, bouquiniste, antiquaires) à travers un protocole plausible ne demande pas une grande imagination, au contraire ! Découvert par un cinéaste sur les traces de Rimbaud (comme le hasard fait bien les choses, n'est-ce pas ?) le document fut fatalement récupéré "dans les règles de l'art". La presse n'avait plus qu'à prendre le relais.

Et voilà comment un gentil farceur se retrouve avec une méchante affaire sur les bras !

Raphaël Zacharie de Izarra
raphael.de-izarra@wanadoo.fr
2, Escalier de la Grande Poterne
72000 Le Mans FRANCE
Téléphone : 02 43 80 42 98
Freebox : 08 70 35 86 22

2 - IZARRA : FAUX NOM, VRAI FAUSSAIRE ?

L'auteur est un habitué des coups montés littéraires, il semblerait qu'avec des moyens chimiques, techniques mais surtout informatiques il soit parvenu à tromper la vigilance des plus rusés ! A partir de vieilles archives vierges authentiques il aurait fabriqué ce faux. Les naïfs s'y seraient laissé prendre.

Rien que les circonstances de cette trouvaille devraient inciter à la plus extrême prudence... Comme par hasard un cinéaste justement en train de faire un documentaire sur Rimbaud entre dans une bouquinerie (une librairie de quelle ville donc se demandera le péquin ? Mais oui bien-sûr de Charleville-Mézières voyons !) et là, hop ! comme par enchantement il trouve le fameux trésor littéraire qu'on recherchait depuis 1945 ! Bref, un mauvais scénario de Indiana Jones qui semble passer comme une lettre à la poste ! Sans parler des détails tellement "beaux et évidents" qu'il sont invraisemblables quand y réfléchit bien. Un romancier qui aurait écrit cette histoire aurait été taxé d'écrivain sans imagination. La vérité est que, comme l'avoue avec complaisance l'auteur de cet étrange message, le faux après avoir circulé un certain temps dans un circuit "traditionnel" pour accréditer son authenticité aurait finalement été dirigé vers cette boutique de Charleville dans l'attente de sa "découverte".

D'ailleurs trouver un tel document là où précisément dans l'imaginaire collectif on est censé le trouver, c'est plus fort que fort ! Et c'est pour cela que c'est aussi un peu faible quand on commence à se poser quelques questions... Des faux littéraires ont déjà été fabriqués, cela ne serait pas la première fois (récemment il y eut les faux carnets d'Hitler pour ne citer qu'un cas célèbre). Pour ce qui est des parties manquantes du document, les détériorations "naturelles" ont été machiavéliquement confectionnées à des endroits stratégiques du texte : il fallait que cela fasse vrai. Mais pas trop non plus quand même car on se doute bien que l'auteur de la farce n'aurait pas masqué, même en partie, la signature "Jean Baudry" ! C'était la seule chose importante, la signature. Il fallait même que ça fasse plus vrai que vrai. C'est réussi...

Signé : un complice impliqué qui n'aura pas l'inconscience, lui, d'en dire plus sur son identité...

(Article attribué à un anonyme complice ou plus vraisemblablement à Raphaël Zacharie de Izarra lui-même se faisant passer pour un anonyme...)

3 - PIEGE POUR SOTS ADMIRATEURS D'AUTEURS CONNUS

Certains spécialistes et profanes ne se ridiculisent-ils pas superbement en admirant avec des airs béats des écrits signés "Jean Baudry" ?

Ce canular, si c'en est un selon les sceptiques, a un but : dénoncer l'imposture d'une certaine littérature. Imposture orchestrée par des éditeurs opportunistes aux dépens d'esprits faibles se croyant épris de belles lettres dans le dessein que l'on devine : fabriquer des mythes rentables. Plus grave : elle est relayée de manière insidieuse par l'Éducation Nationale à travers ses manuels scolaires étatiques, sans aucune place pour la réflexion critique, et ce dans l'intention inique et faussement démocratique de fabriquer de futurs bacheliers au rabais. Tout lecteur, averti ou non, sera influencé par la signature des textes qu'on lui soumettra officiellement sous noble reliure. Une nouvelle preuve éclatante avec l'affaire de l'inédit de Rimbaud ? Aux esprits sagaces de trancher. Les imbéciles qui se seront trompés, eux, mériteront le blâme littéraire. Surtout si ce sont des spécialistes.

Une simple signature -certes illustre mais une signature n'est pas une oeuvre- apparaissant au bas d'un texte médiocre (pseudonyme authentifié, agréé par les cercles littéraires officiels nécessairement infaillibles...) suffit pour que des lettrés tombent en pâmoison. Avec n'importe quel texte, pourvu qu'il soit sur un support "authentique" et signé d'une plume illustre, il est possible de faire passer un potache -ou pour être plus précis un IZARRA- pour un Rimbaud.

Ho ! Cette divine ponctuation ! Ha ! Quel esprit ce Baudry ! Avez-vous vu madame cette pénétration dans l'ironie ! Ho ! Le nez de Bismarck ! Oh la la ! La moustache du teuton qui sert de virgule dans cette phrase-ci, quel génie ce Baudry, ne trouvez-vous pas ?

Le test est concluant : lorsque l'on signe du nom d'un bel auteur connu n'importe quel mauvais texte écrit en cinq minutes, pourvu que le lectorat soit déjà bien conditionné par cette imposture que je dénonce, il applaudit. A l'inverse, lorsque l'on signe avec des noms d'inconnus des textes authentiques pris dans la Pléiade, ce même lectorat raille, peu conditionné qu'il est pour s'extasier devant des écrits d'auteurs non appris à l'école, donc parfaitement inconnus...

Pour résumer, prenez des textes classiques peu connus du grand public, signez-les "Marcel Dupond", soumettez-les à des prétendus beaux esprits et écoutez les commentaires pleins d'âneries qu'ils ne manqueront pas de sortir...

Dans le cas concret qui nous préoccupe, parce qu'un texte classique est signé du nom de votre "ennemi" (Izarra pour bien nommer celui qui vous ridiculise), cela suffit pour que vous perdiez subitement tout jugement esthétique : vous devenez curieusement incapables d'apprécier le texte en lui-même...

Je suis heureux de prouver une nouvelle fois (de manière concrète et non théorique) que la sottise ambiante est à nos portes. La supercherie grandira certains esprits qui auront su rester critiques et ridiculisera les autres. Il est tout de même décevant de constater que mes contemporains sont d'incorrigibles naïfs, et en même temps je suis très satisfait que ma thèse sur l'imposture de la littérature tienne à ce point la route.

Que le document soit un faux ou un vrai, le fait est anecdotique. Je suis là pour une affaire plus essentielle : ébranler certaines certitudes littéraires.

Raphaël Zacharie de Izarra

4 - Ma principale utilité : éprouver la sagacité des prétendus beaux esprits de toutes espèces. Et des spécialistes de la question rimbaldienne. Je suis le trublion des Lettres, c'est de bonne guerre. Et finalement très sain. Les impostures ont toujours existé dans l'histoire de la littérature et certains imposteurs furent aussi de grands auteurs plus facétieux que d'autres. Je fais éternuer messieurs les grands professeurs de littérature, enrager les sots convaincus. Rien que des choses fort salutaires !

Raphaël Zacharie de Izarra

5 - Je souhaite demeurer le maître du jeu le plus longtemps possible. Ce n'est pas à moi de prouver l'authenticité de ce texte mais aux spécialistes de la question littéraire. C'est à eux d'asséner vérités immortelles et écrasantes, de répandre affirmations lumineuses et sereines -bref de convaincre l'incrédule- et non à moi d'abréger les doutes. Mon rôle consiste à faire accoucher la vérité littéraire aux prétendus spécialistes de Rimbaud, non à servir sur un plateau le sujet cuit de leurs actuels tourments. Seul celui qui a les bonnes cartes en main aura le dernier mot. Celui-là peut se permettre toutes les licences et fantaisies. Chacune de mes provocations à l'adresse de mes détracteurs doit être considérée comme une salutaire incitation à percer le mystère de ce texte par des moyens strictement artistiques, littéraires, intellectuels et non vulgairement matériels. On devrait au contraire me rendre grâces d'inviter les admirateurs de Rimbaud à la critique honnête au lieu de me condamner de la sorte !

En attendant je laisse à mes détracteurs le temps de se ridiculiser dans toutes les directions. Ou de faire triompher la vérité, s'ils la détiennent.

Raphaël Zacharie de Izarra

6 - Je n'ai pas abattu toutes mes cartes. Une mystification consistante se fait nécessairement sur le long terme. Donc, pas de précipitation ! D'ailleurs je ne sais pas encore s'il sera finalement indispensable de donner des preuves : la régénérescence des esprits corrompus par le snobisme rimbaldien se fera peut-être sans ce concours matériel que réclament les admirateurs et fins connaisseurs de Rimbaud... Le miracle de l'Intelligence peut fort bien s'opérer indépendamment de toute preuve tangible. Quoi qu'il en soit, ces éventuelles preuves matérielles pourront toujours être mises en doute car il y aura toujours des saint Thomas pour douter de l'évidence, aussi ces preuves palpables sont-elles vaines. La seule véritable preuve -irréfutable- que ce document est un vrai, ou un faux, c'est de le confronter audacieusement aux jolies sensibilités pénétrées de vérités rimbaldiennes promptes à tomber en pâmoison à la moindre prose signée "Rimbaud".

Raphaël Zacharie de Izarra

7 - REPONSE A JEAN-JACQUES LEFRERE

Monsieur l'éminent spécialiste de Rimbaud Jean-Jacques Lefrère me taxe d'hurluberlu dans le "Figaro Littéraire". C'est de bonne guerre. Il défend sa cause, n'est-ce pas légitime ? J'assume totalement les volées de bois vert que l'on me destine. Je m'expose au feu, il est naturel que j'en endure les effets. En outre le qualificatif "hurluberlu" est plutôt aimable. Bien entendu, pas question de m'attaquer aux personnes dans cette affaire. Le débat doit porter sur l'objet du délit littéraire, non sur les protagonistes. Chacun a le choix de ses armes : la vérité pour moi, la mauvaise foi pour les autres.

Il va de soi que je respecte tous mes détracteurs, quels qu'ils soient. Avec férocité certes je continuerai à défendre ma version, mais dans les règles strictes de la courtoisie.

Glorieux ou vaincu, déchu ou grandi, je saluerai avec la même flamme mes adversaires.

L'esprit chevaleresque imprègnera toujours mon glaive izarrien.

Raphaël Zacharie de Izarra

8 - REPONSE AUX JOURNALISTES

Les journalistes ne cessent de me réclamer des preuves palpables accréditant la version "littérairement impopulaire" selon laquelle l'inédit de Rimbaud serait un faux. Mais quel genre de certitudes matérielles ? Les journalistes sont-ils des experts en vrais et faux documents ? Si des experts -des vrais- en analyse de feuillets on pu se laisser berner par un faux document, les pauvres journalistes y verront-ils plus clair du haut de leur courte plume ?

D'ailleurs le document en question n'est plus en ma possession puisqu'il est actuellement entre les mains expertes des "experts", précisément...

L'unique preuve concrète que ce document est un faux -ou un vrai- est à chercher... dans le document lui-même !

Et pas ailleurs.

Après, si des techniciens du papier ancien et des spécialistes de Rimbaud incompétents se font berner par ledit document et sont incapables de persuader définitivement et les journalistes et le grand public de leur unique, exclusive, étroite, obtuse vérité d'experts et d'exégètes, alors le doute qui nécessairement se renforce devient de plus en plus légitime.

Tout expert devrait d'un docte mot, d'un seul, parvenir à imposer son incontestable vérité d'expert au profane désarmé... Sinon il est tout sauf un expert.

Bref, si les tenants de la vérité tangible sont absolument certains de l'authenticité de ce prétendu trésor rimbaldien, pourquoi cette soudaine prudence dans les médias ? A cause certainement de la précédente affaire des faux carnets d'Hitler...

Les savants pétris de certitudes rimbaldiennes ne devraient même pas se donner la peine de répondre à "l'hurluberlu" du Mans qui ose se dresser contre un mythe... Répondre, c'est alimenter la rumeur.

Alors qu'ils se taisent !

Et pendant ce temps, qu'on me laisse chanter ma version. Elle a au moins l'avantage d'élargir la vue des brebis pensantes qui préfèrent -saine attitude- prendre le risque d'écouter un son différent au lieu de bêler sottement avec le reste du troupeau.

Raphaël Zacharie de Izarra

9 - Certaines personnes indélicates m’accusent de vouloir me faire de la publicité pour mon blog, ce qui bien évidemment ne me ressemble pas à un esthète de mon envergure.

Par conséquent dans un second temps du débat j'ai choisi de ne plus indiquer le lien de mon blog afin d'éviter de provoquer les croassements de certains volatiles...

Pour en revenir au sujet, je répète que la véritable imposture n'est pas dans le support matériel lui-même, qui est un faux, mais dans les têtes. Je dénonce la corruption des esprits (esprits visiblement affaiblis dès qu'il s'agit d'admirer béatement les "merveilleux écrits" de Rimbaud) enclins à prendre comme parole d'évangile tout baratin d'expert doctement émis. La masse bêlante et profane, la pauvre, l'ignare, en est réduite à chanter sous la baguette du chef-d'orchestre-grand-schtroumf-expert détenteur de la "vérité littéraire"

Je répète encore que les preuves matérielles que ce faux est bien un faux se trouvent dans le document lui-même et pas ailleurs. Or ce document n'est plus entre mes mains puisqu'il a été "lâché" dans le "circuit fatal" qui l’a porté à la postérité.

En outre je ne suis guère pressé d'apporter les preuves que l'on me demande. Ou de les nier. Je n'agis pas dans la précipitation, ce serait bien vulgaire pour un esthète de ma qualité... Je ne cours pas plus après les médias. J'ai tout mon temps, les arguments qu'il faut, ma vérité à moi. J'abattrai mes cartes quand je le jugerai nécessaire. Je ne suis pas à la botte des journalistes. Et puis surtout...

Surtout ne nous prenons pas trop au sérieux dans cette histoire.

Ce serait bien triste si ces messieurs les exégètes ne s'amusaient pas autant que moi ! Rimbaud et tout le tintouin, les haleurs et les poches trouées, tout cela c'est bien joli mais la poésie devrait-elle donc rester purement intellectuelle, essentiellement livresque, simplement théorique ?

J'offre aux exégètes une leçon de littérature grandeur nature, un cour vivant de sagesse rimbaldienne : d'abord savoir rire des choses les plus "importantissimes", comme par exemple cette affaire mondaine et finalement assez futile à propos du faux texte de Rimbaud.

Ensuite et par-dessus tout je leur apprends à ne pas oublier l'essentiel : lâcher le lest académique et avec courage, fièvre, hauteur, entrer dans l'arène pour vivre la poésie, la vivre. La vivre et non l'intellectualiser sans cesse et ainsi la rapetisser jusqu'à la rendre ridicule, mesquine, sèche.

Ce que je leur propose finalement, c'est de vivre la grande aventure izarrienne.

Raphaël Zacharie de Izarra

10 - LA SCIENCE AU SECOURS DES LETTRES !

(J'ai appris que le document en question devra être analysé afin de déterminer avec certitude si c'est un faux ou au vrai...)

J'ai déjà répondu aux questions de mes détracteurs à maintes reprises et ma réponse ne varie pas : la preuve de ce que j'avance est au fond des éprouvettes des chimistes actuellement affairés autour de la "géniale trouvaille".

Tout de même... Chercher la paternité d'un texte littéraire à l'aide d'un scalpel de technicien, d'un double-décimètres de matheux et de gants de chirurgien, quelle tristesse ! A quelle lamentable pitrerie les exégètes de Rimbaud se livrent-ils ? Pour en arriver là, faut-il qu'ils soient bien ignorants de la littérature !

Incapables de trancher une bonne fois pour toutes grâce à leur seul jugement esthétique, ils en sont réduits à recourir à des analyses scientifiques pour déterminer si ce texte est d'origine rimbaldienne ou izarrienne !

Rimbalesquement vôtre.

Raphaël Zacharie de Izarra

11 - LA PLUME RIMBALDIENNE : CAUTION IMMUNITAIRE...

Rimbaud aujourd'hui serait un vulgaire délinquant de la banlieue de Charleville-Mézières, rappeur, slameur, poète doué et précoce il est vrai, mais encore sodomite dégénéré, personnage douteux, drogué, buveur, paresseux qui aurait d'abord été une petite crapule avant de devenir gros trafiquant de drogue entre la France et le Maroc... Voilà ce qui me semble le mieux correspondre si on transpose avec réalisme la "légende Rimbaud" dans notre époque. Ma vue est honnête, pleine de justesse : nulle illusion romantique ne déforme mon jugement.

Cessons de lustrer les semelles sales d'un versificateur certes hors du commun quant à la qualité de la plume (lorsqu'il ne délire pas avec des poèmes "charabiatisants") mais qui pour autant ne mérite pas que l'on en fasse ce mythe nourrit d'artifices plus grotesques les uns que les autres.

Comment peut-on admirer un trafiquant d'armes sans état d'âme qui prône les égarements d'une vie dissolue, les délices de la perdition, l'enrichissement crapuleux ?

Prôner les hauteurs poétiques, jouer au troubadour éthéré, au rêveur enivré d'éclairs radieux, de fulgurances idéales, voilà pour la théorie chez Rimbaud. Le passage à la pratique est beaucoup plus décevant...

Quelle incohérence ! Quelle noirceur d'âme ! Évidemment le trafic d'armes, les sordides amours, la fuite en Afrique en quête d'histoires glauques, chez un type comme Rimbaud ça passe pour être d'une grande classe ! Aux yeux de ses sinistres laudateurs cela s'appelle l'aventure, cela s'appelle la noblesse, cela s'appelle le mépris pour le monde bourgeois. Quelle complaisance !

Ainsi la rime justifierait le crime...

Ha ! Comme c'est facile d'embellir une biographie quand on a la vue bornée par des fadaises poétiques, quand on est ébloui par de flatteurs apparats !

Bref, le sexe, l'argent sale, la descente progressive dans les bas-fonds de l'âme, l'hypocrisie, Rimbaud n'échappe pas aux règles du genre crapuleux. Il avait vraiment tout ce qu'il faut pour que des esprits faibles d'un siècle dégénéré lui fabriquent une légende frelatée.

Raphaël Zacharie de Izarra

12 - LES VERTUS PEDAGOGIQUES DU FAUX TEXTE DE RIMBAUD

L'enjeu de cette affaire dépasse l'anecdote de savoir si ce document est un faux ou un vrai. La vraie question est : que vaut la vérité d'un docte pitre face à un Izarra farceur qui fait le choix de penser plutôt que de braire ?

Certains qui ont des chapeaux pointus prétendent que le réchauffement climatique est dû à l'activité humaine, d'autres qui portent des lunettes performantes mais qui ont la vue intérieure lamentablement brève assènent aux masses bêlantes toutes des vérités tordues, comiques, grotesques.

Moi je prétends que "Le Bateau Ivre" et "Une saison en Enfer" sont des oeuvres purement facétieuses pondues par le plaisantin de Charleville, sans doute dans le but de rire des faux esthètes et snobs érudits de son époque. Ce qui ne signifie pas que par ailleurs Rimbaud faisait de la bonne poésie, l'acidité de la farce ne s'opposant nullement au feu de la lyre.

Ma vérité izarrienne, qui a la suprême particularité d'être joyeusement fantaisiste, pleine d'une rassurante, pédagogique, libératrice souplesse -et qui est hautement rimbaldienne dans le fond- vaut bien celle, figée, étroite, austère, voire franchement bête et méchante des exégètes s'accrochant désespérément, académiquement, mesquinement à leurs bornes.

Raphaël Zacharie de Izarra

PRECISION FINALE POUR LES MAUVAISES LANGUES :

Enfin pour répondre avec hauteur et concision à ces vils détracteurs m'accusant de vouloir me faire de la publicité à bon compte pour mon blog, qu'ils sachent que seule la qualité de mes textes doit séduire sans l'aide d'une vulgaire publicité basée sur le scandale. Je n'ai nul besoin de faire la promotion de mon blog étant donné qu'il a toujours été très visité et ne pratique par conséquent pas ce genre de racolage crapuleux.

Raphaël Zacharie de Izarra


"LE MONDE" PUBLIE UN ARTICLE SUR MOI !

Paris est venu au Mans. Ce qui équivaut, en terme professionnel, à un scoop. Du moins dans le cercle restreint des journalistes littéraires, appelés aussi dans notre jargon « mondains du livre ». Depuis là-haut, c'est un événement, une prouesse. Rappel d’une épopée locale qui avait fait deux ou trois vagues dans nos salons : quelques heures à peine après la révélation au grand public d’un inédit de Rimbaud (Le rêve de Bismarck) retrouvé chez un bouquiniste de Charleville-Mézières, un énergumène manceau revendiqua non sans fracas la paternité du document qui serait donc… Un faux ! Info ou intox ?

A la rédaction les collègues ont bien ri. Il y avait de quoi, avec ma mission d’« envoyé spécial en province »… La décision résonnait désagréablement comme le coup de «sifflet de Jéricho» de l’officier de police plein d’avenir du Quai des Orfèvres rétrogradé du jour au lendemain à la circulation de la Place Clichy. Et j’ai effectivement été envoyé au Mans afin de tenter d’éclaircir ce mystère d’arrière pays. Merci le TGV. Bref, de retour avec mon papier, ils ne riaient plus du tout à la rédaction. Enquête.

AUTEUR PROLIFIQUE

Raphaël Zacharie de Izarra est un farceur.

Un auteur prolifique aussi. Avec plein d’imagination.

Un simple hurluberlu en mal de notoriété comme l’affirmait, un peu énervé, le plus grand spécialiste de Rimbaud Jean-Jacques Lefrère dans les pages du « Figaro Littéraire » ? Pas si sûr… Dès qu’on approche le phénomène, les certitudes toutes faites s’éloignent. Il y a fort à parier qu’au contact de ce fou follet, plus d’un routard de la presse reverrait son jugement. Un poids-plume de l’auto édition (il se répand sur Internet) capable d’ébranler des maisons : Izarra a du souffle, il faut lui reconnaître ce précieux avantage.

FRISSONS

Personnage machiavélique diraient certains… Angelot d’une désarmante naïveté pour d’autres. Prince cynique ou entité ailée, peu importe : le plaisantin ne manque pas d’atouts. S’il est vrai que le diable a plus d’un tour dans son sac, les anges n’en ont pas moins de la plume. Celui qui veut défier les exégètes de la littérature, pardon de la Littérature comme il le précise, est bien outillé. Ce maître du verbe joue de son art oratoire jusqu’à l’énième degré, là où commencent les premiers frissons. Déstabilisant.

Le « clown à particule » s’avère être un morceau de choix pour tigres de rédactions, un cas d’école comme on en rencontre rarement dans une carrière de reporter. Un pigiste averti y regarderait à deux fois.

Izarra, ça à l’apparence de l’ersatz, de loin ça n’a l’air de rien, de Paris on croit que c’est du toc… Et quand on vient chez lui au Mans pour une interview de près, pour de vrai, alors l’Izarra c’est de l’or en barre ! Foi de journaliste.

L’animal est prêt. De mon côté, je fourbis mes armes. Ambiance règlement de compte à l’oral. L’interview commence mais c’est lui qui tient la baguette.

Quand je l’interroge au sujet de cette affaire grotesque du « vrai-faux-Rimbaud » il ne se démonte pas. Ses yeux s’éclairent. Le masque de la sincérité l’habille tout de blanc. Et il a des arguments le renard ! Répondant point par point aux objections émanant de ses détracteurs, il se défend. Avec foi, panache, consistance. De telle façon qu’à mi-parcours de l’interview il est déjà permis de douter de la version officielle. Question de choix. En l’écoutant, intarissable, virtuose, charmeur, parfois excessif, toujours percutant, on se sent plus léger, libre de balancer entre vérité médiatique et doute « izarrien », qualificatif dont il abuse avec jubilation. C’est le cadeau qu’il nous fait : penser par soi-même. Raphaël Zacharie de Izarra est persuasif, il a l’art de soulever des questions que nul n’oserait effleurer.

POLEMIQUE

Ses arguments ? Contestables, soyons honnêtes. Contestables et pourtant… Pas tant que cela. Et c’est étrange, et c’est puissant, et c’est passionnant. C’est oui ou c’est non, c’est vrai ou c’est faux. Entre les deux, une infinité de nuances. Toutes déroutantes.

Izarra a sa place dans la polémique et il tient tête. Il a pris le rôle du bouffon, qui n’est pas le plus facile. Rappelons que le pitre officiel du royaume assénait des vérités cinglantes au roi. Izarra se paye la tête du roi et c’est bien le seul : il n’y a qu’un bouffon dans tout le royaume pour user de ce droit. Les autres se taisent. Lui, il la ramène. Il fabrique du faux pour « mieux dénoncer une autre imposture : celle d’une certaine littérature » dit-il.

Dans le détail son discours ressemble un peu à cette histoire de fous où l’un soutient que la bouteille est à moitié pleine pendant que l’autre s’évertue à démontrer qu’elle est à demi vide. L’un a tort, les deux ont raison et personne ne peut trancher. Ensuite c’est une question de crédibilité vestimentaire. La « vérité » du porteur de cravate sera toujours un peu plus « vraie » que celle de l’adepte de la chemise à carreaux. Izarra ne porte ni cravate ni chemise à carreaux, il arbore un front vaillant dénué d’artifice, affrontant nu les « cohortes de Bêtise parées de flatteurs, mensongers atours ».

Même pour un reporter qui a de la bouteille, il serait trop facile de prendre à la légère l’édifice de papier de monsieur Izarra. Pour l’heure tout est théorie, démonstration intellectuelle, preuve par la dialectique et conviction intime. Le sieur Izarra est redoutable quand il s’agit de semer le doute. Et ça prend. A faire trembler les bases du plus orthodoxe des convaincus. Ca prend tellement bien que, séduit par le brillant discours, déjà convaincu mais pas tout à fait prêt à mettre la main au feu tout de même, on ne demande plus qu’à voir.

ROCAMBOLESQUE

Voir, c’est ce qu’il nous promet depuis le début de cette affaire décidément rocambolesque… Mais il n’est pas pressé d’apporter de la matière à son moulin à paroles. Izarra brille tant qu’il reste dans ses « hauteurs » abstraites, position stratégique bien commode dans laquelle il a tendance à s’éterniser… Sur la terre ferme son pied est plus glissant.

Il a le temps pour lui, répète-t-il. «Je n’agis pas dans la précipitation, mon dessein est de plus grande envergure que de nourrir ces poussins de journalistes. Patience ! Au lieu de petit grain sans lendemain vous aurez la grosse pâtée pour l’hiver» confie-t-il, un brin malicieux.

C’est vrai qu’il cause bien le contradicteur et qu’on serait prêt à se convertir à sa « vérité », à deux doigts du gouffre séparant « l’hérésie médiatique du ciel izarrien »… A condition de donner corps au discours. Bluffant pour ceux qui l’approchent, l’écoutent, le « sentent », simple zozo pour les autres qui n’ont pas eu le privilège d’un tête-à-tête, le personnage a de quoi faire peur.

La première fois il avait même fait très peur : l’AFP lui reproche un séisme d’ampleur nationale provoqué par ses simples assertions. Pas si zozo qu’il en a l’air le « Zaza » !

DU TEMPS

Raphaël Zacharie de Izarra nous demande du temps, encore du temps pour prouver qu’il est l’auteur de cette farce. Mais où est la vraie farce ? Dans le document lui-même qui serait un « authentique faux » ou dans le formidable pouvoir de persuasion d’un mythomane de premier ordre ?

Sa démarche, se justifie-t-il, est une oeuvre « de long terme, dense, complexe, nécessairement lente ».

A la lumière de ses propos pour le moins convaincants, irritants, intrigants, presque fascinants, on lui laissera le bénéfice du doute. Mais pas trop longtemps. Pas trop longtemps monsieur Izarra : à la rédaction ils ne rient plus, mais alors plus du tout.

R.S.
(Le Monde)



COMMENT J'AI FAIT LE FAUX "INEDIT DE RIMBAUD" (Le rêve de Bismarck)

A propos de l'affaire de l'inédit de RIMBAUD, certains "spécialistes" pensent que je suis incapable de faire un faux sur le plan technique.

Justement, si.

Toute la question avec mes détracteurs était là, sur le plan strictement technique. J'avais déjà expliqué ma méthode et mon mode opératoire. Tactique, technique bien sûr mais surtout stratégie. Avec ma patience, mon réseau de complices, il n'a pas été insurmontable de monter ce fameux coup au sujet de RIMBAUD.

Je ne travaille pas, j'ai tout le temps pour élaborer des impostures de ce genre.

J'ai beaucoup de pouvoir de persuasion, un vrai sens de la psychologie, des relations dans divers domaines comme dans l'infographie et la sérigraphie, ce qui m'a été d'une aide précieuse. J'ai également des contacts avec des étudiants en chimie de l'Université du Mans qui me conseillent et m'aident (les étudiants ayant le sens de la potacherie plus développé que leurs professeurs).

Si vous saviez tout ce qu'on peut faire quand on a de l'audace...

Ce que vous avez vu c'est le côté éclatant de l'affaire. Mais pour qu'une imposture de cette envergure sorte, il faut s'y prendre avec méthode et ambition. Plusieurs sont tombées à l'eau et cela nul ne le sait. Il n'y avait pas que RIMBAUD qui était sur la "liste d'attente". J'ai fait des faux concernant plusieurs auteurs, sachant pertinemment que sur une quinzaine de fusées médiatiques une seule parviendrait à décoller, voire deux peut-être. Ce qui permet de réussir une telle imposture, c'est la multiplication des "rampes de lancements". Les autres impostures que j'ai entreprises n'ont pas été jusqu'à leur terme mais peu importe : le but n'était pas que les 15 coups réussissent, le but était de multiplier les "mises à feu" pour que l'une des 15 impostures au moins aboutisse.

Au départ je ne savais pas laquelle des 15 impostures allaient aboutir, bien entendu. J'ignorais quel texte issu des huit auteurs célèbres choisis (j'ai lancé une quinzaine de textes izarriens signés de huit auteurs célèbres différents) allait être "exhumé de l'oubli"... Au départ je ne savais pas quels "inédits" allaient être "découverts" dans un des endroits fixes ou réseaux de circulations stratégiques où je les avais placés (bibliothèques, bouquinistes et même dans un endroit que je ne peux révéler ici). L'important était qu'au moins un de ces textes sorte de "l'oubli".

En ce qui concerne le support, j'ajoute que chez n'importe quel bon bouquiniste même de province, pour peu que vous payiez le prix vous pouvez obtenir des feuilles vierges de différents formats et plus ou moins jaunies datant du XIX, voire du XVIIIème siècle (entre 100 et 200 euros la dizaine ou vingtaine de feuilles). Chez le bouquiniste au Mans, l'Athanor, je les ai eu pour un peu plus de cent euros.

Les "spécialistes" du vieux document sont des ânes. Bernés avec une centaine d'euros !

Bref, tout cela mes détracteurs ne le savent pas et c'est ce qui fait ma force : on croit impossible qu'une telle entreprise réussisse car on pense en terme de coup unique. Comme si j'avais lancé cette affaire de manière unique et ponctuelle, hasardeuse, presque irréfléchie...

Or le nombre "d'inédits" mis dans des circuits privés et publics est supérieur à ce qu'on imagine. Et la laborieuse, minutieuse mise oeuvre de ces affaires, parfois simultanément, parfois successivement (pour finalement n'en faire triompher qu'une seule -voire deux-), n'est qu'une simple, banale affaire de temps et d'obstination. D'ailleurs on n'imagine rien de tout cela. On pense d'emblée, sans même se poser plus de question, que celui qu'on qualifie de "prétendu faussaire" -moi donc- aurait lancé sa petite pierre comme cela, de façon unique et aléatoire... Et donc cela semble improbable.

Sauf que quand on a le temps, la motivation, l'audace, TOUT DEVIENT POSSIBLE. Ce qui paraît irréalisable est parfaitement réalisable et même dans les faits la réalisation de ce genre de chose est souvent plus facile qu'en théorie.

Je le sais par expérience personnelle...

Aucun spécialiste ne croit possible une telle entreprise. Certes, mais c'est parce que ces grands érudits pleins de certitudes techniques et littéraires pensent en termes non-izarriens.

Seul JEAN TEULÉ est resté prudent et à mis en doute l'inédit de RIMBAUD.

Raphaël Zacharie de IZARRA



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Editeur de pigeons
A travers ces 28 commentaires postés sur un forum littéraire j'ai abordé l'épineuse question de l'édition à compte d'auteur. Je réponds à JM, victime consentante de l'édition à compte d'auteur, à son éditeur GB qui entre temps est intervenu ainsi qu'à quelques détracteurs.

Raphaël Zacharie de IZARRA

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1 - LE PROBLÈME DE L'ÉDITION À COMPTE D'AUTEUR

Je vais vous dire ce que j'ai sur le coeur au sujet de JM, victime de l'arnaque de GB, un de ces nombreux éditeurs qui publient des livres aux frais de leurs auteurs... Ce sont les profiteurs de la sottise humaine comme GB, "éditeur" officiel de JM (GB que je cherche à contacter pour lui dire ce que je pense de ses bienfaisances hautement tarifées) qui sont à blâmer et non pas moi qui dénonce ce genre de crapules !

Honteux !

Ce sale type tire profit sans aucun scrupule de la naïveté de JM pour lui faire payer l'édition de ses bluettes dignes d'un élève de CE 1 !

Certes JM est contente de payer pour avoir l'illusion d'être une poétesse, elle y trouve son compte je ne le nie pas. Est-ce une raison suffisante pour exploiter financièrement sa crédulité de dinde sans défense ?

Jamais je n'oserais exploiter de la sorte l'ignorance et la faiblesse de gens comme JM pour leur soutirer de l'argent, comme le fait cet odieux personnage qu'est GB ! Les vrais ignobles, ce sont les gens comme eux !

Raphaël Zacharie de IZARRA

2 - JM, OUVREZ LES YEUX !

Évidemment votre éditeur-humaniste si aimable GB trouve "merveilleux" tous vos poèmes, je n'en doute pas un seul instant. Il est chaleureux avec vous, attentif... De cela j'en suis également persuadé. Pensez ! C'est tout bénéfice pour lui...

Son intérêt est de trouver ce que vous écrivez superbe. Il attend même avec impatience votre prochaine publication : normal il prend son pourcentage en bénéfices. Bénéfices tirés non pas des ventes de vos oeuvres mais de leur "droits d'inscription" chez lui ou du moins assimilés comme tels.

Jamais GB, éditeur si gentil, ne vous critiquera JM. Au contraire il sera toujours à vos petits soins. Il défendra bec et ongles vos si "jolis" poèmes... L'exploitation de la crédulité, c'est son fond de commerce. Le plus fort c'est qu'il parvient à vous arnaquer en vous facturant vos sourires de béatitude. Il vous plume et vous êtes ravie de l'être ! GB est un escroc de salon. Bien vêtu, toujours aimable, il berne les pigeons de votre espèce.

GB sait pertinemment que vos oeuvres c'est de la guimauve insipide, illisible, risible. Son filon c'est l'illusion. Alors je vous rassure, GB sera toujours chaleureusement présent pour défendre votre cause, autrement dit SA cause : le fric.

Je vous souhaite de demeurer sur votre petit nuage rose JM car apparemment c'est encore là que vous semblez la plus heureuse. Vous ne semblez pas avoir envie d'ouvrir les yeux sur GB alors restez dans vos doux rêves, au moins vous contribuez à enrichir un homme heureux. Et puis après tout l'argent est fait pour circuler, alors continuez à publier vos merveilleux poèmes chez GB moyennant finances !

Raphaël Zacharie de IZARRA

3 - LÉGAL MAIS MALHONNÊTE

Certes GB ne fait rien d'illégal mais ce n'est pas parce que son entreprise de promotion des pigeons est légale que ce personnage est honnête pour autant.

C'est vrai que chacun a le droit de se payer du vent au prix fort, mais à condition d'avoir toute sa lucidité. Après tout chacun est libre de se faire plumer avec son propre consentement, et avec le sourire en plus ! Mais dans le cas de JM, poétesse-guimauveuse sans défense psychologique, c'est de la pure exploitation financière de personne fragile car JM est victime de sa propre naïveté. Et GB exploite sa naïveté sans aucun scrupule !

JM n'a pas assez de discernement pour prendre conscience de l'arnaque morale que constitue l'entreprise de GB.

Laisser faire, c'est de la non-assistance à personne vulnérable exploitée éhontément par un requin. JM doit être avertie de deux choses :

- Ses écrits sont sans aucune valeur littéraire et aucun éditeur sérieux n'accepterait d'éditer ces niaiseries

- Elle est incapable de se rendre compte que GB n'est pas un vrai éditeur soucieux de littérature de qualité mais un pur commerçant

GB incarne la misère de l'édition, le pire qui puisse se faire dans ce domaine. Il "aide" les pires écrivassiers qui soient, moyennant finances indues.

Même chez Gallimard il y a des mises au pilon d'invendus.

Lui faire croire que ses guimauves vont se vendre, même se lire gratuitement est lui faire un énorme mensonge. Certes ses amies mémères lui achèteront quelques ouvrages qu'elles trouveront "merveilleux".

Ce ne seront que des achats affectifs primaires. Avez-vous déjà vu une mère critiquer le collier de nouilles que lui offre son enfant pour la Fête des Mères ? Bien sûr le collier de nouilles est une horreur et pourtant la mère fait mine de s'émerveiller devant cette misérable création de sa progéniture toute engluée dans son insupportable puérilité. En ce qui concerne les oeuvres de JM, c'est dans le même ordre d'idée : quelle mémère parmi ses lectrices serait assez cruelle -et assez lucide car j'imagine que le lectorat de JM est essentiellement constitué de gens séniles- pour assurer que ses vers sont de la confiture de framboise à dégueuler de la première à la dernière gorgée ?

Nul ne conçoit bien évidement qu'une mémé sénile vienne critiquer les écrits de JM...

C'est sur ce registre que joue GB : le cercle privé des flatteurs-nés, uniques lecteurs et uniques "critiques" des oeuvres de JM.

Cette démonstration que je viens de faire à propos de l'entreprise malhonnête de GB est d'ailleurs inutile puisque ce que je dis est évident pour le commun des esprits.

Mais pas pour JM, hélas !

Raphaël Zacharie de IZARRA

4 - ÉDITEUR DE GOGOS

GB est un escroc de l'édition, je persiste et signe. Il abuse de la faiblesse psychologique de JM pour s'enrichir éhontément. Il a certes la loi avec lui mais pas la morale.

Il fait partie de ces requins sans scrupule de l'édition, la honte du métier. Je le mets au même rang que les escrocs de la "Pensée Universelle".

Raphaël Zacharie de IZARRA

5 - RÉPONSE À JM

Bien sûr que votre "bienfaiteur" va trouver plein de qualités à votre naïve personne et à vos ineptes écrits ! Il ne va pas tuer la poule aux oeuf d'or comme ça... Pas si bête.

Il a tout intérêt à être votre "bienfaiteur" puisqu'il prend sa part de bénéfices. Vous pensez réellement qu'il va critiquer vos écrits au prix où il vous vend ses "services" ?

Il a tout à gagner à "donner leur chance" aux perdants de votre espèce... Son fond de commerce c'est la crédulité des imbéciles !

Il est exactement comme les directeurs de casinos : lui seul est sûr de gagner dans cette affaire !

Aucun éditeur digne de ce nom de demande de l'argent à un auteur, c'est une règle d'or qui vaut pour toutes les entreprises de ce genre ! Ce sont les éditeurs qui devraient payer les auteurs en les remerciant et non l'inverse ! C'est une HONTE de voir que ces arnaqueurs sévissent encore de nos jours ! Ce que les gens peuvent être imbéciles pour se faire avoir de la sorte ! L'arnaque que pratique GB est aussi vieille que le monde.

Vous pensez vraiment que c'est une chance de se faire éditer au prix fort chez ce vendeur de vent ? Il incarne l'image même de la calamité éditoriale ! Vous faire connaître ? Mais on se fout de votre gueule ! Vous vous faites une célébrité de pauvre cloche en passant par les "services" de ce malfaiteur en col blanc !

Jamais un éditeur sérieux ne demandera la moindre contribution financière pour publier un auteur ! GB le sait bien et il profite du filon constitué par ces cohortes d'auteurs crédules, plumes sans talent qui croient encore au Père Noël et qui comme vous ne seront jamais édités dans des maisons d'édition traditionnelles (qui elles sont honnêtes), pour leur proposer ses services dûment tarifés !

Vous êtes la victime consentante de cet arnaqueur mais après tout puisque vous insistez pour être plumée en beauté cela vous regarde et c'est tant pis pour vous. Ou tant mieux, si cela vous rend plus heureuse... GB peut augmenter ses tarifs à ce compte-là : il est certain que les pigeons pris dans ses filets le suivront pendant encore des années...

Raphaël Zacharie de IZARRA

6 - RÉPONSE À GB (qui m'envoie un texte de loi traitant de l'injure et la diffamation publique)

Je n'ai pas lu votre pavé indigeste mais j'en devine les iniques rigueurs : la loi devrait protéger les gens honnêtes comme moi, les êtres vulnérables comme JM et non les escrocs de votre genre qui abusent de la crédulité des imbéciles pour les plumer. En toute légalité, malheureusement.

Hélas ! La loi des hommes n'est pas systématiquement calquée sur la morale et parfois la loi des hommes défend et protège les minables de votre espèce.

Heureusement il existe quand même des procédures pour contrer les profiteurs et parasites qui comme vous s'enrichissent sur la faiblesse psychologique de leurs concitoyens. Vous êtes la face noire de l'édition.

Vous devriez vous cacher de honte au lieu de faire appel à la loi pour tenter de vous défendre. JM n'a AUCUNE chance de récolter la moindre palme pour l'ensemble de son "oeuvre" et vous le savez aussi bien que moi. Lui faire miroiter de telles chimères tarifées à 70 euros annuels est de l'abus de personne vulnérable pur et simple. Et cela est passible de poursuites judiciaires en France.

Raphaël Zacharie de IZARRA

7 - RÉPONSE À GB

Quand on pratique l'escroquerie éditoriale, et en plus avec l'assentiment de la loi, on doit en assumer les risques sociaux.

Les malfaiteurs de votre espèce doivent recevoir le salaire qui leur est dû et ce, à hauteur de leur vilenie.

Et je ne manquerai pas de continuer de dénoncer publiquement haut et fort et nommément vos pratiques certes parfaitement légales mais moralement condamnables.

Je me contrefous de la loi des hommes à partir du moment où elle est inique. Seule la loi morale guide mes actes et inspire mes écrits et c'est ce qui fait d'ailleurs ma force. Pour moi vous êtes un pornocrate de l'édition. Vous faites payer à des auteurs sans talent leur imbécillité et cela est moralement répréhensible.

Raphaël Zacharie de IZARRA

8 - RÉPONSE À UN DÉTRACTEUR

Dans ce cas du site de GB l'escroquerie à proprement parler n'est pas sur le plan légal mais sur le plan moral.

Je sais pertinemment que cet éditeur n'arnaque pas les gens au sens strictement légal du terme puisque ceux-si savent pertinemment qu'ils payent pour être publiés et que nul ne les force à payer leur éditeur. L'arnaque est beaucoup plus subtile. Les auteurs sont certes parfaitement libres de choisir un éditeur qui leur facturera ou non leurs publications...

L'arnaque, insidieuse, est dans le fait que ces auteurs dénués de talent voire parfaitement ineptes n'ont pas d'autre choix que de passer par la filière des "charognards de l'édition".

Chassés des maisons d'éditions traditionnelles, ils se tournent vers... Leur sauveur. Qui au passage leur facturera ses services.

A défaut de publication officielle rémunérée, ces auteurs que personne ne lira jamais se contentent de publication officieuse. A leurs frais.

Elle est là l'arnaque.

J'assimile ces éditeurs à des falsificateurs. Ils vendent de faux espoirs, du vent en jouant à fond sur la démagogie. C'est moralement malhonnête, même si sur le plan légal ils ne franchissent pas les bornes.

Dans le cas de JM c'est carrément écoeurant. Cette personne n'a pas les moyens intellectuels de se défendre contre un tel "éditeur". N'importe quel éditeur de sous-préfecture dirait à JM que ses poèmes ne valent rien sur le plan littéraire.

Raphaël Zacharie de IZARRA

9 - JE MODÈRE MON PROPOS MAIS RESTE FERME

Après réflexion et examen des écrits de certains d'entre vous, je modère mon propos au sujet de GB.

Il n'y a certes pas arnaque au sens légal du terme ni même entre la personne de l'éditeur et la personne de l'auteur à proprement parler.

L'arnaque existe bel et bien cela dit : elle est dans la structure de l'entreprise éditoriale consistant à faire payer à un auteur son prétendu talent.

Ce mode éditorial facturé à l'auteur (qui est complice lui aussi de cette escroquerie morale non par vénalité mais par pure bêtise, par vanité) ne correspond en aucun cas à l'étique de la profession. Je le répète : aucun éditeur digne de ce nom ne facturera à un auteur ses écrits !

L'éditeur escroque l'auteur non directement de personne à personne mais indirectement, par contrat implicite interposé.

Entre la victime consentante et son "sauveur", il y a la structure rassurante d'une entreprise aux apparences honorables mais intérieurement pourrie. Les termes du contrat suspect sont définis non par GB lui-même mais par un système vieux comme le monde (l'exploitation de la vanité) dont GB se sert, et c'est derrière cet écran que se protège l'éditeur douteux...

Étant donné qu'il est en effet fort possible que je me trompe sur la personne de GB, ne connaissant ni les secrets de sa pensée ni de son coeur, je vais ôter son nom ainsi que le nom de son site dans mes prochains commentaires que je publierai sur INTERNET.

Je souhaite empêcher les gens vulnérables comme JM de se faire plumer par ce genre d'éditeurs tout en préférant demeurer équitable envers une personne que je ne connais finalement pas, il est vrai.

Raphaël Zacharie de IZARRA

10 - RÉPONSE A UN DÉTRACTEUR

Les poèmes niaiseux de JM ne me dérangent nullement. Il m'arrive même d'en lire un ou deux pour rire car en fait ils sont très drôles. Les écrits de JM sont la caricature de la poésie. Liquoreux à souhait, parfaitement insipides et ineptes.

C'est la démarche consistant à lui faire payer ses bluettes qui m'ennuie vraiment. Cela s'appelle de l'abus de faiblesse. Lui faire croire que ses poèmes ont une quelconque valeur littéraire et quelque chance de postérité au-delà du cercle privé de son auteur tient de la pure escroquerie !

J'apprécie beaucoup JM, indépendamment de ses écrits. Je sais que c'est une femme qui a souffert dans sa vie et je respecte la souffrance de ce genre de victimes de l'existence comme l'est JM. C'est justement parce que JM a souffert et qu'elle est vulnérable que je me scandalise de voir que des gens peu scrupuleux exploitent sa misère.

En plus elle me fait rire avec ses poèmes invariablement "guimauveux". Et même derrière ses poèmes sans aucune valeur littéraire, à travers les thèmes récurrents qu'elle traite je discerne sa souffrance. Il faudrait être parfaitement insensible pour ne pas voir sa souffrance derrière les apparences comiques de ses vers de mirliton.

JM écrit car pour elle c'est une thérapie. Je trouve honteux de lui facturer ses écrits sans intérêt (autre que pour elle-même) alors qu'elle peut parfaitement les publier gratuitement sur INTERNET et ainsi être potentiellement lue par beaucoup plus de personnes qu'à travers ses ouvrages papiers facturés par son éditeur !

Raphaël Zacharie de IZARRA

11 - L'AVANTAGE D'ÊTRE PUBLIÉ CHEZ GB...

Se faire publier chez GB est quand même une bonne garantie pour un auteur jaloux de ses écrits.

La meilleure protection des oeuvres : les faire publier chez la Pensée Universelle ou chez GB.

C'est l'assurance de ne jamais avoir de problème de plagiat. Chez ce genre d'éditeur le Copyright est superflu.

Quel auteur sérieux aurait l'idée de s'inspirer des écrits parus chez la Pensée Universelle ou chez GB ?

Moi si j'étais un voleur de textes, je piocherais directement chez "Gallimard" ou chez "LE SEUIL"...

L'idée ne me viendrait vraiment pas d'aller récupérer des auteurs anonymes dans les poubelles de la "Pensée Universelle"...

Raphaël Zacharie de IZARRA

12 - POUR JM

La démarche consistant à faire payer à un auteur ses mauvais écrits est foncièrement malhonnête, même si l'auteur accepte ce principe odieux qui le plume.

On dit parfois : "Cocu mais content !"

C'est votre cas JM.

Raphaël Zacharie de IZARRA

13 - QUESTIONS POUR JM

Ce n'est pas vous salir que de dire que vos poèmes sont nuls sur le plan littéraire.

Celui qui vous salit, c'est celui qui vous fait croire le contraire juste pour pouvoir toucher son "salaire" indu... Ce n'est pas lui qui vous aide dans la vie, c'est vous qui l'aidez à se faire du fric facile.

Vous croyez avoir besoin de cet éditeur alors que c'est lui qui a besoin non de vos poèmes mais de votre... argent.

Combien avez-vous vendu d'ouvrages ? Êtes-vous rentrée dans vos frais ? Voilà des questions bien embarrassantes, n'est-ce pas ?

Et à part moi qui critique vos "merveilleux" poèmes ? Certainement pas votre éditeur !

Raphaël Zacharie de IZARRA

14 - POUR GB

L'escroquerie n'est pas précisément personnelle mais plutôt structurelle : vous adoptez un système douteux pour gagner de l'argent en exploitant une faille humaine : la bêtise de vos semblables.

Vous êtes moralement un arnaqueur qui a la loi avec lui.

Ou alors un profiteur de l'imbécillité de ses concitoyens.

Enfin exploiteur de la sottise de gens sans défense intellectuelle, profiteur de la faiblesse de certaines personnes ou arnaqueur, la justice tranchera sur le terme exact, si vous voulez bien prendre le risque de lui demander son avis sur la question...

Raphaël Zacharie de IZARRA

15 - POUR JM

Si vous prétendez que l'argent ne vous intéresse pas et que ce que vous souhaitez c'est être lue, pourquoi faire appel à un éditeur-papier qui vous fait payer un service au résultat ultra confidentiel (très peu de lecteurs) alors que vous pouvez être lue (du moins potentiellement car le lectorat adepte de niaiseries est assez limité même sur INTERNET) par des milliers de gens dans le monde francophone sans que vous déboursiez un seul centime ? Sachez tout de même que ceux qui "apprécient" vos textes publiés gratuitement en ligne, autrement dit ceux qui lisent vos textes ne les admirent pas au point d'aller en acheter des versions papier...

N'allez pas croire qu'ils seraient prêts à payer pour en lire davantage sur support papier. Si ces lecteurs lisent vos poèmes, c'est disons à 5 pour 100 pour leur "qualité" intrinsèque et à 95 pour 100 parce qu'ils sont accessibles gratuitement.

De même qu'il y a des soupes aux navets que l'on avale non parce qu'elles sont spécialement savoureuses mais parce qu'elles nous sont tombées sous la cuiller à moindre frais, il y a des mets littéraires que l'on accepte d'ingérer non parce qu'ils sont bons mais parce qu'ils flattent notre paresse intellectuelle.

Que cherchez-vous ? Être lue ou vendre des livres ? Si vous souhaitez être lue, alors publiez sur INTERNET sans passer par l'édition papier, chère, fastidieuse, lente et très peu efficace en terme de lectorat.

Mais si vous cherchez à vendre, c'est à dire à faire du profit avec vos poèmes, alors arrêtez tout immédiatement car vous courez à la catastrophe financière.

Raphaël Zacharie de IZARRA

16 - RÉPONSE À GB

Comment appelez-vous la démarche consistant à faire payer aux auteurs la publication de leurs écrits ? Moi j'appelle cela de l'arnaque pure et simple, même si les auteurs acceptent le principe et viennent d'eux-mêmes se jeter dans la gueule du loup.

Ce que vous pratiquez est aux antipodes de l'éthique de la profession.

Vous savez pertinemment que les auteurs à qui vous faites payer la publication sur papier de leurs ouvrages ne seront ni pris au sérieux ni lus en se faisant publier chez vous (à part leur cercle restreint d'amis très proches, disons une quinzaine de personnes en étant optimiste).

Vous ne pouvez ignorer, vous qui vous prétendez éditeur, que les écrits de JM sont d'une parfaite nullité et par conséquent invendables.

Raphaël Zacharie de IZARRA

17 - POUR GB

J'ajoute que si vous deviez dire la vérité à tous ces auteurs qui librement font le choix de se faire publier à compte d'auteur par vos soins, vous n'auriez aucun client ! Sachant au fond de vous-même qu'aucun de ces auteurs n'amortira ses frais (ou alors exceptionnellement et à hauteur de quelques dizaines d'euros, guère plus) je suppose que vous vous gardez bien de freiner leur sotte ardeur à se faire publier chez vous...

En cela vous pratiquez ce qu'on appelle le mensonge professionnel. On peut d'ailleurs l'assimiler à la publicité mensongère. Vous encouragez, du moins ne découragez pas les auteurs suicidaires qui frappent à votre porte. C'est cela qui est condamnable, malhonnête.

Certes ils sont parfaitement libres de se faire éditer chez vous comme ils sont libres d'aller dépenser leur argent au casino ou dans le tabagisme. Sauf que dans les casinos il y a des affiches qui avertissent les joueurs sur les dangers potentiels qui les guettent. Sur les paquets de cigarettes il y a également des avertissement très clairs sur les risques de cancers auxquels s'exposent les fumeurs.

Et vous, avertissez-vous vos "victimes consentantes de l'illusion éditoriale" sur les déceptions auxquelles elles s'exposent ? Leur annoncez-vous au départ que leur démarche égocentrique à toutes les chances d'échouer en termes de rentabilité financière et de reconnaissance littéraire ?

Permettez-moi de douter sérieusement sur le fait que vous prenez de telles précautions morales avec vos auteurs...

Raphaël Zacharie de IZARRA

18 - RÉPONSE À LA POÉTESSE JM

Faites comme vous voulez. Moi j'ai fait mon devoir consistant à mettre en garde le faible qui se met de lui-même dans la gueule du requin.

Je vous ai prévenue, maintenant vous êtes libre. On ne peut empêcher un âne de braire.

Vous dites que GB est votre ami... Bien évidemment qu'il est votre ami ! De cela je n'en doute pas un instant... Vous avez déjà vu un flatteur voler dans les plumes de ses protégés ? GB a tout intérêt à trouver vos écrits dignes d'êtres publiés sur des livres-papier, il a tout intérêt à être toujours bien gentil avec vous et à se faire aimer puisque c'est vous qui le payez et non l'inverse !

Dormez bien et surtout ne vous réveillez jamais de votre léthargie intellectuelle car la chute risque d'être trop dure pour vous. GB a reçu une bonne raclée verbale et il l'a bien méritée.

Que cela serve de leçon aux auteurs crédules !

Raphaël Zacharie de IZARRA

19 - RÉPONSE À UN DÉTRACTEUR

Je n'ai jamais découragé JM d'écrire, je l'ai simplement mise en garde contre les exploiteurs de sa naïveté.

Je lui ai également dit en toute honnêteté ce que je pensais de ses poèmes. Je les trouve nuls, comme tous les membres du FORUM LITTÉRAIRE d'ailleurs. Nuls mais amusants néanmoins, si on les lit à partir du deuxième degré.

Critiquer des écrits ce n'est pas vouloir empêcher son auteur de les publier.

Que JM continue d'écrire de "merveilleux" poèmes à la sauce guimauve si cela la rend heureuse ! Pourquoi lui contesterais-je ce droit ? Qu'elle ne conteste pas de son côté mon droit de critiquer les écrits que je veux, comme je veux et sur la liste, le forum ou le site que je veux.

JM fait ce qu'elle veut. Elle a le droit de me critiquer, de me railler, de m'encenser. De mon côté j'exerce mon droit inaliénable de critiquer ses textes et même de m'en moquer ouvertement. Critiquer un auteur, se moquer de ses écrits n'est pas l'insulter.

Je n'ai jamais injurié ni JM ni qui que ce soit.

Raphaël Zacharie de IZARRA

20 - RÉPONSE À UN ADEPTE DES PRATIQUES ÉDITORIALES DE GB

GB fait tout non pour la promotion de la poésie mais pour celle de son compte en banque.

La réserve de gogos rimailleurs prêts à débourser un certain nombre d'euros pour se faire éditer à compte d'auteur étant vaste de nos jours où l'écrit a gagné en prestige, il a fait de cette réserve de naïfs son filon privilégié en bon vendeur de vent qu'il est.

En ce sens il a tout intérêt à passer pour un bienfaiteur. Je comprends parfaitement que vous réagissiez ainsi, il n'est jamais agréable de voir son idole se faire déboulonner aussi radicalement par une personne étrangère à la "secte des rimailleurs qui se font éditer à compte d'auteur".

Défendre la littérature ce n'est pas promouvoir ses pires inepties mais la sélectionner avec rigueur. GB tire l'écrit vers le bas et c'est tout bénéfice pour lui puisqu'il donne leur chance aux perdants de la cause littéraire... GB ratisse large en récupérant tous les damnés des maisons d'édition traditionnelles -et honnêtes- qui refusent, on les comprend, tous les JM en mal d'écriture.

Le principe de l'édition à compte d'auteur est une arnaque, même si l'auteur est pleinement consentant. Vous me direz que le principe des machines-à-sous en est une également... Certes. Sauf que quand vous entrez dans un casino vous êtes clairement prévenu que vous risquez de vous faire plumer en toute légalité et vous pouvez même vous faire protéger de votre vice en vous faisant interdire.

Or GB en bon éditeur de gogos qu'il est laisse croire à ses clients à des merveilles qui jamais ne se réaliseront. S'il disait la vérité aux auteurs, pas un ne ferait la démarche de se faire éditer à compte d'auteur. En effet, qui a envie de se retrouver avec des cartons d'ouvrages invendus sur les bras ?

Défendre la littérature, je le répète, ne consiste pas à éditer des perdants mais au contraire à leur dire la vérité. GB est un opportuniste, pas un défenseur de la littérature. Très révélateur : pour prendre contact avec lui il faut passer par un ALLOPASS.

Rien que ce détail en dit long sur les motivations du personnage...

Mais bref, je vous laisse continuer de croire à vos chimères puisque vous y tenez tant. Dormez bien sur vos certitudes de naïf.

Raphaël Zacharie de IZARRA

21 - QUELLE IMPORTANCE ?

Personnellement je me garderai bien d'aller payer pour me faire éditer ! Mes textes sont accessibles GRATUITEMENT sur INTERNET.

Et puis être lu ou non après tout est-ce vraiment si important ? Faut-il se prendre maladivement au sérieux pour ne pas rire de cette vanité !

Je me moque volontiers de tous ces auteurs qui écrivent avec gravité, rimaillant avec des airs de paon comme si leur plumage -imaginaire- en dépendait... Je me moque d'ailleurs de moi-même dans certains de mes textes ! Tout cela n'est la plupart du temps que vanité, inconsistance, légèreté.

Cessons de prendre au sérieux ce qui ne l'est pas ! Écrire n'est une douleur ou une entreprise sacrée que pour les dindons. Ce caractère sacré de l'écriture n'est entretenu que par ceux qui ont tout intérêt à faire rêver les pigeons : les éditeurs genre GB.

Là où ça commence à devenir vraiment sérieux c'est quand des naïfs se font arnaquer financièrement parlant, et c'est ce que je dénonce. Le reste... Chacun est libre de croire en son talent, qu'il soit imaginaire ou non.

Raphaël Zacharie de IZARRA

22 - LE COMPTE D'AUTEUR EST RÉVÉLATEUR D'UN MALAISE DANS LA LITTÉRATURE

Dans 98 pour 100 des cas un auteur se faisant éditer à son compte est un mauvais auteur.

Les éditeurs traditionnels refusent les mauvais auteurs et là encore dans la même proportion, dans 98 pour 100 des cas ils refusent de mauvais auteurs.

Certes cela n'est pas systématique et on peut toujours discuter de la validité de la remarque. Bien entendu un auteur de génie peut parfaitement être édité chez la "Pensée Universelle". Affirmer que se faire éditer à compte d'auteur, cela n'est pas un raisonnement. C'est juste une remarque. Mais une remarque pleine de justesse dans 98 pour 100 des cas. En effet, il y a de très fortes chances de tomber sur de la mauvaise littérature en achetant un ouvrage édité à compte d'auteur.

Se faire éditer à compte d'auteur est un signe de mauvaise qualité littéraire. Certes des chanteurs populaires se font éditer chez des éditeurs traditionnels, hé bien justement ils font partie des 2 pour 100 de mauvais auteurs qui se font publier chez des éditeurs traditionnels... Il reste donc 98 pour 100 de bons auteurs se faisant publier à compte d'éditeur.

Raphaël Zacharie de IZARRA

23 - RÉPONSE A UN DÉTRACTEUR

Être lu en payant ses lecteurs c'est très discutable, je suis bien obligé de vous le dire. Même si chacun est libre de faire comme il l'entend dans ce domaine.

Entre lu sans rien payer et même recevoir en retour flatteries, railleries, insultes, éloges, coups de fils anonymes vengeurs ou encenseurs de la part de lecteurs révoltés ou enchantés par ses textes (et c'est mon cas), voilà qui est beaucoup mieux ! Mais me direz-vous, en ce cas ce n'est qu'une affaire de point de vue personnel... Certains préfèrent payer pour être lus et ainsi recevoir de la part de leurs lecteurs de polis et systématiques éloges de circonstances, d'autre font le choix de recevoir des éloges sincères en ne payant pas pour être lu, ce qui est exactement mon cas.

Se prendre au sérieux dans son entreprise littéraire au point d'aller se jeter dans la gueule du loup de l'éditeur à l'affût du gogo, c'est assez pathétique.

Raphaël Zacharie de IZARRA

24 - MALENTENDU FRANCO-QUÉBECOIS

Pour être honnête dans cette affaire concernant GB, je dois ajouter ceci :Depuis déjà longtemps j'ai constaté qu'un océan d'incompréhension mutuelle, un gouffre de sensibilité nous séparait des "lettrés" et artistes du Québec.Les Québécois subissant depuis toujours l'influence délétère de leur voisins Yankees sont des gens parfaitement hermétiques aux raffinement des êtres civilisés que nous sommes nous français. Ce sont de gros patauds, de fiers lourdauds à la sensibilité primaire.

Bref, un peuple obèse du cerveau.Il suffit d'écouter leurs chanteurs à voix, de voir leurs spectacles grossiers et populaires : rien que de la soupe épaisse pour teutons, de la grosse espagnolade pour touristes danois !Linda Lemay, exception culturelle du Canada, interprète talentueuse de texte pleins de sensibilité, véritable Brassens du Québec, passe pour une nullité dans son pays ! C'est dire l'ampleur du désastre culturel de ce pays de bouseux.Par conséquent chez ce peuple de gens grossiers le moindre mirliton passe nécessairement pour un poète... Chez eux tout étant grossier, primaire, sans raffinement, depuis la culture jusqu'à la cuisine en passant bien entendu par le cinéma, un peu comme chez les Allemands en fait, dès qu'un rimailleur pond un poème narrant ses états d'âmes de grand enfant il fait exception, attirant à lui de sincères mais naïfs admirateurs, qui sont également ses concitoyens. La qualité moyenne de la poésie des sites de poètes adultes du Québec correspond à celle de nos adolescents français. Allez vérifier, vous serez édifiés !De là vient le grand malentendu entre poètes du Québec et auteurs français. Tout est dans la différence de niveaux, de sensibilités, tout simplement. Les québécois étant de grands enfants à la sensibilité grossière, il est naturel qu'il y ait cette "incompréhension poétique" entre eux et nous. C'est comme si on tentait d'établir des liens culturels entre des italiens, peuple raffiné, avec des Australiens blancs, peuple de gens assez grossiers très proches des Canadiens par la sensibilité.

Il suffit de visiter les sites de poésie amateurs, de se frotter au peuple canadien, d'avoir un aperçu de leurs spectacles. L'intuition n'est pas une vaine chose vous savez...

Les italiens sont des gens raffinés et les Allemands d'épais buveurs de bière, ce ne sont pas que des clichés, c'est une réalité. Les Canadiens sont des gens moins fins, moins élégants, moins sensibles, moins éduqués d'un point de vue culturel que nous français. Certes mon affirmation est purement empirique, intuitive mais juste je crois.Le niveau calamiteux de la poésie au Québec expliquerait ce malentendu.
Raphaël Zacharie de IZARRA

25 - RÉPONSE A UN DÉTRACTEUR

Les pornocrates en général, les souilleurs de beauté, les maquereaux, les exploiteurs de la bêtise, les escrocs, les vendeurs d'illusions, charlatans sans scrupules, menteurs professionnels, publicitaires vulgaires : tous ces gens me répugnent.

Nous sommes dans une société de fric et ici-bas les requins sont rois. Pour eux tout est bon pour s'enrichir même et surtout les moyens les plus douteux...

Un vrai professionnel de l'édition ne demande pas d'argent aux auteurs ! C'est une règle de base, tellement évidente qu'elle ne devrait même pas être rappelée.

Un vrai professionnel de l'édition dirait à JM que ses poèmes sont d'une totale nullité, impubliables.

Je suis là pour mettre en garde les naïfs de votre espèce qui payent un éditeur pour se retrouver ensuite avec des cartons d'ouvrages invendus sur les bras et qui finiront soit au grenier soit à la poubelle. GB est comme tous les éditeurs qui font payer aux auteurs leurs ouvrages : il ratisse large, accepte tous les manuscrits. La preuve, même les écrits de JM -nullité parmi toutes les nullités littéraires- ont été acceptés ! Si ce n'est pas la preuve de la malhonnêteté professionnelle de GB, ou alors de l'incompétence crasse, qu'est-ce que c'est ?

Ha ! oui mais bien sûr c'est de la philanthropie... Facturée 50 ou 70 euros annuels.

Cocus et contents de l'être, voilà comment on appelle ces gogos qui défendent leur arnaqueur.

Avez-vous déjà vu un flatteur dire la vérité à ceux qui l'écoutent et surtout qui payent pour entendre ses violons ? Vous croyez vraiment que GB va dire à un écrivailleur qui vient le voir que ses écrits sont nullissimes ? Son intérêt à lui c'est d'avoir un maximum de clients. Chez lui la poésie ne rime pas avec sélection mais avec rabattage.

Tout le contraire du travail d'un éditeur honnête et compétent !

Mais je le répète, libre à chacun de se faire cocufier en beauté par son éditeur. Libre également à moi de dénoncer ce genre de pratique et leurs instigateurs.

Raphaël Zacharie de IZARRA

26 - JE SUIS CERTES NARCISSIQUE MAIS SINCÈRE

L'argent ne me manque pas, je ne vis pas au-dessus de mes moyens comme la plupart de ceux qui se plaignent de n'en avoir jamais assez.

Mes textes sont accessibles à tous gratuitement et c'est mon intérêt qu'ils soient lisibles gratuitement. Ma motivation n'est pas l'argent mais l'ego, le narcissisme. Mais pas seulement. Il y aussi le sincère désir chez moi de promotion de la Beauté, de la Poésie, de l'esprit de gratuité, de fraternité, de défense de la vérité. Et de la liberté d'expression. Dénoncer le mensonge, la bêtise, les noirceurs de ce monde, cela fait aussi partie de ma démarche izarrienne.

D'ailleurs lorsque je pose le problème de l'argent dans cette affaire de l'édition à compte d'auteur, j'en parle surtout du point de vue de l'éditeur, pas de celui des auteurs. Les auteurs font ce qu'ils veulent de leur argent. Moi je dénonce les charlatans qui prétendent trouver bons des poèmes comme ceux de JM et les publient de tout coeur, chaleureusement.. moyennant finances.

Ca c'est de la malhonnêteté éditoriale pure et simple. Au mieux, de l'incompétence professionnelle totale.

Si j'étais éditeur HONNÊTE publiant des ouvrages aux frais des auteurs, voilà ce que je dirais à un auteur comme JM :

"Vos poèmes sont nuls, invendables, risibles, ridicules, mais puisque vous y tenez tellement, je vais vous les imprimer. Mais je vous préviens, jamais vous ne rentrerez dans vos frais ! Ce sera une pure perte pour vous d'un point de vue financier et tous bénéfices pour moi car je vous le répète, vos poèmes c'est zéro d'un point de vue littéraire."

Raphaël Zacharie de IZARRA

27 - DÉFENDRE LA LITTÉRATURE ET NON LA SACRIFIER

Je me prends pour un authentique défenseur de la littérature. Moi je ne suis pas un charlatan qui va inciter des gens comme JM à publier à leurs frais sur des livres-papier leurs poèmes grotesques.

La littérature, la vraie, ce n'est pas une "activité rigolote" ou "sympa" à la portée du premier mirliton venu, contrairement à ce qu'aimeraient laisser croire certains éditeurs-profiteurs...

La littérature c'est une chose rare, difficile, âpre qui requiert travail, inspiration, technique, maîtrise, expérience. Et même dans ce cas, la littérature n'est pas une chose vraiment sérieuse. Elle n'est sérieuse que pour ceux qui ont des intérêts financiers dans l'affaire.

Pour tout auteur digne de ce nom la littérature, la vraie, n'est pas une chose très sérieuse. Et c'est cela qui fait la qualité de la littérature, la vraie.

Vous confondez liberté d'édition et exploitation du gogo... Votre manière de concevoir la chose revient à dire que par exemple la pornographie tient plus de la liberté d'édition que de l'exploitation par des mafias de la misère de certaines femmes en détresse économique.

Éditer à frais d'auteurs des niaiseries qui ne seront jamais lues tient plus de l'arnaque éditoriale que de l'exercice de la liberté d'expression des auteurs...

Raphaël Zacharie de IZARRA

28 - ÉDITEUR DES RATÉS DE LA LITTÉRATURE

En tant que défenseur des Lettres mon rôle n'est pas de faire du fric ni d'encourager la bêtise, l'échec, les vils compromis littéraires mais de les dénoncer. Ce que je fais précisément en ce qui concerne cette histoire d'édition à compte d'auteur.

Je n'ai rien à gagner financièrement parlant dans cette affaire, GB si. Sa parole est nécessairement muselée, prostituée à la cause à laquelle il est enchaînée : le pognon. Il ne peut par conséquent dire ce qu'il pense, contrairement à moi.

S'il affirme que les poèmes de JM sont bons, c'est soit un menteur soit un immense incompétent. Je penche pour la première solution.

D'ailleurs si les écrits de tous ces auteurs étaient aussi bons que GB leur laisse croire, pourquoi ne sont-ils pas édités à compte d'éditeurs dans les grandes maisons d'éditions ? Étrange, non ?

GB est un arnaqueur dans le sens où il s'est mis à publier tous les perdants de la littérature Il s'est engouffré dans le filon des ratés littéraires. Exactement comme les charognards du marché de l'emploi ou de l'habitat qui récupèrent les exclus n'ayant pas eu accès au "pactole social" (et qui n'ont plus d'autre choix que de se tourner vers eux) pour leur louer au prix fort des appartements insalubres ou pour les employer dans des chantiers au noir pour des salaires de misère.

La démarche est exactement la même, avec les courbettes et autres civilités de salon en plus pour mieux faire passer la pilule.

Raphaël Zacharie de IZARRA

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40 TEXTES SUR LA LAIDEUR

CRUAUTES DE LA SAINT-VALENTIN

Contre la sclérose des esprits, je propose aimablement ces quarante textes immodestes, cruels, rarement tendres (parfois), mais toujours issus d'une plume soucieuse de froid esthétisme, d'âpre vérité. Ceci afin de rompre agréablement avec les mièvres, inconsistantes, insipides célébrations nuptiales habituellement en vigueur chez mes frileux contemporains. Les traditionnelles dragées de mariages ont été ici avantageusement remplacées par de savoureux bonbons au poivre.

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1 - Les vieilles filles

J'aime les vieilles filles. Et lorsqu'elles sont laides, c'est encore mieux.

Les vieilles filles laides, acariâtre, bigotes ont les charmes baroques et amers des bières irlandaises. Ces amantes sauvages sont des crabes difficiles à consommer : il faut savoir se frayer un chemin âpre et divin entre leurs pinces osseuses. Quand les vieilles filles sourient, elles grimacent. Quand elles prient, elles blasphèment. Quand elles aiment, elles maudissent. Leurs plaisirs sont une soupe vengeresse qui les maintient en vie. Elles raffolent de leur potage de fiel et d'épines. Tantôt glacé, tantôt brûlant, elles avalent d'un trait leur bol de passions fermentées. Les vieilles filles sont perverses. C'est leur jardin secret à elles, bien que nul n'ignore leurs vices.

Les vieilles filles sont des amantes recherchées : les esthètes savent apprécier ces sorcières d'alcôve. Comme des champignons vénéneux, elles anesthésient les cœurs, enchantent les pensées, remuent les âmes, troublent les sangs. Leur poison est un régal pour le sybarite.

L'hypocrisie, c'est leur vertu. La médisance leur tient lieu de bénédiction. La méchanceté est leur coquetterie. Le mensonge, c'est leur parole donnée. Elles ne rateraient pour rien au monde une messe, leur cher curé étant leur pire ennemi. Le Diable n'est jamais loin d'elles, qui prend les traits de leur jolie voisine de palier, du simple passant ou de l'authentique Vertu (celle qui les effraie tant). Elles épient le monde derrière leurs petits carreaux impeccablement lustrés. Elles adorent les enfants, se délectant à l'idée d'étouffer leurs rires. Mais surtout, elles ne résistent pas à leur péché mignon : faire la conversation avec les belles femmes. Vengeance subtile que de s'afficher en flatteuses compagnies tout en se sachant fielleuses, sèches, austères... C'est qu'elles portent le chignon comme une couronne : là éclate leur orgueil de frustrées.

Oui, j'aime les vieilles filles laides et méchantes. A l'opposé des belles femmes heureuses et épanouies, les vieilles filles laides et méchantes portent en elles des rêves désespérés, et leurs cauchemars ressemblent à des cris de chouette dans la nuit. Trésors dérisoires et magnifiques, à la mesure de leur infinie détresse. Contrairement aux femmes belles et heureuses, elles ont bien plus de raisons de m'aimer et de me haïr, de m'adorer et de me maudire, de lire et de relire ces mots en forme d'hommage, inlassablement, désespérément, infiniment.

2 - Leçon de choses

L'une était laide, sotte, méchante. L'autre était belle, espiègle, aimable. Cependant la première était très chaste et fort pieuse, la seconde frivole et passablement impie.

Par jeu je tins ce pieux discours à la dévote aux traits ingrats :

- Mademoiselle, votre laideur est le garant de votre vertu. Vos mœurs austères plaisent à Monsieur le curé qui vous voit à vêpres chaque jour. Votre vie de misère fait plaisir à voir, au moins vu du presbytère. Votre laideur est maudite mais votre vertu est estimable. La décence est chose encore assez rare chez les jeunes filles pour qu'elle vaille quelque prix aux yeux des honnêtes gens. Acceptez donc aujourd'hui qu'un galant achète votre hymen au prix fort.

La chaste me répondit :

- Certes, je suis laide. Cependant je suis une fille pieuse et honnête, amie des araignées d'église et des soutanes. En ce bas monde seules la solitude et la poussière me sont chères. Sachez que mon hymen est consacré au silence, mon cœur au démon de l'ennui et mon âme aux cloches de l'église.

A l'entendre ainsi parler, elle était effectivement bien sotte.

A la jolie libertine je m'adressai en ces termes :

- Mademoiselle, votre charme est le garant de votre bonheur. Vos mœurs joyeuses plaisent à Dieu qui se réjouit d'avoir fait une si belle oeuvre. Votre légèreté ensoleille les cœurs ternes qui vous approchent. Votre beauté est bénie, ainsi que votre âme. La vénusté est chose trop précieuse pour qu'on omette de lui rendre hommage. Acceptez donc aujourd'hui qu'un galant achète votre hymen au prix fort.

Sur quoi l'aimable créature me répondit :

- Parce que je me voue sans compter aux causes de l'amour, je vous accorde sans compter l'accès aux merveilles que vous convoitez. Je suis l'amie des joyeuses gens, de la danse et du vent dans les herbes folles. Ma beauté est consacrée à la Beauté, mon cœur à la joie et mon âme à qui la méritera.

Après l'avoir dûment corrigée et humiliée je laissai tomber la laide, bigote et imbécile demoiselle au bénéfice de la belle, épanouie et spirituelle amante.

Moralité : châtiez, raillez puis fuyez les laiderons sans esprit ni envergure !

3 - Abstinences et châtiments

Sa vertu consistait en des puérilités de vieille fille. Elle fréquentait avec assiduité les lieux austères, sombres, humides : caveaux, chapelles décrépites, presbytères aux relents d'hospice. Elle consultait des livres poussiéreux sans intérêt, s'abîmait dans la lecture frénétique de vieux missels, assistait à toutes les messes.

Son honnêteté était légendaire. Elle ne sortait jamais le soir, ne portait que des vêtements de deuil, se détournait naturellement des hommes tant elle avait pris l'habitude de les mépriser depuis ses premières règles. Si bien qu'à quarante ans elle était devenue laide et acariâtre.

Un jour cependant, prise d'une sorte de fureur utérine sans précédent propre aux femelles de son espèce, elle alla exhiber sa nudité sur une plage où nul ne la connaissait, loin de son village natal. Elle se délectait à l'idée d'éveiller de mâles ardeurs au-delà de son clocher.

Elle fit l'effet d'un repoussoir : elle était sèche, osseuse, sans forme. Elle n'avait que de la peau et des épines. C'était une rose sans pétale, une longue tige couverte de piquants, une femme flétrie et anguleuse. Son corps sans appas provoquait le dégoût, la pitié, voire les quolibets. De cette créature accoutumée à l'abstinence, aux concerts des cloches d'églises, au silence des cimetières et aux murmures des confessionnaux, on ne voyait que les côtes qui ressortaient, la peau trop pâle, l'allure étriquée. Cette femme était un squelette, un corps décharné. Même le Diable n'aurait pas voulu d'une si piètre compagne d'alcôve. Elle exposait ridiculement sa poitrine plate aux regards, se déhanchait maladroitement sur le sable, s'ébattait stérilement dans les flots comme si elle voulait rivaliser avec les beautés charnelles qui l'entouraient... Le spectre dansait, tandis que les Vénus doraient au soleil.

Elle retourna dans son village plus fielleuse que jamais, maudissant les hommes parce qu'ils n'avaient pas daigné poser leurs regards concupiscents sur ce qu'elle pensait être un "trésor préservé". Elle se consola en se plongeant de plus belle dans la lecture de ses missels, en usant entre ses doigts de momie ses sempiternels chapelets, en multipliant ses promenades morbides au bord des tombes. Ce qui la rendit encore plus laide, plus honnête, plus vertueuse, plus infréquentable.

Son existence fut un grand désert. La chasteté, la solitude, l'ennui furent ses compagnons de route, les seuls qu'elle admît. Elle mourut dans le plus parfait anonymat sans que son irréductible vertu ait reçu la moindre récompense. On l'inhuma en modestes pompes. Elle fut vite oubliée.

Ainsi en est-il du destin des vieilles filles laides et acariâtres.

Sur sa tombe nul n'alla jamais se recueillir. Sauf moi : je suis allé la visiter un jour. J'ai éprouvé le désir de laisser sur sa sépulture la trace éphémère de mon passage. Je me suis penché sur le marbre médiocre, lentement, solennellement.

Pour y déposer un crachat.

4 - La ronce et la plume

Je ne vous oublie pas, laide chartraine. Vous demeurez chère à mon coeur, vous qui avez si bien su me faire aimer les faces de gargouilles. Et les larmes des poupées de chiffon. J’aime vos yeux, beaux comme des étangs. Vos lèvres closes sont comme la rose sous le givre : sanguines, glacées.

Amante onirique, vous le visage sans beauté, vous le front de misère, votre couronne d’épines m’agrée. Vous plaisez à mon coeur, adorable victime. Si frêle, si pâle… Je célèbre vos grâces arides. Vous êtes un cantique, une arène, un tombeau. Cristal et austérité se mêlent en vous.

Je vous préfère aux fatales créatures à l’œil cerclé de noir : votre sècheresse vous confère une authentique beauté. Vous portez un deuil radieux. Votre mélancolie met du feu dans vos prunelles. Belle vous êtes, vous la contadine, vous la misérable, vous l’éplorée. Que ne vous ai-je proposé un amour pervers et beau jadis, sous le ciel chartrain ?

Affligé je suis, moi l’esthète, moi le cruel, moi la plume.

5 - Une froide beauté

Mademoiselle,

Ce soir la Lune est grise, je n'ai plus de chandelle et je trempe ma plume dans la nuit. Mademoiselle, vous êtes ma morte aimée et votre beauté blême flatte mon âme esthète. Ma tête est vide, mon cœur éprouvé, mon corps las, cependant c'est pour vous que sont ces mots, témoignage de ma détresse de sybarite. Ou de l'effet de votre charme cadavérique.

J'aimais vos yeux de noyée, vos joues d'affamée, vos lèvres de vestale, vos questions de femme. J'aimais la pierre gothique de votre coeur chartrain. Enfin j'admirais cette statue inquiète qui me faisait face, médiocre et superbe, modeste et admirable, humble et luxueuse. Comme une poupée de chiffon aux allures de reine, aux haillons de soie.

Votre pauvreté était belle à regarder, et moi je vous contemplais comme une poterie funéraire. Votre visage était tout un musée. Vous étiez une statuette antique, une stèle mortuaire, une figure étrusque. Funèbre et digne. Vous ressembliez indistinctement à une terre cuite ou à une pièce d'argent. Le deuil de vos cheveux blonds, de vos yeux clairs, de votre front impénétrable produisait un effet sépulcral, poétique et pétrifiant, exhumant de vos traits un charme de pietà qui me réchauffait le coeur.

Votre face de momie était vraiment adorable.

6 - La beauté d'une gargouille

Mademoiselle,

Ainsi comme vous me l'avouez, il est flatteur pour vous d’être ma muse et vous voulez que je rende un juste et mérité hommage à votre beauté absente, à la pauvreté de votre éclat, à la tristesse de votre face plus humaine qu’angélique… Eh bien soit ! Point de vaines séductions stylistiques, pas d’artifices malvenus ni de mensongers violons au bout de ma plume pour vous honorer.

Pour vous plaire, je vais donc mettre un peu de ces réalistes arabesques autour de mes propos. Si vous êtes laide, alors votre laideur est toute gothique. Telle une cathédrale ornée de gargouilles, votre séduction est dans les grimaces de votre féminité. Et c’est là que vous m'êtes aimable : avec ce voile d’ombre et de pierre sur le front. Le bleu de Chartres est dans vos pupilles, et je crois voir dans votre regard cérulescent cette Vierge affligée déjà aperçue dans quelque vitrail. Votre mystère est austère, certes. Mais c’est précisément cette humilité qui fait chanter les poètes.

Vous n'êtes pas vraiment belle Mademoiselle, mais c'est en cela que vous brillez.

7 - Le vice mal vêtu

La vieille fille dont je vais conter l'histoire et que l'on surnommait "Mademoiselle la Diablesse" était non seulement fort laide mais encore très méchante, sotte, cruelle. Voire ignoble. Elle n'aimait absolument personne, frustrée de n'être point née du flanc de Vénus.

Elle battait son chien à heures fixes, médisait sur ses voisins, crachait dans la sébile des mendiants, maudissait son curé, insultait même le Bon Dieu le dimanche à l'église. Parce qu'en plus d'être parfaitement impie dans ses actes, elle était particulièrement assidue aux messes. Fausse dévotion destinée au dieu Hypocrisie...

Rien ne l'amusait tant que d'aiguiser son coeur de silex. Elle était insensible à la souffrance des enfants qu'elle détestait, mais éprouvait une étrange pitié pour les asticots que les pêcheurs utilisaient comme appâts. Elle se réjouissait du malheur de ses semblables, seule consolation à sa misère. Bref, c'était un monstre de vieille fille.

Notons que sa laideur ne l'empêchait nullement d'éprouver les nécessités de la chair qu'une abstinence prolongée et forcée rendait plus vives encore. Mais tout chez elle était décidément corrompu : ses désirs charnels n'étaient que perversités, honte, bassesses... Ses féminins vertiges consistaient en la perspective de saillies brutales et abjectes, exemptes de toute tendresse.

Elle se mit en tête d'attirer de mâles débauchés avec les seuls artifices à sa portée : la cosmétique bon marché. Elle se farda outrageusement. Loin de masquer sa laideur, ce maquillage eut pour effet de la décupler.

Elle se crut désirable et acheva de se dégrader en s'affublant de noires dentelles et de verts souliers. Ainsi parée, son dessein premier fut de faire des avances au bedeau du village qui outre de n'avoir pas son pareil pour faire sonner l'airain, avait surtout la réputation de manier avec art un certain battant...

Elle frémissait à l'idée d'ajouter un son fêlé au concert de cet expert en cloches.

Avec sa tête affreuse, ses membres osseux, ses côtes apparentes, son corps anguleux, elle ressemblait à une longue araignée attendant sa proie. Dès qu'elle vit l'oiseau sortir de son clocher, elle exerça sur lui ses viles séductions.

Mais le brave bedeau qui n'avait de goût ni pour la chair triste ni pour les créatures contrefaites, encore moins pour les épouvantails harnachés de broderies, répondit à ses avances par une paire de gifles magistrales, agrémentées d'un crachat bien ajusté entre ses pommettes ingrates.

La gueuse s'en fut, plus fielleuse que jamais, jurant par tous les diables que la prochaine fois elle dissimulerait ses intentions libidineuses derrière le masque permanent et authentique de sa naturelle laideur plutôt que sous celui d'une mensongère beauté.

8 - La morale amoureuse

J'aimais les rires stridents de la méchante fille, et fuyais les sourires onctueux de l'aimable couturière. Il faut dire que la pimbêche était belle comme une catin, alors que la chiffonnière était d'une repoussante banalité. La première était une vraie pie jacassière, la seconde une carpe parfaitement dévote. La chipie avait un coeur venimeux qui était loin de me déplaire, alors que l'ouvrière était d'une honnêteté dégoûtante : un vrai tue l'amour.

Je n'avais de cesse d'admirer la blonde vipère qui s'ébattait joyeusement sous le soleil. Et je maudissais tout haut la terne fileuse chaque fois que je la voyais sortir de son antre. La méchante fille s'amusait parfois à lui cracher au visage. Ce spectacle me réjouissait : c'était la beauté piétinant la laideur. Le triomphe de la joie sur la tristesse.

Le plus comique de l'histoire, c'est que la gueuse avait des vues sur moi. Je lui fis comprendre non sans cruauté que c'était son ennemie, la blonde mijaurée, que je préférais. Je lui expliquai que ses rires aigus, ses éclats de voix fielleux, son front haineux, ses dentelles recherchées, sa toilette osée, sa gorge aérée, sa cuisse dévoilée étaient choses adorables à mes yeux et que je ne voyais rien d'aussi aimable chez celle qui pensait me séduire avec ses chapelets et ses doigts desséchés de laborieuse... Je lui démontrai la vanité de la moralité, de la modestie, de la décence, lui prouvai la supériorité des rires perçants des blondes impertinentes sur les sombres sourires des vierges de son espèce.

Je lui expliquai tout cela en présence de la scélérate beauté qui n'en perdit pas une miette. Pour finir je lui crachai au visage au moment où je sentis poindre ses premières larmes. Je n'eus même pas à inviter la jolie hyène à m'imiter : elle me devança et ses crachats recouvrirent les miens sur le visage en pleur de l'offensée. C'était odieux et délectable, ignoble et exquis, infâme et jouissif.

Amants et esthètes, mes frères, récompensons sans compter le vice et la beauté, châtions sévèrement la laideur et la vertu.

9 - L’infortune de la laideur, les avantages de la fortune

- Mademoiselle, vous allez être bien étonnée : vous êtes laide, cependant je convoite avec feux votre modeste hymen. En vertu de cette loi mondaine qui sur l’échiquier de l’amour fait passer au second plan le visage contrefait de l’amante lorsque cette dernière à l’avantage de posséder une jolie dot, je brûle en votre nom. Déplaisants sont vos traits pour le premier venu. Ravissants je les trouve : Monsieur votre père en m’accordant votre main me lègue sa fortune.

- Réjouissez-vous car vous auriez pu naître laide et pauvre. Le sort a voulu que vous naissiez laide et riche.

- Vos mille écus vous confèrent mille grâces. Ce que la beauté seule peut s’acheter passagèrement sans le secours d’un héritage, la laideur couverte d’or peut se l’approprier durablement. Quand une femme a l’heur de posséder soit la beauté soit la fortune, elle doit en user sans entrave ni honte à dessein de jouir au mieux de l’existence.

- Ce que la naissance accorde aux êtres, beauté ou argent, les êtres doivent en user sans scrupule. Armes légitimes de la vie de salon... Soyez certaine qu’en maintes occasions, ici et ailleurs, aujourd’hui et de tout temps, à l’insu des bonnes consciences et sous couvert de vertu, la beauté a toujours exercé ses droits autant que la richesse. Qu’une femme laide comme vous use de ses biens pour s’acheter un durable hyménée est aussi judicieux et pas plus déshonorant qu’une femme usant de sa beauté à des fins personnelles, qu’elle soit en quête d'émois charnels furtifs ou de romanesques enchantements de l’âme.

- Vous n’avez pas la beauté mais vous avez l’or. D’autres ont la beauté mais point l’or. La justice est de ce monde Mademoiselle, en vertu de la loi universelle des équilibres : mes ardeurs contre vos écus, et tout s’arrange, tout s’harmonise, bref tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes.

- Monsieur, pour cynique qu’il soit votre discours est cependant plaisant et aimable. Vous disposez avec outrance, désinvolture et grande liberté des mots autant que des cœurs, et vos arguments éhontés me montent à la tête. Je suis d’autant plus sensible à vos raisons que je suis effectivement bien laide, et fort riche. J’ai tout à gagner à partager la fortune de mon père avec un compagnon aussi conciliant. Je vous accorde le droit d’accéder à ma dot en échange de votre fidélité à cet hymen si peu accoutumé aux courtisans. Flattez-le bien Monsieur, et vous n’aurez point à le regretter puisque j’acquiesce de tout cœur à vos avances : ma dot contre votre flamme.

10 - Le plaisir des bigotes

Plus que toutes autres femmes, les bigotes abstinentes aiment se donner du plaisir. Enhardies par la honte, excitées par l'effroi des feux infernaux, elles s'adonnent sans retenue à d'inavouables passions charnelles. Entre les bigotes et la vertu, c'est une grande, une brûlante, une pitoyable histoire : la haine.

Les bigotes décaties portent des masques de toute beauté, des dessous honnêtes, chastes, s'enroulent des chapelets rutilants autour de leurs doigts gracieux. Elles sont laides dans leurs églises, laides dans leurs maisons. Les curés peuplent leur imaginaire érotique, et les vierges en plâtre des églises sont leurs derniers garde-fou. Quant aux vierges en plastique ramenées de Lourdes, ce sont leurs petits diablotins. Indulgentes envers le péché, le Mal, les concessions et la licence la plus éhontée, elles ne supportent pas la pleine lumière.

Chez elles la pénombre est propice aux confessions des pires péchés. Leur sexualité portée en sacrifice est leur passion, un calvaire délicieux. Digne d'une procession, pensent-elles... Ce sont des vestales à la flamme absente, au coeur décharné, à la voix suraiguë qui les fait chanter si bien à la messe. Leur hypocrisie jacassière est une sorte de chef-d’œuvre balzacien. On pourra trouver délectable leur satané chignon, désirables leurs courbes diaboliques, charmants leurs crucifix comme des petits amants d'acier... Leur âme cependant brille comme une éclipse de soleil. Leur toilette est provinciale, leur coeur sec, leur chair maudite. Et leurs mœurs sont dissolues, ne nous leurrons pas.

Bref, ces misérables qui hantent les églises sont les pires dépravées de notre société.

11 - La plume et le laideron

Elle était laide, veule, riche, aimable, cruelle et rusée. Un jour je la frappais de bois vert, le lendemain je goûtais l'absinthe en sa compagnie. J'aimais sa laideur, sa lâcheté qui me la rendaient à la fois proche et détestable, franche et insidieuse. Toutefois, soucieux de préserver ma réputation de collectionneur de papillons, j'évitais de m'afficher en public avec ce cafard.

Femelle elle était, sans finesse ni artifices. Laideron à l'état brut. Riche, elle pouvait théoriquement se permettre maintes dentelles et autres fanfreluches. Avaricieuse, elle s'interdisait cependant ces dépenses futiles... En outre elle avait conscience que l'excès d'apparats n'embellirait pas davantage ses traits ingrats ni ne redresserait son dos difforme, et que cela risquerait au contraire de la ridiculiser.

Je la détestais le lundi, l'adorais le mardi, la reniais le mercredi, la suppliais le jeudi, l'ignorais le vendredi, lui crachais au visage le samedi, allais à la messe avec elle le dimanche, à bonne distance de ses omoplates tordues. Question de pudeur.

Un jour au sortir de la messe je tentai de la soudoyer, à l'abri des regards : l'agrément de ma plume contre l'argent de la quête (précisons qu'elle était responsable de la corbeille sacerdotale...). N'étant point insensible à l'honneur littéraire, elle céda.

C'est la raison pour laquelle sous l'effet de mon art je fis de ce laideron corrompu l'héroïne de cette histoire.

12 - La belle ambiguë

Ses cheveux clairs cascadent le long de ses épaules et font autour de son visage une parure solaire. Son teint est frais, sa joue plate, son front lisse. Sur ses lèvres, un sourire de femme : cosmétique de luxe et dentition éclatante. De la dentelle habille son épaule, de la soie couvre son sein, des diamants pendent à son cou.

Elle est jeune, fine, blonde.

Mais fort laide.

13 - Le sort et la fortune

L'aristocrate était marié à une sorcière.

Il était jeune, beau, galant. Elle était vieille, laide, méchante. C'était un mariage de raison : l'or avait présidé à leur hyménée. Une fortune pour tout dire.

Elle passait ses journées à maudire ses semblables, à cuisiner des recettes horribles dans son chaudron, à étriper des poulets. Lui, lisait des vers, rêvait dans les chemins, déflorait des pucelles.

L'épouse si joliment dotée valait bien quelque sacrifice, se disait le hobereau. Aussi le soir s'acquittait-il consciencieusement de son devoir conjugal, bien qu'il fermât les yeux pour ne point voir la grimace de l'amante qui lui tenait lieu de visage. Il l'aimait cependant beaucoup : durant l'acte il songeait aux tintements argentins des écus, ce qui lui donnait des ardeurs nouvelles. Des mots d'amour sortaient de sa bouche : il parlait pourcentages, taux d'intérêt, rentes...

La chambre nuptiale résonnait de chiffres tendrement soupirés. Dans le noir les rêves bancaires du hobereau conféraient beauté à l'épousée. Alors l'aristocrate rouvrait les yeux, les plongeait dans ceux de sa femme et y trouvait des diamants qu'il convertissait aussitôt en écus, mentalement.

Ainsi les jours du jeune homme furent heureux, lui qui porta le doux fardeau de l'or. Ceux de sa femme furent affreux : elle perdit un poumon lors d'une maladie héréditaire. Puis un cancer la rongea par le bas. Elle s'en sortit après d'atroces douleurs. N'importe ! Le sort lui fut autrement fatal : elle chuta d'un cheval lancé au galop, lui-même renversé par un bourgeois ivre qui traversait la route avec son gros âne. La tête de la rescapée du cancer cogna contre le coin d'une statue antique qui traînait sur le bord du trottoir. Son crâne ne résista pas au choc contre l'objet d'art.

Elle mourut après 33 jours d'agonie.

14 - Laide et débauchée

J'aimais la regarder passer sous ma fenêtre : sa laideur était un vrai spectacle. J'avais sur elle le regard féroce et cynique du collectionneur blasé. La beauté ayant fini par me rendre indifférent, il me fallait un autre passe-temps pour satisfaire mes sens émoussés.

Je ne manquais jamais une occasion de faire battre mon coeur carnassier sur le dos de cette bossue dépravée. Précisons que cette gueuse était incroyablement stupide et foncièrement méchante, ce qui me dédouanait complaisamment. Les rires cruels que je lui destinais, moi seul pouvait les savourer. Oisif insolent et dandy rompu aux vices mondains, j'avais besoin d'exotisme, de piment pour mon âme en quête de nouvelles ivresses.

Discrètement je la regardais passer sous ma fenêtre avec sa bosse sur le dos. A travers les rideaux de soie qui me préservaient de la vulgarité du dehors, elle paraissait comme un suaire : affreuse et morbide. Maquillée de manière outrageuse, une cigarette bon marché entre les lèvres, elle était plus laide que jamais. Sa toilette d'un goût douteux trahissait des moeurs éhontées. Je l'entendais maudire les hommes, les femmes et les chiens errants. Elle insultait, crachait, aboyait.

Entouré des lambris recherchés de ma demeure, la contemplation de sa laideur me comblait de satisfaction. Cette femelle déchue réunissait en elle toutes les infirmités humaines : c'était un chef-d’œuvre de désolation, comme un champ de bataille après le combat.

La défaite, l'ombre et l'abîme peuvent être choses émouvantes, belles à mettre en scène sous forme de musique, de mots, d'images... L'évocation de la mort n'est-elle pas exquise lorsque l'artiste en fait un requiem ? La misère n'inspire-t-elle point les peintres ? Le "Radeau de la Méduse" peint par Géricault finirait de convaincre mes détracteurs, si j'en avais encore. De même la tristesse inspire l'archet du violoniste mieux que ne saurait le faire la plus sincère allégresse.

Bref, j'avais trouvé là la muse hideuse nécessaire à mon inspiration d'esthète. Et je chantais, chantais, chantais à n'en plus finir sa laideur, ses vices et sa sottise...

Et mon chant de sybarite prenait la forme de railleries, de quolibets, de sarcasmes, de traits d'esprit fins, joyeux, redoutables... Et infiniment divertissants.

15 - La beauté déchue

Autrefois c'était une créature. Jeune, grande, blonde, belle, radieuse.

C'était il y a très longtemps. Elle se remémore le temps béni de sa jeunesse où le Ciel venait lui baiser les pieds. Elle se revoit au temps où elle était cette femme : une princesse, un astre, un cygne... Elle a un sourire désabusé en se regardant dans le miroir, pleurant sa beauté perdue, maudissant son reflet. Des rides profondes marquent sa face. Son visage est une grimace hideuse. Son sourire une plaie. Sa silhouette un spectre.

La fleur est fanée. Son éclat l'a quittée depuis plus de cinquante ans. Ce qui équivaut à un siècle pour une femme qui fut si belle. Aujourd'hui elle a quatre-vingt dix ans et elle est laide malgré son maquillage. C'est son miroir qui le lui crie, le lui répète à chaque seconde. Elle est vieille et laide, c'est une évidence. Nul besoin de se farder pour en être convaincu.

L'astre éblouissant qui a fait les beaux jours de l'amour est mort. L'étoile qui a brillé si fort s'est éteinte. Le soleil qui fut jadis splendide s'est définitivement couché. Il ne réapparaîtra plus. Dans un geste héroïque et pathétique, dérisoire et beau, la vieille femme fixant éperdument son visage dans la glace lève son verre avec un air plein de défi... Ses doigts osseux étreignent avec rage la coupe exhalant des parfums de ciguë.

Elle lève son verre à sa mort prochaine.

16 - Quand le chardon se fane

Elle était aimable, vertueuse, fort intelligente, cultivée, douée pour les Arts, les sciences, et même pour la cuisine, mais affligée d'une rare laideur. Nul ne la courtisait, à part ses précepteurs et son curé car, rappelons-le, c'était une femme éprise de connaissances et de religion. De plus ces commerces étaient assez chastes, on le conçoit.

Il ne lui restait que le bedeau pour satisfaire ses aspirations amoureuses. Lui-même, bien qu'il fût l'idiot incontesté du village, n'en était pas moins agrégé de philosophie, pédant à l'envi, hérétique faute de mieux et foncièrement mauvais. Mais surtout, aussi contrefait qu'elle était repoussante.

Elle lui offrit son coeur. Il le refusa, préférant prendre son hymen. Après moult hésitations elle finit par accepter de se faire déflorer les voies vaginales par l'agrégé moyennant la conversion de ce dernier à la cause pie. Le marché ne déplut point au paillard. Après un mariage sans faste ni dépens, elle devint acariâtre, sotte et fielleuse, délaissant Arts et sciences, et même religion.

Au bedeau mariée, de ses livres séparée, de son amabilité débarrassée, mais toujours aussi laide elle était.

17 - Lyre des mots

Du jour au lendemain, je m'épris de la fille du maire. Non qu'elle fût particulièrement jolie, vertueuse, spirituelle ou aimable... Bien au contraire. Elle était à l'extrême opposé de telles qualités. Elle était surtout une source inépuisable d'explorations littéraires pour moi. Une muse maudite en quelque sorte. Elle savait m'inspirer les plus beaux textes.

A ses côtés, ma plume s'éveillait comme par enchantement, plongeant avec une insatiable frénésie dans quelque abîme fécond de son être. Je devenais papillon aux ailes vénéneuses, puisant chez cette créature trouble mon suc quotidien. Je m'abreuvais de sa fange, et lui restituais une exquise pourriture. Elle lisait avec délectation et sotte gravité mes textes, flattée de se savoir l'égérie d'un si estimable peintre des âmes.

Sous ma plume odieuse, j'accentuais ses défauts, lui faisais endosser les pires forfaits, la grimais de mille façons infâmes. Elle était ravie : c'était la première fois qu'on lui parlait d'amour.

Je finis par l'aimer avec une sincère cruauté : sa laideur, sa stupidité, sa méchanceté, ses vices m'étaient trop chers pour que j'acceptasse de voir un jour fleurir ce chardon. Il fallait que j'entretienne la friche, sous peine de stérilité littéraire.

En faisant de la fille du maire la plus grosse cloche de la contrée, mes mots pour la raconter n'avaient jamais aussi bien sonné.

18 - Le vice et la laideur

Marguerite était une jeune femme prétendument sage, aimable, sérieuse. Et fort laide. Marguerite se croyait belle parce qu'elle se vêtait de soie cousue d'or. Laide mais luxueusement accoutrée, elle s'admirait sincèrement dans le miroir, s'imaginant un avenir radieux.

Marguerite était riche. Elle avait accumulé tant d'artifices qu'elle en avait fini par oublier, peut-être pire encore, par ignorer en toute bonne foi son authentique et définitive laideur. Ce qui lui permettait d'exercer sans pudeur ses charmes hideux sur la gent ecclésiastique. Marguerite avait en effet un fâcheux penchant pour la soutane. Non contente d'être laide, Marguerite se permettait le luxe d'être une femme dénaturée.

A force de vils harcèlements, de chantages et menaces divers, allant même jusqu'à soudoyer l'évêque en personne (ce que lui permettait sans grande difficulté sa fortune mal acquise) elle parvint à se faire déchirer l'hymen par Monsieur l'abbé de la Coutencière, prêtre éminent et respectable d'une paroisse intégriste de la petite province...

Le scandale fut énorme, si bien que Marguerite dut s'exiler loin de son évêché natal. Son vice semble n'avoir pas de limite puisque, installée dans une autre petite ville de province, elle travaille bénévolement dans un hospice qui accueille de vieux prêtres grabataires.

19 - Belle et macabre crucifiée

Mademoiselle,

Un fantôme me poursuit. Votre visage de verre et de larmes me hante. La Lune est sur mes pas. Je vous aime Mademoiselle avec un silex dans le coeur, une épine sur le front, une chandelle dans l’œil. Je ne songe qu'aux statues décrépies qui vous ressemblent, ne vois que votre ombre qui m'est lumière, n'aspire qu'à rejoindre l'astre mort où vous m'attendrez peut-être.

Votre beauté funèbre enchante mon coeur lugubre et esthète. Votre regard grand ouvert est un cercueil de cristal. Votre sourire est un linceul où toute joie s'est éteinte. Votre visage entier est une tombe adorable. Vous êtes une esthétique ensevelie, une exquise gisante, un irrésistible cadavre. Vous êtes belle comme une stèle mortuaire.

Blonde comme l'astre blafard, sublime et pathétique ainsi qu'une mare reflétant le firmament, dérisoire et superbe telle la vase où viennent s'abreuver les étoiles, avec votre regard éthéré de spectre, vos doigts de fée et votre charme cadavéreux, vous rivalisez de misère et de grandeur, de détresse et de gloire, de grâce et de désolation avec les monstres de pierre perchés sur les flancs des cathédrales.

J'aime votre beauté de paille, votre âme de feu, votre charme de cendres. J'aime vos yeux de corbeau, vos lèvres de glace, vos cheveux sous la pluie, votre coeur dans les ténèbres. Le gel vous drape de blanc, le vent vous cingle la face et le chant des oiseaux est votre baume.

Vous êtes un bel, un troublant, un émouvant épouvantail.

20 - Laide et luxurieuse

Je connus une authentique vieille fille. Laide, acariâtre, avaricieuse, hypocrite, pieuse comme une pierre ponce. Un vrai rabat-joie, un cafard portant chignon, un coeur et un hymen rigides. Bref, une femme comme une figue séchée. Et bien entendu, vicieuse à faire tressaillir le Diable, en bon laideron qu'elle était.

Je la déflorai. Autant par défi à ses moeurs que par amusement d'esthète. Durant l'acte la puritaine se comporta en putain. C'est ainsi qu'après le procès charnel, l'apôtre de la fausse vertu devint enfin femme. Mais seulement sur le plan clinique, car le silex qui lui tenait lieu de coeur était toujours aussi aiguisé.

Se désolant de la perte de sa chère virginité, elle se répandait en fiel, semant sa haine stupide sur le monde et les amants qui le peuplent, tout en maudissant la faiblesse de ses sens, allant même jusqu'à insulter sans remord ce Ciel qu'elle chérissait tant en temps ordinaire ! Cependant elle se délectait secrètement à l'évocation du sceptre profanateur qui avait si délicieusement exploré ses terres vierges... En se logeant dans son temple féminin, le mâle poignard avait définitivement atteint son âme de damnée.

L'écume du plaisir lui avait laissé un goût immodéré dans le coeur.

Elle était déjà laide, sèche, sotte et méchante. Au contact de la chair virile elle était devenue perverse, insatiable, avide de stupre.

En l'espace d'une heure, elle changea radicalement. Ses habituels chapelets ne meublaient plus son coeur aride. Il lui fallait à tout prix boire à la coupe du mâle. L'ivresse des sens était devenue sa seule quête : elle avait une éternité d'abstinences à rattraper.

C'est ainsi que la bigote devint la plus fameuse catin de toute la contrée, la pire traînée de la paroisse. Mais seulement en réputation et non dans les faits car nul amant ne voulait perdre haleine entre des bras aussi osseux, contre des flancs aussi atrophiés, en face de traits aussi ingrats. Si bien que je fus son seul et unique amant une heure durant.

Elle mourut inassouvie et fielleuse, seule et laide.

21 - Laide et appréciée

Depuis le temps que je vous promène de salon en salon, je peux vous avouer que votre face de chèvre m'agrée singulièrement. En vérité vous êtes le plus beau laideron de toute la contrée. Et si vous humiliez les garçons que vous approchez, lesquels vous fuient invariablement, vous n'êtes pas pour me faire plus honneur, soyez-en persuadée. C'est que je suis comme les autres : je vous trouve laide moi aussi.

Mais votre laideur a cela de nécessaire à ma gloire, c'est qu'elle fait converger tous les regards vers moi. Je m'affiche tel jour en public en votre piètre compagnie et aussitôt je me mets à dos les rieurs pour les mieux contredire le lendemain. C'est que je remporte tous les suffrages lorsque je vous remplace par une plus flatteuse conquête ! Et les rieurs de la veille d'applaudir le joli tour de passe-passe... Un jour je sors avec la poupée de chiffon, le lendemain avec la poupée de porcelaine. On me raille lorsque j'ai le torchon à mon bras, on se rallie chaudement à ma cause quand la serviette est pendue au cou.

En votre compagnie, que d'heureuses je fais ! Je brille et fais briller à bon compte, mettant en valeur des femmes qui sans votre voisinage se seraient senties bien médiocres. Votre présence accentue les contrastes. Tout votre art est là. Une vierge commune devient princesse à vos côtés. Elle se sent belle comparée à vos traits caprins, à votre silhouette bovine, à vos charmes de camélidé. Son hymen en devient plus accessible, considérant elle-même sa déchirure non plus comme une infamie mais ainsi qu'un authentique honneur.

Vous êtes un chef-d’œuvre de laideur. Votre tête terne fait devenir soleil la simple provinciale. Votre disgrâce fait rayonner la commune lessiveuse. Votre naissance de misère donne aussitôt du prix à l'ordinaire courtisée. Bref, votre difformité fait plaisir à voir.

Sortez toujours plus de l'ombre. Continuez à me servir de faire-valoir, à être celle qui fait jaser. Soyez fière de m'accompagner.

Ne maudissez pas votre sort surtout : votre laideur est pour les autres un cadeau.

22 - Laide et méchante

Mademoiselle Dulcinée était une jeune fille fort laide, paysanne de son état qui vivait seule dans sa ferme. Et comme si cela ne suffisait pas, son coeur était rongé par les vers de la haine. La médisance était son pain quotidien, le fiel son vin du matin, l'amertume sa soupe du soir. Son âme venimeuse se nourrissait de la boue et des crapauds qui s'y vautrent. Nul ne l'aimait. Pas même ses cochons qu'elle martyrisait pour son plaisir odieux.

Un jour un galant de passage, qui devait avoir des goûts douteux quant aux femmes, fit irruption dans la vie misérable de Dulcinée. Peut-être un esthète dégénéré, à moins que ce ne fût un pauvre diable ivre mort... Bref, ils passèrent la nuit ensemble dans le fumier de l'étable. Ce qui était d'ailleurs là bien le genre de Dulcinée.

Le laideron perdit donc sa virginité entre l'âne et le bœuf. L'on aurait put s'attendre à ce que cette initiation aux émois de l'âme et de la chair adoucisse les moeurs de l'infâme... Il n'en fut rien. Curieusement, ni les tendresses de l'amour ni les vertus séminales n'opérèrent de miracle dans l'étable. Au contraire, après cette nuit passée dans les bras de son amant Dulcinée était devenue encore plus méchante qu'à l'accoutumée.

Après cela, allez donc comprendre les vieilles filles laides et méchantes !

23 - La défaite de la laideur

Il était une fois deux sœurs, Cunégonde et Julie. Cunégonde était la fille la plus laide du canton, tandis que sa sœur Julie était belle comme le jour. Monsieur de la Tricouille, qui était le garçon le plus charmant de la contrée, convoitait la main de la belle Julie. Les choses étaient décidément bien faites car Julie aimait secrètement le jeune hobereau. Précisons que le jeune Monsieur de la Tricouille était monté comme un âne.

Cunégonde savait pertinemment que sa sœur était l'objet des feux du jeune homme, cependant elle avait elle aussi des vues sur le bel arrogant, bien que sa cause fût désespérée. Elle savait également par ouïe dire que Monsieur de la Tricouille était monté comme un âne. D'ailleurs tout le canton le savait. Un jour Cunégonde interrogea sa sœur, la belle Julie :

- Ma sœur, vous qui êtes belle à faire pâlir l'astre du jour, vous l'élue d'entre toutes les grâces, savez-vous que j'espère goûter à la trique de Monsieur de la Tricouille, bien que je sache que son coeur ne m'est hélas ! pas destiné ? Pour une fois, il ne sera pas dit qu'en amour la beauté remportera les suffrages. Le combat injuste et inégal qu'elle mène depuis toujours pour défendre sa cause a assez duré. A travers moi, la laideur doit prendre sa revanche. Moi aussi j'ai besoin de me faire agrandir le fond de la culasse par le chibre d'âne de Monsieur de la Tricouille.

- Cunégonde ma pauvre soeur, vous êtes vraiment bien trop laide pour que Monsieur de la Tricouille daigne vous foutre sa grosse triquapute dans le fond des tripes. Il a du goût ce joli, et je gage qu'il vous rira au nez sans autre forme de procès dès que vous lui dévoilerez vos desseins.

- Julie, vous êtes bien belle et c'est vrai que tous les garçons du pays brûlent de vous perforer l'hymen avec leur braquemart, cependant serez-vous à même de recevoir l'énorme triquaille de Monsieur de la Tricouille soit dans la culasse soit dans la tripaille ? Je vous rappelle que ce sacré foutu couillu est le garçon le mieux monté de toute la contrée. Quand on a affaire à un âne comme Monsieur de la Tricouille, apprenez que la beauté seule ne peut suffire à le contenter ma soeur. Encore faut-il avoir le coeur disposé ainsi que les trous à baisaille adéquats.

- Et vous estimez peut-être que je n'ai point ce qu'il faut de ce côté-là, Cunégonde ma soeur ?

- Parfaitement, belle Julie. Je vous juge incapable de recevoir dignement la grosse triquaille de Monsieur de la Tricouille dans le fond de la tripe, encore moins dans le trou à purin étant donné que vous avez le cul bien trop serré ma jolie. Bref, vous êtes bien trop prude pour vous faire arranger les trous à baisaille par Monsieur de la Tricouille, le beau couillu doté d'un braquemart du diable.

- Cunégonde, vous êtes non seulement laide, mais encore fort vile.

- Julie ma soeur vous êtes certes belle, mais infoutue de vous faire arranger les tripes par Monsieur votre aimé, alors que moi je le puis.

- Et qu'en savez-vous ma soeur ?

- J'en sais que Monsieur de la Tricouille qui est monté comme un âne en a plus dans la frocaille que vous n'en avez dans les jupons. Monsieur de la Tricouille me baisera moi plutôt que vous. Foi de Cunégonde !

La morale de cette histoire est sauve puisque Cunégonde ne fut jamais baisée par Monsieur de la Tricouille qui préféra encore offenser la beauté et l'innocence avec son énorme chibre d'âne plutôt que de rendre hommage à la laideur.

24 - Le laideron et le gant blanc

Elle était laide et perverse, pauvre et vicieuse, propre sur elle et méticuleuse. Elle n'aimait personne et était cruelle envers les animaux. Surtout envers ses cochons qu'elle engraissait avec rage et vanité. Du matin au soir elle épiait ses voisins, sans cesse en quête de ragots à colporter dans le village. Ou de médisances à semer dans les cœurs...

Un jour elle tomba amoureuse d'un aristocrate tout de blanc ganté, au teint blafard, à la mine hautaine et qui parlait avec l'élégance des gens nés dans l'opulence et la religion. Mais le hobereau qui ne manquait pas de cruauté lui non plus, l'ignorait parfaitement et s'amusait même de ce chiffon humain tentant de faire la poupée. C'était pitoyable et ridicule, pathétique et vain. Enfin, le spectacle était particulièrement savoureux pour l'oisif blanc-ganté.

Elle était si éprise de ce beau sang désœuvré et arrogant qu'elle lui déclara un jour sa flamme en pleine face, droit dans les yeux. Le jeune et beau seigneur offensé par tant d'insolence lui répondit par une gifle assénée du bout de son gant blanc. La gueuse s'en retourna à ses cochons, piteuse, le coeur plein de fiel, jurant qu'on ne la reprendrait plus à succomber aux charmes des gens de château.

Au moins aura-t-elle appris que dans ce monde on ne mélange pas les torchons avec les serviettes.

25 - Lettre d'amour à une jeune et laide bigote

Mademoiselle,

Permettez qu'un prétendant digne de votre chaste hymen se manifeste enfin. J'aime singulièrement vos grâces d'oiseau dépourvu d'ailes, vos airs d'ange déchu, votre vol de papillon sans mystère. Vous êtes un joli caillou, une sorte de diamant obscur au prix indéfini. Votre front dénué de lauriers vaut votre regard sans fard. Vous êtes d'ailleurs si vraie que l'artifice serait une offense à votre nature.

Votre authenticité inédite a les charmes bruts de l'amertume.

Vous êtes belle comme un rêve dont on ne se rappelle plus.

26 - Les misères de la laideur

Mademoiselle,

Votre hymen intact ayant traversé les ans avec gloire et trompettes, vous n'en êtes pas plus honnête pour autant. Le vice masqué vous plaît. La fange, pourvu qu'elle se voile de chastes atours, vous agrée.

Vous êtes laide. Laide et corrompue. Méchante et perverse. Les âmes naïves vous aiment et les cœurs puérils vous encensent sans compter pour les dignes apparences que vous arborez. Moi je vois non seulement les traits de votre visage ingrat, mais encore la noirceur de votre âme aigrie. Si vous étiez belle, vous seriez une sainte. Mais vous êtes laide, et vous êtes un démon.

Les bigotes vous prennent pour un modèle de vertu. Le bon prêtre auprès de qui vous faites si bonne figure, dupé par votre piété mensongère, vous croit pleine de valeur. Comme si votre absence de joliesse conférait quelque beauté à votre âme... A la beauté va la vertu, à la laideur va le vice. Vous êtes née laide, vous mourrez damnée. Vous avez beaucoup reçu en disgrâce, il vous est donc beaucoup demandé en échange.

Mais vous êtes faible, et vous préférez la facilité. Votre malheur était pourtant prometteur. Vous l'avez gâché. Vous n'avez pas su contrer le vice. Le combattre vous aurait grandi. Mais vous l'avez adopté.

Vous êtes laide en dehors, laide en dedans.

27 - Procès de la laideur

Les femmes laides ne valent rien. Ce sont de ridicules amantes, de désagréables compagnes, de risibles faire-valoir. Les femmes laides ont cet inconvénient majeur par rapport aux belles femmes, c'est précisément qu'elles sont laides. D'où la supériorité de la beauté sur la laideur chez la femme.

Si les femmes laides sont délaissées, c'est qu'elles le méritent pour la bonne raison que leur laideur est un naturel repoussoir. Ce qui fait la valeur de la beauté, c'est qu'elle répond à des lois injustes qui échappent à notre volonté égalitaire, à notre souci de nivellement, à la standardisation de notre société. Cela fonctionne exactement comme la grâce : elle peut tomber du ciel sur n'importe quelle tête. La beauté d'une femme ne dépend nullement de son bon vouloir mais des coups de dés du Ciel. Ou si on préfère, de la Nature. Et c'est très bien ainsi. Que les ennemis de l'injustice naturelle fassent donc le procès de la Nature et qu'ils rendent d'un coup de baguette magique la justice selon les références humaines... Toutes les femmes seraient belles, hélas ! Et la beauté perdrait du même coup tout ce qui fait son charme.

Ce serait la dictature de la monotonie.

Vivent les femmes laides et tant pis pour elles ! Grâce à leur laideur l'on mesure la valeur inestimable de la beauté.

28 - Hommage à la laideur

Je sais que vous n'êtes pas celle dont on dit qu'elle est jolie. Votre visage, si dur et si doux à la fois, ce visage-là, si triste et si plein d'éclat, n'a point la beauté facile de ces pucelles de dix-huit ans fraîches et gaies qui font si souvent se retourner dans la rue les hommes mariés et qui leur font oublier un instant la pesanteur d'un trop long et trop fade hyménée. Vous, vous n'inspirez que vide et ennui à ces cœurs frivoles.

Vous n'êtes pas belle, certes. Vous ne faites rêver personne. Je vous aime moi, pourtant... Vous ne serez jamais celle qui fera pâlir les blondes de la terre, jamais celle dont on chantera les grâces au son de la viole, au clair de Lune, mais vous serez pour toujours ma pauvre chandelle.

Vierge parmi les vierges, jeune parmi les jeunes, vous êtes la dernière toutefois. Morte en ce monde, vous êtes ma lumière.

29 - Lettre d'amour pour une femme laide

Mademoiselle,

Cette lettre vous étonnera. Elle vous choquera peut-être, vous irritera possiblement, vous ôtera sans doute le sommeil. Ce que je souhaite surtout, c'est qu'elle vous fasse pleurer. Soit à cause de son inutile cruauté, soit à cause de la joie qu'elle saura inspirer à votre coeur délaissé. Ce qui revient au même, le prix de vos larmes n'étant pas différent pour la flèche de l'aveugle Cupidon ou pour l'éprouvette du distingué, calculateur, aimable corrupteur que je suis. Que vos larmes soient amères ou bien douces, aucune importance, pourvu que l'Amour en soit la cause.

La façon d'extraire vos larmes futures importe peu. Le résultat seul compte, non les moyens déployés pour l'obtenir. Finalement cette lettre vous agréera : étant laide vous ne devez pas avoir l'habitude de recevoir des lettres d'amour.

Votre laideur est loin de me déplaire. Sincère soupirant, je n'hésite pas pour vous mieux séduire à faire fi des moindres lâchetés, hypocrisies, vilenies et mensonges si coutumiers aux vils et ordinaires séducteurs. Je ne suis certes point de cette espèce commune. Ma quête est plus digne : je flatte votre laideur non dans le but d'entretenir ma mâle vigueur (ce qui serait un simple, banal, peu glorieux exercice amoureux de routine), mais dans le but de gagner votre coeur, votre hymen, votre main envisagés comme de véritables trophées.

Je veux faire de ces conquêtes si peu enviées une espèce d'exploit dont je me glorifierai. La laideur des femmes en ce monde étant une chose fort peu cotée chez les esthètes, pour ma gloire, et accessoirement pour la vôtre, je désire être un don Juan maudit.

Je veux briller parmi les astres citadins grâce à la terne étoile que vous êtes. Soyez ma curiosité mondaine, mon nouvel objet de snobisme, mon sujet de scandale, mon triomphe de salon, mon faire-valoir paradoxal : soyez à moi. Je ne vous trouve vraiment pas belle. Mes mots ne sont nullement mensongers puisque belle vous ne l'êtes assurément, irrémédiablement pas.

Je ne vous aime certes pas pour votre beauté, celle-ci vous faisant définitivement défaut. Je vous aime bien plutôt pour votre laideur, qui elle est réelle, authentique, évidente.

Presque insolente.

Cette permanente laideur est votre durable parure, votre fard naturel, votre habit de sortie, votre indélébile grimage qui vous interdit tout espoir d'être aimée. Voilà précisément un motif de vous aimer. Je veux être votre étrange accident, la bizarrerie qui fera mentir le sort, l'anomalie terrestre qui rendra perplexe le Ciel. En pur esthète, je désire vous contempler dans votre pure laideur.

Pleurez maintenant, de peine ou de joie, mais de grâce versez vos larmes en mon nom puisque vous vous savez enfin aimée. Non pour votre beauté absente, mais pour votre laideur omniprésente.

30 - Éloge et défense de la laideur

(Voici, fidèlement rapportés par mon imagination, quelques propos échangés entre une femme laide et son amant.)

- Je me sais laide, et cette laideur est une offense à l'amour. Vous ne pouvez m'aimer. Votre regard doux sur moi me rend honteuse. Votre tendresse a quelque chose de malsain. Il n'est pas séant de se faire l'amant de la laideur. Vous choquez la morale, l'honnêteté, le ciel et tous ses anges. Vous me faites rougir, et j'ai envie de pleurer. Je suis laide, je le sais, vous le savez, et c'est un crime de m'aimer ainsi que vous le faites. Le monde est plein de filles jolies qui ne demandent qu'à être chantées, louées, honorées selon les lois ordinaires de l'amour, ne perdez donc pas votre temps et votre jeunesse avec celles qui, comme moi, ne méritent de recevoir aucune fleur de la Terre. Je suis laide, laide, laide, et je vous vous interdis de m'aimer ! Cet amour que vous m'avouez m'est une douleur, une peine, non un bien. Ne m'aimez pas, laissez-moi en paix, seule avec ma laideur comme avant, seule comme je l'ai toujours été. Voilà mon sort, ma juste condition, la volonté du ciel et des hommes. Ne troublez pas l'ordre naturel des choses. Vous faites mal, lors même que vous croyez bien faire.

- Vous êtes laide et je vous aime. En esthète j'admire vos traits ingrats. Mon coeur a choisi pour battre, enfin, le paysage austère de votre physionomie. Lassé des molles merveilles qui ont fini par émousser sa sensibilité, il a élu votre tête déchue qui pleure aujourd'hui de se savoir aimée. Il s'est soudainement ému pour votre front sans éclat qui n'est qu'un désert de pierres, de roc, de cailloux. Et ce désert a séché votre regard, durci vos lèvres, tari vos sourires : votre face est un mets bien amer, mais c'est pour moi un miel nouveau. Je goûte comme un Christ au vin âpre de la misère, et une étrange ivresse me gagne. Votre détresse est une croix qu'il m'est doux de porter. Votre disgrâce a aussi la saveur de la brume, la dureté des glaces, la sévérité du gel. Votre visage est pareil à une montagne rude et magnifique, froide et chaste, lointaine et silencieuse : je le contemple et je m'élève.

- Vous êtes fou. Ma pauvre couronne ne mérite pas d'être si bien servie. Je ne suis que la reine des servantes, la princesse de la poussière, l'aimée des cailloux. Mon pouvoir ne s'étend point au-delà des ronces et des orties qui m'entourent. Je me sais si laide que je n'accepte de compliments que de la part des pierres. Elles sont muettes et leur éloquence me va toujours droit au cœur. Je sais qu'elles disent vrai. Tandis que vous, vous me dites des choses que je ne puis croire. Vous mentez. Allez plutôt rejoindre vos jolies donzelles, au moins elles vous croiront quand vous leur chanterez leurs grâces si sûres. Vous ne mentirez pas lorsque vous leur tiendrez galant discours. Je suis laide, oubliez-moi.

- Vous êtes laide, et vos traits rendent votre coeur humble, fragile, sensible. Vous le briser est chose si aisée qu'il me faut prendre mille précautions pour le manier, de crainte de le blesser sans le vouloir. Vos sœurs plus jolies sont armées de cuirasses, et je n'ai pas besoin de tant de manières pour les convaincre de servir la cause amoureuse : vite conquises, elles ne laissent pas le temps au cœur de s'épancher comme il le faudrait. Sur quelques accords de musique, sur quelques pas de danse l'affaire est entendue. Et la chose est si commune à leurs yeux, que l'hyménée qui s'ensuit est vidé d'émoi. Pour ces filles jolies l'amour est une chose bien banale. On les séduit sans manière, sans dentelle ni beaux discours. On les aime avec des piètres sentiments qui s'évanouissent dès l'aube. Ce ne sont que des étoiles filantes. Elles ont l'éclat de la beauté, mais de racines point. Leur beauté leur confère une futilité toute particulière. Et s'il est vrai que les attraits ostensibles d'une vierge facile sont toujours flatteurs pour l'heureux amant qui les conquiert, il est également vrai que les fleurs les plus belles paraissent aussi les plus superficielles. Sachez donc que la vanité sied mieux à la beauté plutôt qu'à la modestie.

- Ainsi je trouve grâce à vos yeux aujourd'hui, parce que je n'ai pas l'heur d'être de cette race des beautés radieuses que vantent tellement les hommes de votre espèce, ordinairement. Je veux bien croire à la ferveur de votre prière, au singulier émoi de votre cœur, puisque vous voulez tant que j'en sois convaincue. Je ne sais pourtant si votre galante dévotion est une insulte ou un réel éloge. A moins que cela ne soit que pure folie, mon ami.

- Croyez plutôt en la sincérité, l'honnêteté, l'humilité de mon cœur aimant. Et oubliez donc au nom de cet amour -si particulier j'en conviens- les rigueurs de la simple raison. Je vous aime ainsi que vous êtes, parce que vous êtes ainsi.

31 - Une folie d'amour

La pucelle est laide de visage. Le soldat ne semble pas très regardant sur l'éclat de ses conquêtes : sous le soleil de juin toutes les filles ont de la poitrine et les robes légères sont des invites pour tout ce qui porte moustaches et baïonnette. Les fruits ont mûri à temps, le loup rôde, la laide Suzon est loin d'être gourde. Eugène, après l'horreur des tranchées a l’œil indulgent pour tout ce qui ressemble à une femme. En permission depuis peu, se perdre dans la volupté, chercher la douceur féminine lui est un devoir, un acte de rébellion contre les obus, la terreur, la mitraille, là-bas...

Bientôt l'humble Suzon tombe dans les bras du poilu. Demain il sera peut-être mort. Après la boucherie des combats, le feu de la chair. L'étreinte est bestiale, profonde, belle et désespérée. Les amants se roulent dans la paille, ivres de vin blanc et d'amour. Les cœurs se révèlent, les corps exultent, les têtes tournent, on se fait des serments fous...

Les bruits de la guerre sont loin.

Le corps apaisé, Suzon se sent belle. Son soldat est son "premier". Eugène lisse ses moustaches en caressant le menton de la coquine, l'humeur mélancolique, le geste attentionné, l'air tendre et gaillard. Mais l'amour, le vrai, l'inattendu, le fou, l'aveugle, le déconcertant, a surpris la Suzon. Elle l'herbe sauvage, lui le soldat brisé. Demain déjà, il lui faudra retourner au combat. Que faire ?

Il n'y a rien à faire. Les tranchées ont déjà broyé l'âme d'Eugène. Sous ses jolies moustaches, c'est une épave. Demain il exposera son corps au fer et au feu "pour la France". Demain il sera mort, c'est décidé ! Cette étreinte était son dernier hommage rendu à la vie, sa dernière volonté avant d'en finir. Demain il se laissera ensevelir par la boue de Verdun en hurlant son désespoir. Eugène n'aime pas la guerre, n'aime pas le drapeau, n'aime pas cet enfer patriotique qui l'a déjà tué en dedans.

Ils se sont quittés sur un dernier baiser, elle l'herbe sauvage, lui le soldat brisé...

Quatre-vingt années se sont écoulées depuis. A presque cent ans la Suzon est encore plus laide qu'à vingt ans : grabataire, ridée, effrayante, complètement démente. Elle ne s'est jamais mariée. Dans l'hospice qu'elle hante depuis si longtemps, plus personne ne l'entend quand de sa bouche édentée elle murmure entre des sanglots de moribonde, le regard affligé, la main tremblante, la voix inaudible :

- "Eugène, il s'appelait Eugène et j'l'aimais c't'homme-là... L'tranchée l'a pris mon Eugène... Il m'a aimée avant d'partir et moi j'l'aimais aussi, d'tout mon coeur... D'tout mon coeur mon Eugène..."

32 - L'amant des laides

Je suis le refuge des esseulées, le souffle des vies en deuil, le feu des âmes refroidies, l'asile des délaissées, l'espoir des affligées.

J'apporte la flamme qui d'habitude n'échoit jamais aux humbles. J'élis les non-élues, j'aime les mal-aimées. Je suis le chantre des éternelles éconduites, des recluses, des cloîtrées, des timides, des égarées, des invisibles, enfin de toutes ces misérables enfants de la solitude, de ces créatures inéligibles au trône de la beauté.

Je suis l'étoile fidèle, l'épée loyale, la prière inextinguible. Je règne dans le coeur des désespérées de l'amour.

Je suis l'Amant des laides, agenouillé à leur chevet de douleur.

33 - L’œuvre du temps

Elle avait un nom unique : Rosemonde-Aimée.

L'image de mon premier amour me revenait en mémoire, tandis que je flânais sur le port. L'air doux du printemps, l'écume, la brise m'amenaient naturellement au souvenir de Rosemonde-Aimée, la seule étoile de ma vie. Rosemonde-Aimée, joyau pur de ma jeunesse, ange descendu sur Terre, Amour virginal...

On s'était juré mille sornettes sur la plage. Serments ingénus de l'âge pubère... Nous nous perdîmes de vue, elle m'oublia, se maria sans doute. Trente années s'étaient écoulées. Je ne l'avais plus jamais revue. Dieu seul sait ce qu'elle est devenue aujourd'hui.

Je me remémorais avec tendresse nos étreintes sous les étoiles. Chastes, exaltées. Rosemonde-Aimée avait toujours représenté pour moi l'Amante. C'était une gazelle, une créature linéale, éthéréenne, évanescente. La grâce incarnée. Elle avait une voix comme le chant de la mer, des flots d'or pour toute chevelure, de l'azur dans le regard. Une écume sur les lèvres aussi : promesse d'un baiser qu'elle ne me donna jamais.

Des cris stridents me sortirent de ma rêverie : une espèce de monstre femelle s'agitait à quelques mètres de moi. Enorme, rougeaude, hideuse. La vendeuse de poisson penchée sur ses cageots extirpait les viscères de sa marchandise tout en hurlant sur son mari ivre qui tentait maladroitement de justifier son état.
Négation parfaite de l'Amour, la femme m'inspirait dégoût, pitié. Le spectacle était pittoresque, affligeant, grotesque. L'hystérique agonisait d'injures son mari penaud, minuscule à côté d'elle. Elle avait une cigarette jaune aux lèvres, des mains d'ogresse, une poitrine titanesque. Une vraie caricature "cunégondesque". Le tue l'amour par excellence.

Comment cette femme avait-elle pu inspirer de l'amour à cet homme, me demandais-je ? Elle fut donc jeune et attirante elle aussi ? En voyant ce mastodonte, j'avais peine à m'imaginer la chose ! Comment en était-elle arrivée à ce degré de déchéance ? Quelle dégradation s'étalait devant moi ! Après m'avoir amusé trente secondes, la vue de cette vendeuse de poissons me fit ardemment désirer me replonger dans ma quiète rêverie...

Le souvenir de Rosemonde-Aimée agissait comme un antidote face à ce spectacle, un baume contre l'horreur de cette scène.

Je poursuivis mon chemin le long du port, faisant semblant d'ignorer la mégère lorsque je passai à sa hauteur. Je hâtai le pas. Derrière moi j'entendais de loin en loin les éclats de voix du phénomène.

Soudain, je blêmis.

Son mari, après avoir lâché quelques jurons, nomma l'acariâtre épouse. Cette femme, était-ce possible que... Il la nomma distinctement, et c'était inconcevable à entendre. A chaque fois que je repense à ce nom prononcé par l'ivrogne s'adressant à sa femme, un frisson terrible m'envahit. Je l'entends encore :

- Ben moué je vais te dire ! Tu vaudras jamais l'vin que j'déglutis tous les jours pour mieux oublier ta face de beuglante, tu m'entends la Rosemonde-Aimée ?

34 - Rose-Alberte et ses lapins

Ce qui m'agréait le plus chez elle, ça n'était point sa laideur pourtant remarquable, ni sa profonde sottise, pas même son extrême gentillesse, mais sa cruauté.

Aimable avec les humains, Rose-Alberte déployait un étonnant potentiel de tyrannie en présence et à l'endroit de ses lapins. Les enfants pourtant l'adoraient, et elle ne manquait jamais une occasion pour les gâter. Mais c'était différent avec les lagomorphes. Elle les affamait plusieurs jours durant pour s'amuser à les voir dévorer les épluchures les plus immondes. Elle crachait toujours dans leur eau et y ajoutait parfois du vinaigre : à la bêtise la plus primaire s'ajoutait une haine imbécile. Elle invitait souvent les enfants à partager ses cruautés, ce qui les ravissait.

Rose-Alberte n'avait pas d'amant, aussi se vengeait-elle comme elle pouvait. La nuit on entendait des plaintes dans le clapier. A quelle expérience odieuse se livrait la sorcière ? Au matin on trouvait des boîtes de médicaments périmés au pied des clapiers, des ampoules vides dans la paille, et les lapins vous regardaient avec des yeux globuleux...

Je commençais à apprécier cette ortie humaine qui savait si bien se faire aimer de ses semblables tout en inspirant la terreur chez les léporidés. J'étais curieux de voir comment la scélérate se comporterait sous les avances d'un benêt. Ou d'un satyre. Je lui fis une cour à l'eau de rose mais, comme je m'y attendis, elle fut insensible à mes arguments. Aussi optai-je pour des hommages plus crapuleux. Là, la "belle" s'éveilla. Tout son mauvais fond ressortit : elle me proposa d'aller sur-le-champ préparer avec elle des civets de lapin.

Le charme était rompu. Rose-Alberte qui n'avait guère que sa laideur pour unique atout venait de perdre sa dernière chance, se montrant décidément trop stupide ! Avec ses inepties, elle m'inspira soudain une vive répulsion. Je préférai laisser là le laideron avec le secret dessein d'aller libérer ses oreillards otages, car nul jusqu'alors n'avait eu l'idée saugrenue de me proposer de déguster des recettes de lapins drogués.

35 - Berthe a manqué sa chance

Le baron s'ennuyait avec ses sempiternelles conquêtes, toutes créatures de choix. Blasé de ces mornes vénustés, il décida de séduire un laideron : la repoussante Berthe constitua sa plus odieuse idylle.

Elle le charmait avec ses maladresses, sa physionomie simiesque, ses allures grotesques, ses disgrâces divertissantes, sa sottise congénitale, son hymen sans intérêt.

Elle devint sa favorite. Le baron aimait s'afficher au château en si haïssable compagnie. Berthe était son bouffon. Jusqu'au jour où une fée aimable transforma le petit canard en cygne.

Berthe pris son envol, quitta le baron pour aller pondre un oeuf dans un nid autrement plus douillet. L'oiseau élu fut Monsieur le curé tout de noir vêtu. Un pieux bossu qui aima avec charité la belle Berthe, ex laideron.

Entre temps l’œuf avait éclos. En sorti un baronnet à clochettes. On accusa le curé d'avoir engrossé la belle, anciennement laide. Il nia mollement, adopta le morveux à sonnettes et vécu longtemps avec l'argent des quêtes, la Berthe -qui avait été si peu plaisante jadis- , sa bosse et le bâtard à grelots qui fut finalement appelé "Gaspard".

Ce dernier devint bouffon officiel du roi vers l'âge de 47 ans.

La morale de cette histoire, c'est que les fées aimables devraient s'occuper du suivi de leurs protégés qui ne savent pas toujours tirer les meilleurs profits de leurs coups de baguettes.

36 - Deux amoureux

Elle lui sourit. Il lui répondit par un regard étonné. A son tour il lui sourit avec une contenance de circonstance : le port altier, la tête légèrement de côté, le regard sûr. Geste maladroit mais sincère. C'était la première fois qu'ils se rencontraient. Le hasard venait de les réunir dans un jardin public, par un après-midi de printemps.

Réservés, ils se tenaient l'un à côté de l'autre à distance formelle : c'étaient des honnêtes gens.

Une brise souleva mollement les longs cheveux de la femme. Une mèche vint s'enfouir dans le creux de ses seins à demi dévoilés. Du coin de l’œil, l'homme esquissa un léger signe d'intérêt. La gorge était profonde, le décolleté osé. Se sentant désirée, la belle appuya son sourire. Le vent chassa la mèche indiscrète qui alla s'enrouler dans le vide. Et tantôt ses longs cheveux flottaient devant son visage, tantôt son front se dégageait avec grâce au gré de la brise... La scène était impromptue, charmante. Leurs regards se croisaient, se décroisaient, se cherchaient, se trouvaient. Le jeu se prolongea assez longtemps. Ils n'avaient pas prononcé le moindre mot. C'était adorable et puéril, tendre et émouvant.

Ces deux-là se plaisaient, c'était évident.

Les tourtereaux s'étaient rapprochés l'un de l'autre. Alors l'homme prit la main de son élue. Tacitement elle passa son bras sous le bras du galant. Il n'y avait pas d'hésitation dans leur étreinte, les deux amants s'étaient reconnus comme des semblables.

Enfin ils s'en furent, tendrement enlacés parmi les roseraies, confusément émus, l'allure lente mais sûre, à petits pas vers un avenir plein de promesses... Deux silhouettes attendrissantes dans le parc qu'accompagnait le chant des oiseaux.

La femme déplaçait avec difficulté ses cent-quarante kilos. Lui, claudiquait nerveusement avec sa bosse sur le dos.

37 - Une idylle

Elle était jeune, grande, blonde, fine. Belle.

En fait non, elle n'était pas belle. Elle était laide.

Elle n'était pas fine, mais sèche. Pas grande, mais osseuse. Pas blonde, mais artificielle. Ceci dit, elle était jeune, bien qu'elle fût déjà vieille dans sa tête : c'était une authentique vieille fille. Un vrai épouvantail. Personne ne la courtisait. Sauf la pluie, le vent et le chiendent. Elle n'avait vraiment rien pour elle parce qu'en plus d'être laide, elle était pauvre, orpheline, sans avenir. Née sous une bien triste étoile.

Sa vie n'était que déceptions, tristesse, amertume. Cette pauvre femme avait cependant un jardin secret comme tout un chacun. L'on aurait pu s'attendre de sa part à quelque beau rêve consolateur... En fait elle était perverse, vicieuse, scélérate. Elle ne cultivait que vengeance, haine, médisances, maudissant autant son infortune que ses voisins.

Un jour elle fut condamnée par un tribunal pour l'envoi de lettres anonymes calomnieuses. Lors du procès, elle trouva vite le parfait écho de sa perversité en la personne du greffier. C'est pourquoi elle fut enfin aimée, la plus aimée des femmes.

Par le préposé au greffe.

38 - Le vice masqué

Miss Gulch,

J'aime vos airs d'hypocrite, votre col étriqué, votre maintien ridicule, votre voix stridente de vieille fille abstinente. Votre méchanceté est un vrai théâtre. Je ris de vos malheurs. Votre hymen irrémédiablement clos fait la joie des railleurs. Il est le frisson délicieux des enfants qui vous croient sorcière. Il est la rumeur tapageuse des soirs d'hiver...

Votre voile intact Miss Gulch est un hymne à la littérature.

J'aime vos mœurs désuètes, votre missel poussiéreux, votre morale irréprochable. Votre personnage est d'autant plus savoureux que je devine vos désirs inavouables. Je sais ce que dissimulent vos artifices. Je connais la valeur de votre moralité. Je n'imagine que trop les secrets de votre cœur frustré...

Vous êtes une vraie bigote ainsi que je les aime : derrière votre livre de messe vous frémissez d'aise en songeant à ces lurons musculeux entr'aperçus à l'entrée de l'église, hache à la main, l’œil canaille. Vous rosissez parfois devant votre jeune curé que vous trouvez tellement efféminé... Vous n'osez pas toujours regarder le corps de votre cher Christ étendu sur la croix : sa nudité offense votre chapeau si chaste. A moins qu'elle n'en fasse sortir de drôles d'idées...

Vieille chouette décatie, caqueteuse au plumage terne, glaneuse de mauvaises nouvelles, vous ne rêvez en réalité que d'étreintes impies, de corps à corps endiablés, d'ébats charnels éhontés. Vous aimeriez tant goûter à cette ivresse amoureuse que vous honnissez si furieusement, tout haut...

Mais vous êtes laide Miss Gulch, laide et déjà trop vieille. Continuez plutôt à égayer nos conversations au coin du feu, continuez à chanter sous la lune vos cantiques avec cette voix suraiguë qui fait frémir les enfants, fuir les amants.

Et leur fait aimer encore plus les jolies femmes.

39 - Un beau spécimen

Mademoiselle,

Vous avez les grâces douteuses des létales amantes. Votre visage est celui d’une vipère, avec des mèches de feu, du poison dans l’œil et des lèvres de roc. Votre éclat cruel et macabre enchante mon cœur malade. Je suis l’esthète des causes désespérées, vous êtes mon égérie.

J’aime votre regard de sorcière, vos mains de fillette, votre air de menteuse. J’aime vos prunelles de silex, votre vertu de catin, votre voix de flûte. Vous êtes la plus précieuse ivraie de mon harem.

Votre corps de diablesse m’effraie, votre visage de désincarnée me plaît. Votre charme verdâtre fait honneur aux fantômes des cimetières, rend jalouse la Lune, assoiffe les dieux sanguinaires.

Vous êtes belle à regarder, comme un noir scorpion sur le sable. Votre face osseuse, votre allure éthérée, votre joue pâle me font songer à une inhumée. La dentelle vous pare comme un linceul, les soupirs sont vos sourires, et vos sourires ressemblent à un tombeau.

Je vous aime en véritable collectionneur : avec du formol dans le coeur, un précis de grammaire à la main, de la poussière dans le sang. Permettez que, tout de blanc ganté, un lorgnon à l’œil, je vous contemple derrière une vitre, tel un insecte vénéneux que crève une épingle.

40 - La beauté d'une affligée

Vos traits mélancoliques, nébuleuse enfant, évoquent le chant triste de l’automne : ils m’inspirent une profonde, authentique langueur. Vos yeux d’azur ont la grâce des vénus de glace, et votre regard de statue est plus austère que le marbre. Votre beauté est de pierre, et votre charme a l’extrême rudesse du roc. Vous êtes un silex et sur ce silex j’élèverai mes plus doux sentiments.

Votre visage est une poignée de sable. Votre front une grave, âpre, puritaine façade hellène : des lois sévères y sont gravées. Vos lèvres sont une indélébile tache de sang et les mots qui en sortent sont des ronces qui écorchent les cœurs Votre chevelure est un foin ardent qui se consume bien vite : c’est que ses mèches trop sèches et trop strictes n’alimentent pas longtemps les rêves. Cependant dans ce désert aride vos pupilles sont comme deux saphirs. Mais sachez que les véritables perles de ce trésor maudit, ce sont vos larmes.

Elles seules brillent.

C’est votre tristesse qui vous confère beauté, émotion, prestige et vous donne finalement un prix infini. Elle seule compte. Votre souffrance exclusivement agrée aux dieux. Je suis un de ces dieux cruels et esthètes qui vous contemplent d’en haut. Je fais partie de l’Olympe des beaux esprits aimant misère et douleur pourvu qu’elles soient esthétiques, académiques, remarquables. Comme lorsque le pissenlit se pare de l’épine pour donner une grimace belle à regarder, ainsi que les gargouilles et les calvaires. Mademoiselle, vous êtes une vivante pièce de musée, une durable oeuvre d’art animée, le trophée favori de mon âme collectionneuse.

Je vous aime, chandelle de misère.

TEXTES DE RAPHAEL ZACHARIE DE IZARRA

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La province

Je vous présente à travers ces quarante-deux textes une riche brochette de héros provinciaux aux traits psychologiques bien marqués. Issus d'un milieu étriqué, ces personnages pittoresques sont touchants et haïssables, humains et monstrueux, exquis et répugnants.



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1 - Vieille tante

Chez elle ça puait l'honnêteté : vierge en plastique trônant sur le poste de télévision, chien bâtard sagement couché dans son panier, horloge-baromètre aux armes criardes du Mont-Saint-Michel, portrait jauni d'une aïeule au regard sévère et stupide...

Inculte, superstitieuse, aimable avec tous par opportunisme, croyante par habitude, cette vieille tante attardée méritait, à soixante-dix-neuf ans, une bonne raclée littéraire, un concert de trompettes dans l'espèce de caveau lui tenant lieu d'habitation, un grand coup de masse dans sa routine.

Bref, un réveil en fanfare à l'orée de sa mort.

Pour commencer je crachai au visage de la défunte encadrée. Grand émoi chez la casanière. Pour faire hurler de plus belle la vieille pantouflarde, je me mis à lui parler avec la désinvolture des gens qui se savent supérieurs :

- "Infâme décrépite, que croyez-vous que vous valez à mes yeux avec une si minuscule existence ? Qu'attendiez-vous donc d'un bel esprit comme moi avec vos allures d'éternelle retraitée ? Que je me range à votre cause inepte ? Esprit rabougri ! Gibier d'hospice ! Âme insignifiante !"

Scandale dans la chaumière. Je m'emparai de la Vierge en plastique :

- "Vieille chouette, à voir cette horreur couverte de poussière ça fait bien vingt ans que vous avez été vous agenouiller à Lourdes en ânonnant des prières pour l'âme de l'autre hulotte décatie accrochée au mur, n'est-ce pas ? Et qu'avez-vous fait pour sa mémoire ? Vous avez acheté à grand frais cet ignoble moulage d'usine. Vous n'avez pas honte ? Femme sans goût, avez-vous au moins ouvert un seul livre dans votre vie de limace, à part les almanachs locaux ?"

Je jetai contre le portrait de l'ancêtre l'objet du délit. Fracas du verre sale recouvrant le cadre (qui en bougeant laissa échapper quelques araignées tapies derrière depuis des lustres), effroi de la propriétaire, rire sardonique de l'auteur de ces lignes...

- "Maintenant que vous savez ce que je pense de vous, vous pouvez rendre l'âme ma tante, si vous en avez encore une. Votre grand âge ne vous mettant pas à l'abri d'hériter d'un si petit esprit, il serait inconcevable que vous ne me rendiez pas grâces pour ce grand dépoussiérage intérieur que je viens de vous accorder."

Je quittai l'ingrate qui ne daigna pas m'adresser le moindre remerciement. Elle mourut trois jours après.

D'inanité.

2 - Dimanche de mort

Dans la demeure qui ronronne, le couple de retraités est à ses molles occupations. La femme coud en silence, l'autre épluche des comptes domestiques. Les heures dominicales passent, mortelles. L'hôtesse a une tête de pot-au-feu. D'ailleurs tout sent le pot-au-feu dans cette maison : les murs, les photos de mariage sur la télévision, la nappe à carreaux, les rideaux, la vie qui s'y déroule... De la naissance à la mort, ça transpire le pot-au-feu chez eux. De générations en générations, ça s'enlise sous ce toit...

Lui, a une tête de rien du tout. Ou plutôt une tête de boeuf, avec un air de légume.

La pluie ruisselle sur les petits carreaux. On entend le tic-tac morne d'une horloge-Mont-Saint-Michel du plus horrible effet. Souvenir inestimable de leur voyage de noces dans le département voisin. Un exil de deux jours qui les marquera pour le restant de leur existence. C'était il y a trente ans.

- Tu te souviens de notre voyage de noces au Mont-Saint-Michel, tu te rends compte dis, hein Germaine ? Ha ! On n'avait pas peur à c't'âge-là qu'on avait, hein ? On était fou ! C'est pas avec mon arthrite que je remettrais-ça ! Pis ça coûte... C'est quand même pas quand on est à la retraite qu'on va refaire des voyages comme ça. As-tu remis du charbon dans la cuisinière ? Quand même, le Mont-Saint-Michel, c'était quelque chose !

- Vi bé c'est pas moi non pus qui r'f'rais un voyage pareil... Mmm ? Moui alors... Le temps y passe pas vite aujourd'hui, hein ? Y fait-y un sale temps dehors, tu t'rends compte un peu ? Ha ben ça alors... Hein tu trouves pas, dis Bernard ?

- Ah ben ça oui t'as raison Germaine... Y fait un sale temps dehors... Hééé oui... Demain c'est lundi, tiens.

Échanges affligeants d'un couple vivant depuis toujours sur le mode de la décrépitude amoureuse. Vers la fin de l'après-midi l'homme lève le nez de ses petits comptes, rajuste ses lunettes et de sa voix ridicule dit à sa femme :

- Ha ben ça va être l'heure de manger dis, tu crois pas ? Demain on est lundi, ça fera déjà une journée de passée pour aujourd'hui. Hééé oui... C'est toujours ça de gagné.

- Âme indigente qui considère la mort comme une stricte formalité administrative dont il faut s'affranchir le plus scrupuleusement possible... Et l'autre de réponde, aussi insignifiante que son boeuf de mari :

- Héé oui, demain on est lundi. Ca pââsse...

Le couple vécut centenaire. Soixante-quinze ans à se raconter le temps qu'il fait ou qu'il ne fait pas, à parler de l'heure qui passe, à se ressasser leur voyage de noces au Mont-Saint-Michel qui d'année en année prit des allures de légende dans leur crâne de plus en plus rétréci : une expédition éprouvante, l'odyssée de leur jeunesse.

On les inhuma sous une pluie morne qui rappelait le tic-tac de leur horloge-souvenir. Les funérailles furent ennuyeuses à mourir : ils avaient choisi pour leurs obsèques l'option la plus économique, le temps le plus maussade, le jour le plus mortel.

Un dimanche.

3 - Un dimanche en province

C'était un vieux garçon issu d'une petite ville perdue au fin fond de la Sarthe. Un authentique rescapé du monde moderne. Chez lui ça puait le chien, les placards pleins de poussière et les vieux habits. Odeurs de vieillot et de renfermé. Une ambiance mortelle émanait de sa maison.

Dans la salle de séjour, en réalité lieu de débarras éternellement sombre, encombré de boîtes en cartons, de reliques ineptes, de bibelots imbéciles, l'ennui régnait du matin au soir. Partout, des portraits jaunis du pape à tous les âges de son règne et diverses têtes de pontifes saint-sulpiciens... Quelques photos de la mère aussi -sévère- (une dévote trépassée depuis plus de vingt ans), et surtout des calendriers antédiluviens accumulés au fil des décennies. Sur les murs, un papier peint à mourir.

Sur la télévision, dernier outrage au goût, témoignage de l'imbécillité la plus crasse, vestige d'une existence toute vouée aux petitesses, une superbe vierge en plastique.

Toute blanche, barrée de bleu, couverte d'une fine couche noirâtre, elle trônait : toute l'âme de la maison était là. Gâtée par le temps, pieusement immobile depuis vingt, trente ans, l'horreur bicolore avait étrenné plusieurs modèles de récepteurs de télévision. Et lui de l'admirer benoîtement... Vieille cervelle apathique !

Je me retrouvais avec joie entre les quatre murs ternes de ce demi taudis en compagnie de son hôte, aussi terne que sa bicoque. J'aimais observer ce cas pathétique, ayant toujours raffolé "d'exotisme de proximité".

- Vous prendrez bien un petit café, hein ? Vous prendrez bien un petit café... Oui... Ha ben oui... C'est bon un café, surtout de ce temps là... Hein ? Ha ben oui alors...

(Puis, s'adressant à son chien : )

- Ben oui Sultan, je sais ben que tu veux un su-sucre... Ben oui Sultan ! Gentil hein... Il est-y pas beau mon chien-chien, hein ?

Il fallait le voir flatter son chien comme un vieux sénile qu'il était ! Et moi, mondain né loin de son monde, je le plaignais sans rien montrer, feignant l'attendrissement devant la complicité qui unissait les deux vieux compagnons... Se rendait-il compte qu'il se donnait en spectacle, pitoyable avec ses petites joies du dimanche ? Le chien, un bâtard insignifiant et hargneux, me semblait aussi abruti que le maître.

Deux créatures indigentes, l'une à quatre pattes, l'autre à mobylette. Misère de la condition provinciale...

A chaque fois que je prenais congé du vieux couple, satisfait mais précautionneux, j'avais soin de me laver les mains, aussi dégoûté par le chien que par le bigot.

4 - Le pot-au-feu

C'est jour de pot-au-feu chez les Mouvier. Les dimanches chez eux sont pesants, interminables, mortels. L'abbé Borel est invité. Il y a son petit vin blanc tout prêt qui l'attend près de son assiette, avec l'étiquette délavée. Bouteille bon marché... Chez les Mouvier, on affectionne la médiocrité. Signe ultime d'honnêteté, de sobriété, d'immobilisme.

Le vieux couple est austère, pâle, et il sent fort la cire. En fait les deux têtes de navet dégagent une vraie odeur de cercueil. A les voir, on devine que leur existence ne fut qu'une longue stagnation au bord du fleuve. Eux, sont toujours demeurés loin de toute agitation. Leur plus grande fierté d'éternels retraités ! Déjà morts avant d'avoir vu le soleil, connu l'Amour, goûté à la Vie...

En attendant l'abbé, le pot-au-feu mijote sur la cuisinière. Les portes et fenêtres sont bien fermées, le feu est vaillamment entretenu, l'horloge bien réglée. On craint le vent, le froid, l'imprévu dans cette maison. L'horloge justement, elle rassure les hôtes au possible. Satané cadran... Le seul occupant encore vivant dans cette demeure. Avec ses tic-tac mornes évoquant un monde suranné, mort, enseveli, il est bien plus palpitant que ses propriétaires au coeur arrêté.

L'abbé frappe mollement, entre sans cérémonie, salue avec tiédeur, amenant avec lui un parfum de formol qui se marie à merveille aux vapeurs de boeuf et de carottes, ce qui ajoute au tableau une atmosphère de morosité profonde, très appréciée des deux sédentaires.

La conversation est particulièrement pauvre. D'un ennui que tous trois, confusément, recherchent. L'ennui, cette poutre essentielle qui maintient le toit au-dessus de leur tête, l'indispensable base où prennent racines leurs aspirations tranquilles... Tout tourne autour du pot-au-feu, des oignons, de la cloche de l'église, des dimanches à venir qui, l'espèrent-ils, ressembleront à celui-ci... Le tout arrosé d'une bonne dose de propos météorologiques. Attablés autour du pot-au-feu comme pour faire le point sur leurs jours sans saveur, les mangeurs se sentent en sécurité dans leurs échanges insipides mêlés de bruits de mastications. Avec les sifflements de la bouilloire pour pluie de fond et le carillon pour meubler l'indigence des paroles.

Le cérémonial du pot-au-feu-carottes occupera leur après-midi jusqu'à l'heure du thé.

Un dimanche d'enterrés particulièrement réussi.

5 - Les ravages de la ferme

La grand-mère regarde tristement par la fenêtre crasseuse, la tête vide. Elle reste là, muette, placide, stupide. Dehors, tombe une pluie maussade. Le grand-père impotent étendu dans son fauteuil a les yeux fixés sur un plafond infiniment terne. Il attend.

La pièce est sombre, l'ambiance mortelle. La mère est en train de nettoyer des seaux de zinc qui recueilleront le lait des vaches que sa fille Marie-Sophie ira traire à la main, tantôt. Dans cette salle qui fait aussi cuisine on n'entend que le bruit du chiffon qui astique les seaux. Le père est assis sur le banc. Il songe avec anxiété à ses cultures qui prennent l'eau : depuis trois jours il pleut sans discontinuer. Ca sent le pot-au-feu dans la pièce. L'abbé doit venir manger chez cette famille de paysans honnêtes, travailleurs, arriérés.

Il est sinistre l'abbé avec sa sempiternelle soutane, ses prières mornes, son air de déjà mort. Ses conversations surtout sont déprimantes : toujours à parler des enfers, des hérétiques, des cultures du père ou des vertus de la continence. Jamais un rire n'est sorti de sa bouche qui semble ne savoir que maudire. Il sent la poussière, la superstition et le vieux missel.

Marie-Sophie regarde elle aussi par la fenêtre, l'air songeur. C'est une jeune fille qui aurait pu être jolie si les années passées à la ferme n'avaient corrompu ses traits, si les longues soirées passées en famille dans la pénombre à parler de tout et de rien et se terminant dans le silence à attendre que le temps passe n'avaient ôté de son regard d'adolescente la joie de vivre. Les visites répétées de l'abbé ont d'ailleurs fini par atténuer considérablement en elle la dernière étincelle de ce feu infus.

Avec son fichu sur la tête, son tablier autour de la taille, sa louche à la main, Marie-Sophie à l'air d'une petite vieille dans cette ferme de mangeurs de pots-au-feu et de moribonds. Elle regarde la pluie tomber dans les bruits de nettoyage de seaux à lait. Elle a le coeur gros. Dans cette ferme isolée, elle n'a pas vingt ans qu'elle est déjà morte. Depuis toujours elle vit avec ses parents, de vrais tombeaux ambulants. Et avec ses grands parents. Des éternels enterrés, eux. Nulle joie sous ce toit toujours gris.

Inculture, obscurantisme, bigoteries sont les seuls horizons promis à Marie-Sophie. Chez ces parents ignares, insensibles, sclérosés, jamais l'idée que leur fille puisse un jour vivre ailleurs, faire autre chose que traire les vaches, manier la fourche ou s'échiner à ramasser des patates dans les champs n'a effleuré leur cervelle durcie. Ou ramollie.

Maintenant le grand-père ronfle dans son fauteuil sale : à force de fixer le plafond, il est allé le rejoindre au pays des songes, son plafond. La grand-mère radote des "Quel temps de chien y fait, c'est-y pas malheuleux de voil ça !" en roulant des "R" à faire sombrer dans un abîme de grisaille une armée de lurons. Le père pense toujours à ses chères cultures, absent. La mère est absorbée dans sa tâche de quincaillière, en train de frotter ses vieux seaux en zinc.

Soudain, on frappe à la porte.

L'étable humaine sort de sa torpeur. Une silhouette apparaît, austère. C'est l'invité, tout de tristesse vêtu, son missel à la main. Il hume avec un air taciturne le pot-au-feu qui mijote sur la cuisinière. Marie-Sophie ne quitte pas du regard la fenêtre. Elle ne vient pas comme à son habitude saluer l'abbé, lui désigner le banc respectueusement. Elle reste là à méditer devant la fenêtre, le regard perdu.

Elle rêve d'amour.

6 -L'abreuvoir

C'était un gars comme elle les aimait. Un peu marin, un peu canaille, avec une odeur de foin dans les cheveux. Vivant à la bohème, il se louait de ferme en ferme, de temps en temps. Il n'avait pas son pareil pour convaincre les plus rétives : toutes succombaient à son charme. Il séduisait les filles de ses patrons, lorsqu'elles étaient à son goût, laissant derrière lui soupirs et langueurs. Et un parfum de mystère aussi.

Gertrude, la fille du fermier, avait des vues sur le nouveau commis. Le soir-même elle lui offrit son hymen. Il ne le refusa point. Il demanda cependant un dédommagement : la dévergondée était laide. Elle lui accorda six sous. Il les refusa en lui crachant au visage. Il voulait l'abreuvoir à vaches du père. Celui qui trônait au milieu de la cour de ferme, splendide, avec des cales larges et des rebords élégants. Gertrude prit peur, pleura, supplia l'infâme de ne pas exiger d'elle pareil sacrifice... Rien n'y fit, l'amant réclamait son abreuvoir en échange de ses services malhonnêtes. Elle dut céder. L'autre s'éclipsa dans la nuit, tirant péniblement derrière lui son butin indu.

Le lendemain Gertrude dut expliquer au père les circonstances de la disparition de l'abreuvoir. Le scandale fut énorme. On la maria promptement au garde-champêtre qui racheta un abreuvoir neuf au fermier. Trente ans après le garde-champêtre mit la main sur le dissolu qui n'avait en fait jamais quitté le canton. Les faits étant prescrits par la loi depuis vingt ans, il fut aussitôt relâché. Il mourut quatre ans plus tard dans les tranchées de Verdun, en 1917. Aujourd'hui on peut lire son nom sur le Monument aux Morts du village voisin où s'est passée cette triste histoire : Alphonse Foisselle.

7 - Vieille chouette !

Tu en auras allumé des feux dans ta cheminée les soirs d'hiver, vieille sorcière va ! Sale fagoteuse, quand tu seras crevée, fais-moi confiance tu auras l'occasion d'en allumer d'autres, des feux. Pis des bien chauds encore.

En enfer.

Avec tes satanés fagots, va donc au Diable ! Pus personne ne peut pus te voir dans la campagne.

Quand le père Lagloire aura fini de faucher son blé, bé tiens, je suis sûr qu'il viendra te couper ta tête d'oiseau de malheur ! J'le connais le gaillard, y t'aime pas pus que moi... Pis avec tes habits d'épouvantail tu fais peur à la Lune. Même les chiens dans la nuit, y font des cauchemars quand tu passes. Va donc aller traîner ailleurs tes sales fagots !

T'as pas encore crevé, dis la vieille ? Mais que ce qu'il attend le Diable pour te foutre sa fourche au travers de la gorge ? T'as bien cent ans comme t'es là, hein la vieille ?

Faudra bien que t'y passes un jour ou l'autre, alors pourquoi pas demain, hein ? Et crois-moi je serai bien content quand ça arrivera. T'entends la vieille ? Tu vas-t-y crever, nom de Dieu ?

8 - Les fagots

La vieille ployait sous le poids des fagots. Mais elle était robuste, dure à la tâche, âpre au gain. Sous la Lune je distinguais sa silhouette brisée, d'apparence si frêle. Avec son bois sec sur le dos, ses doigts crochus, son corps osseux, elle me faisait songer à un arbre mort.

Une vieille chouette en réalité.

Je lui adressai le bonsoir en la croisant à l'orée de la forêt. Promptement elle m'envoya au Diable en me menaçant avec son bâton, l'oeil méchant, un silex dans la voix : la vieille avait un caractère de chat sauvage. Depuis le temps que je la connaissais, j'avais toujours été séduit par cette sorcière qui vivait à l'écart du village. Solitaire et rebelle, intrépide et coriace, cette vagabonde de la nuit était un mystère.

Je la regardais souvent ramasser du bois, humble trésor de son foyer, et m'attardais ainsi jusque tard dans la nuit sur ce fantôme anguleux, sur cette ombre aux allures de fable. Tantôt je la comparais à un épouvantail en route vers les paysages morts et silencieux de la Lune, tantôt je me la figurais hôte des clochers, chevaucheuse des vents ou spectre des cimetières. Je voyais en cette glaneuse de bois un être fabuleux.

Elle rentrait tard dans sa chaumière sans confort, rapportant ses pauvres fagots. Peu après sa fenêtre s'éclairait au coeur de la nuit.

Avec sa maigre fortune sur le dos, son feu de misère, ses haillons d'un autre âge, la vieille me faisait rêver sous les étoiles.

9 - Vieille rosse

C'était une espèce de sorcière sans âge. Bossue, laide, vêtue de haillons. Une voix rauque, des traits anguleux, une canne terrible à la main. Jamais un sourire, toujours de la haine pour ses semblables. D'ailleurs ses sourires devaient la faire ressembler à une tête de mort ricanante, tant elle était hideuse, difforme, gâtée par les ans.

Je l'avais toujours connue vieille. A ma naissance elle avait déjà soixante-dix ans. Lorsque j'atteignis mes dix ans, j'osai contre l'octogénaire m'essayer à ma première bastonnade : sorte de rite initiatique qui me valut une grande considération de la part de mes pairs en culottes courtes avec qui j'avais engagé quelque innocent pari. Ce jour-là j'héritai d'un lot de quatre-vingts billes, la plupart d'agate, d'autres opalines, et même dorées pour certaines.

Au jour de mes vingt ans je gagnai l'admiration d'un harem de sottes jouvencelles en assénant quatre-vingt-dix coups de balai sur les os de la sorcière. Avant d'atteindre mes trente ans je lui avais déjà brisé plusieurs bagatelles sur le dos, dans l'hilarité un peu brouillonne de mes vertes années. Pour ses cent ans je la rossai plus doctement à l'endroit de sa bosse : cent coups de bois vert sur l'échine pour mieux lui faire sentir l'effet d'un siècle en elle écoulé. C'était une vieille souche qui devenait de plus en plus résistante avec les années.

L'âge de la maturité me conférait sagesse, métier, respect : en frappant avec fermeté mais sans haine je m'achetais une éternelle renommée auprès des ennemis de la vieille.

Alors que j'avais dépassé la trentaine, la vieille était toujours vivante, plus fielleuse que jamais. En la croisant je lui crachais habituellement au visage, lorsque je ne lui faisais pas de croche-pied. Elle me répondait le plus souvent en me menaçant avec sa canne ou en me jetant des sorts d'un autre âge... Arrivé vers la quarantaine, je ne savais plus quoi inventer pour tourmenter la gueuse, alors qu'elle était déjà plus que centenaire.

Aussi, décidé d'en finir une bonne fois pour toutes avec ce jeu qui s'éternisait depuis presque quarante ans, je me promis de faire la paix avec elle.

Au jour de sa mort.

10 - Avarice sordide

Le vieillard craignait que l'on brûlât 98 chandelles pour fêter sa quatre-vingt-dix-huitième année. Avaricieux à s'en rendre malade, même la dépense des autres faite à son attention lui tournait les sangs.

Toute sa vie il avait économisé. Sur tout. Célibataire par économie, préférant attraper la crève pour épargner un fagot, affamé un jour sur deux pour gagner une livre de pain, il se consolait dans la solitude de son foyer glacial mais paisible, se chauffait avec des flambées imaginaires, se nourrissait de repas sautés. En revanche il buvait de l'eau jusqu'à satiété. Tous les jours de l'année.

Un jour il mit sa vie en péril pour ne point dépenser deux francs : à Rouen il préféra traverser la Seine à la nage plutôt que de se payer le bac. A deux doigts de la noyade, il réussit cependant à joindre l'autre rive sans payer. Il avait plus de cinquante ans et à l'époque le prix de la traversée en bateau lui avait paru exorbitant. La rage de l'économie l'avait poussé à l'exploit.

Plus jeune, il décida de visiter Paris. Il gravit les trois étages de la Tour Eiffel à pied. Il fit la charité à un mendiant en lui désignant une fontaine. Du Louvre, il admira sans rien débourser les murs extérieurs avec leurs sculptures haut-perchées. Au Jardin des Plantes il opta pour l'observation des pigeons du parc, n'osant franchir la frontière qui sépare la partie du parc public accordée aux simples promeneurs de la partie payante réservée aux visiteurs munis de tickets. Il mangea sans manière, repus des mets divers et inégaux extirpés des poubelles de la capitale. Vu que ça ne lui coûtait rien il écouta de bon coeur les chanteurs de rues. Il leur donna des airs d'encouragements en compensation et estima que c'était déjà bien trop pour des paresseux pareils ! Le soir il sortit aux Champs Elysées en compagnie de sa sinistre mais sobre solitude. Il ne trouva que des gens richement vêtus et en fut ébloui. Lorsque trop las il entreprit de s'asseoir gratuitement sur les marches de quelque établissement huppé pour observer tous ces nantis qui passaient, on le prit pour un indigent.

Il ne refusa point les pièces qu'on lui jeta.

De retour dans son taudis de campagne il enferma dans une boîte en fer ses pièces indûment récoltées avant de la cacher sous le plancher, et à l'heure actuelle il les possède toujours, étincelantes dans leur boîte rouillée. La passion de l'économie l'ayant empêché toute sa vie d'aller dépenser cet argent si joliment gagné dans la prestigieuse avenue, ses pièces étaient devenues évidemment caduques depuis 1960, date de l'arrivée des nouveaux francs !

Pour être honnête précisons que vers soixante ans, écrasé par la solitude, il pensa tout de même à se marier... Dans sa folie d'avare il s'était épris d'une vagabonde ménopausée, vaguement chiffonnière, femme douteuse vêtue de sacs de la tête aux pieds. Les conditions étaient telles que la belle refusa. Il excluait en effet de nourrir chaque jour de la semaine l'épousée. Seulement les dimanches et les jours de fête, soit un jour par semaine plus les jours fériés. Et encore avait-il établi un barème inique et complexe qui lui donnait le droit de compter comme un seul jour férié certains jours chômés qui se suivaient, estimant que ces jours fériés qui se doublaient s'annulaient pour n'en faire finalement qu'un... Trois jours fériés qui se suivaient revenaient selon lui à un jour ouvrable, donc pas de nourriture à devoir à l'aimée... Il exigeait en outre que sa femme lui fût fidèle dans des besognes viles et harassantes, qu'elle ne gaspillât aucun bois, même par grand froid... Et il en était ainsi pour tous les aspects de la vie quotidienne : il tirait à l'extrême la corde humaine, ne se souciant que des économies faites sur le dos d'autrui. Si bien qu'en épousant l'affreux bonhomme la malheureuse chiffonnière eût été bien vite morte de faim, de froid, de fatigue.

Le jour de ses quatre-vingt-dix-huit ans il eut le soulagement de constater que le gâteau qu'on lui avait préparé ne comportait que neuf bougies symboliques.

11 - Le quincaillier

Vêtu de sa longue blouse de travail couleur grisaille, il s'affairait au milieu de ses marchandises avec l'air pénétré de ceux qui sont investis de hautes missions. Une vie passée à exaucer des souhait ménagers, à débattre avec les fournisseurs et les clients de sujets pointus relatifs à des produits détergents, à des chignoles, à des mécanismes subtils de balais-brosses... Parfois il entrait dans des discussions savantes et inspirées avec ses clients pour savoir quel évier, quels jeux de vis ou genres de casseroles correspondaient le mieux à leur recherche. La satisfaction de ses clients lui donnait le sentiment d'être utile. Voire indispensable.

Il avait trop conscience de passer pour un notable dans la petite ville. Aussi remplissait-il sa mission avec une authentique ferveur.

Dans sa boutique, une odeur de sainteté. Rien que des exhalaisons âcres de chasteté provinciale. Un siècle et demi de trésors domestiques entreposés en ces lieux avait rendu l'atmosphère irrespirable : tout dans la quincaillerie puait la province étriquée ! Les murs restituaient avec insistance des parfums ensevelis depuis une éternité et passés de mode. Odeurs obsolètes à jamais perdues, oubliées par le reste du monde et qui donnent cette nausée délectable que l'on appelle peut-être la mélancolie...

Vétustes et cossus, les rayons croulant sous les marchandises inspiraient un ennui mortel. L'ambiance désuète et austère de la boutique s'accordait à merveille avec la tête du quincaillier qui se prenait très au sérieux dans son métier.

La quincaillerie était une vieille affaire fondée par d'illustres aïeux qui, en plein XIXème siècle, s'étaient fait un nom dans la ville. Pères d'une future dynastie de quincailliers vouée à la légende familiale, leurs portraits jaunis trônaient au-dessus de la caisse, lieu symbolique de toutes les réussites provinciales.

Endroit vénérable de la quincaillerie, zone rouge de l'antre séculaire, sujet tabou, depuis plus de cent cinquante ans la caisse inspirait un respect inné de père en fils...

Cette maison honnête fréquentée par de vieilles rombières en panne de robinetterie ou de dames "bien comme il faut" en manque de produits détartrants lui conférait une honorabilité qui avait fait son renom depuis plus de cent cinquante ans. Ici on ne vendait que des choses utiles, pragmatiques, fonctionnelles. Point de fanfreluches ni de bagatelles, rien que des accessoires indispensables au bon entretien de la plomberie des honnêtes gens, essentiels à la bonne marche du quotidien des bons citoyens, nécessaires au soutien du moral des troupes immergées dans le réel...

Pauvre type ne rêvant pas plus loin que ses articles de zinc et d'étain et qui pour rien au monde n'aurait voulu changer sa place de gardien des biens ménagers, le fier quincaillier faisait pitié à voir dans sa destinée aussi étroite, aussi minable que sa longue blouse de travail couleur grisaille.

12 - Un bon rustre

J'ai un chapeau sur la tête, une pipe dans la poche, de la chique dans la bouche et de l'or dans un coffre. Mais je vous dirai pas où. Croyez-moi, ma canne est plus dure que vos caboches d'assistés, tous autant que vous êtes ! Je ne crains ni les cornus, ni les statues, ni les moustachus. D'ailleurs je suis moi-même barbu avec de la moustache. C'est pas demain que l'on me verra mettre de la cire d'abeille sur ma selle de vélo comme font les jeunots qui tiennent pas dessus ! Je roule à la sueur, vis à l'ancienne, dors au rouge. L'eau est réservée pour arroser pendant l'été. Je vais à l'ombre au fond des bois quand le soleil tape trop fort. Pas besoin de bouton électrique : dans la nature je suis chez moi.

Je fais mon jardin, mon pain, mon beurre. Jamais malade. Je n'aime pas rentrer dans les villes, c'est antihygiénique. Et puis les citadins n'aiment guère mes senteurs. Je sens la terre, les bois, le jardin de la campagne. Un peu la sueur aussi. Je travaille sans me presser, c'est meilleur pour le moral. Les patates ont le temps, pourquoi j'irai faire la course aux plantations ? Il n'y a que du naturel dans la terre que je retourne. Il faut respecter le sillon. A la ville on mange sous des plastiques. Moi je me nourris sans emballage.

Les enfants aujourd'hui sont tous des bons à rien. Ils sont habillés avec du chimique sur le dos, engraissés au sucre blanc, gonflés au blé industriel. De mon temps ils allaient au vent avec des bures contre le froid. Ils faisaient pas les difficiles pour la soupe. Ils étaient pas chétifs avec des casques pour aller à vélo.

J'ai pas la télévision, mais plein d'étoiles à regarder, une cheminée pour rêver dans les flammes, un chat qu'il faut caresser tous les soirs.

On me prend pour un attardé à la ville. Demain matin ils partiront tous dans leurs usines manger des sucres blancs dans des plastiques pour revenir le soir voir ce qu'il y a dans leur poste de télévision. Demain matin j'aurai quatre-vingt-treize ans. Toujours vaillant. Jamais vu le docteur.

J'irai faire mes fagots.

13 - 14 juillet

La troupe des patriotes est réunie, tout de tricolore parée. Il y a le vétéran, la poitrine couverte d'honneurs, ventru, rougeaud, déjà transpirant de pastis. Avec son air d'éternel abruti, il est raide comme une stèle devant le drapeau qui flotte sur le Monument aux morts. Il y a la belle Gisèle, la putain de Monsieur le curé. Prête à pousser l'hymne patriotique pour se faire remarquer des villageois... Belle est un grand mot : la cinquantaine décatie, édentée, claudicante, apprêtée comme une jument de trait, elle fit rêver plus d'un béret. Parce qu'elle est blonde, on dit qu'elle est belle dans le coin. Critères locaux...

Il y a Monsieur le curé, évidemment. Noire soutane et missel sous le bras, l'air de rien : fadasse, lisse, insignifiant. Un fétu de paille, un poltron, voire un ancien collabo disent certains... Passons plutôt à son voisin, le père Hector, le maire du village. Une cuve à bière que même une barrique n'effraie pas ! La réputation pas usurpée d'être un sacré foutu couillu de chaud lapin aussi... Élu dès le premier tour avec 45 voix sur 60. La grande affaire de sa vie. L'homme respecté du village. Autour de ces quatre piliers, les notables : commis agricoles, bedeau, épicier et son épicière, la secrétaire du maire, quelques moustachus grasseyants.

Autour du Monument aux morts l'hymne national retentit. Les tambours municipaux résonnent, terribles. Quelques rosières endimanchées tressaillent, trop émotives. D'autres, plus canailles, se pâment. De sa voix chevrotante la Gisèle entonne le chant, rapidement désynchronisée avec l'orchestre. Une larme coule sur la joue du vétéran. Simple sueur d'ivrogne... L'hymne achevé, un grand silence pèse sur la place, vite relayé par un concert d'aboiements. Les chiens du village excités par les tambours apportent une note vachère à la cérémonie.

Le discours du maire est très applaudi, bien que truffé de fautes grammaticales. "Drapeaux" fut héroïquement accordé avec "martial", non sans trémolos patriotiques dans la voix du maire.

La journée des célébrations du 14 juillet terminée, tard dans la nuit chacun s'en retourne chez soi ou ailleurs cuver son dû républicain. La putain du curé, au presbytère. Le vétéran, dans le fossé, ivre-mort. Les autres, dans leurs étables, les bistrots alentours ou plus sobrement, nulle part.

Le maire, dans son lit.

14 - La Gisèle

Gisèle, dite "la belle Gisèle", la quinquagénaire décatie qui sert de "dame de salon" à Monsieur le curé, avec toute la réalité crapuleuse que sous-entendent ces termes édulcorés, Gisèle disions-nous, se dirige vers l'église, la tête droite, l'oeil canaille, l'épaule de travers, la jambe lourde, l'air pas fin du tout.

Aujourd'hui c'est fête, le grand jour : dimanche de Pâques ! Une des meilleures recettes pour le clocher... Gisèle le sait, c'est elle qui tient la quête. Dans le village personne n'est dupe de ses coups tordus : avec le détournement d'une partie de l'argent pie, elle s'achète au grand jour écharpes aux coloris vifs et souliers vernis.

Il y a même du fil doré sur les bagatelles qu'elle porte.

Ha ! Elle fait bien le bonheur du camelot, allez ! Il faut la voir parader au marché du jeudi sur la place du village... Fière, froide, hautaine avec son sac à main acheté à Pentecôte, juste après la quête. C'est qu'elle ne perd jamais de temps la Gisèle... Elle en fait jaser plus d'une, c'est sûr !

Et avec ça elle fait tourner la tête à plus d'un commis. C'est qu'elle commence à avoir des airs de "belle de la ville" la Gisèle, avec ses toilettes de luxe... Pensez donc, du fil doré sur ses écharpes ! On n'a guère l'habitude de voir déambuler d'aussi jolies chouettes au village. Il paraît que le bedeau, le brave Émile, depuis que la Gisèle s'habille comme une princesse, il sonne les cloches de travers. L'amour l'a rendu encore plus benêt qu'il n'était.

Il faut dire que le camelot qui fournit la Gisèle s'est fait une jolie réputation depuis qu'il a vendu un chapeau à plume à la femme de l'ancien maire. On aurait dit une authentique bourgeoise de sous-préfecture ! C'était il y a quinze ans. L'événement avait ému le village à l'époque... Le curé en avait même parlé dans son sermon du dimanche. On avait frisé le scandale.

Bref, la renommée du colporteur ayant dépassé les limites de la paroisse, sa clientèle est devenue choisie. Citadine, prétendent les mauvaises langues... Il est vrai que seuls les notables osent franchir le pas : la femme du patron vacher du hameau voisin, les filles de l'épicier, et même le premier adjoint au maire en personne.

Mais revenons à Gisèle sur le chemin de l'église. Depuis qu'elle tient la quête, c'est une autre femme. Avec ses allures de mondaine, elle impressionne même Fernand le Président de l'Amicale des Chasseurs de la Commune, qui n'est pas homme à se laisser émouvoir facilement.

Bref, à force de rouerie combinée à l'assiduité aux messes, la Gisèle est devenue une personnalité incontournable dans le village. Toujours vêtue d'effets de chez le camelot, elle en impose la Gisèle !

Mal enrichie mais respectée. L'habit faisant finalement le moine, quoi qu'on dise...

15 - Un coeur increvable

La vieille femme dont je vais relater l'histoire était à la fois si bonne et si méchante qu'elle préférait donner son repas à un chien galeux plutôt qu'à un enfant affamé. Physiquement elle était d'une extrême laideur. Intérieurement aussi.

Et pourtant... Tant de beauté potentielle sous ce visage hideux ! Une flamme brûlait en son âme, l'éclairant et la noircissant en même temps. Suie et lumière se répandaient en elle, issues d'un même foyer.

Ses yeux étaient d'azur et de purin. Dans son coeur, roses et orties formaient bouquet. Collé sous sa semelle, de l'excrément parsemé d'étoiles. Entre ses mains, miracle infernal, l'eau claire se mêlait de sang.

Ses mots étaient de cristal, ses intentions de velours, ses actes de marbre : elle se sacrifiait sans compter pour sauver chiens errants et corneilles fatiguées devant des petits mendiants déconcertés et envieux. Elle regardait avec apitoiement les petits humains miséreux en lâchant de la viande grasse et du pain frais à ses chiots. Ou alors, avec un geste ample, ostensible, théâtral sensé traduire l'authentique générosité, elle tendait une main vide à ses semblables vêtus de haillons en regardant avec pitié une portée de canidés... Les enfants repartaient les mains vides, les yeux pleins d'une merveilleuse illusion de pain, tandis que les chiots restaient chez la vieille, le ventre rempli de son pot-au-feu du midi, bouillon et carottes compris.

Un jour les gens du village enterrèrent avec soulagement et médisances une centenaire : la défunte était si laide, si méchante avec les enfants, si odieusement aimable envers les cochons, les chiens et les corneilles que tous ce jour-là furent heureux le jour de ses obsèques... Cependant ils n'étaient pas parfaitement heureux de voir le visage honni étendu près de la tombe. La centenaire haïe gisait bien là, pâle, sans plus d'âme, inoffensive, définitivement partie dans l'autre monde. Pourquoi tant d'aigreur subsistait malgré tout chez les villageois ? La morte enfin avait bien les traits de notre héroïne. Alors pourquoi ?

C'était sa soeur.

Elle, était toujours vivante et menait le cortège, plus vaillante que jamais.

16 - Les fruits de la discorde

Elle était d'une parfaite probité. Au moins dans les apparences. Belle comme un poirier endimanché, pieuse comme une âme damnée, sotte comme une employée de mairie qu'elle était, aimable comme un pot de miel, on pouvait dire en la voyant que c'était un vrai trésor de la province, une grosse pierre bien ancrée dans la France profonde. Ajoutons qu'elle ne ratait jamais une messe en bonne célibataire qui se respecte.

Cependant la montagne de savon au lait avait un versant moins lisse. La nuit Madame la servante du Bon Dieu devenait grande prêtresse de la débauche. Elle pouvait déniaiser de force le fils du maire puis aller aussitôt porter plainte au Commissariat de la ville voisine pour outrages aux bonnes moeurs de la part du Maire lui-même. Affabulatrice, dépravée, calomnieuse et insatiable, cette vieille catin était tout cela à la fois. On l'aimait bien néanmoins dans le village. Connue pour ses vices cachés autant que pour son sourire dégoulinant de confiture, on la traitait à la fois comme la sainte protectrice des fraises en bocaux et comme une putain de seconde classe.

Même Monsieur le curé lui rendait visite dans sa chaumière. Pour conclure de douteuses affaires affirmaient les mauvaises langues... Monsieur le curé était de toute façon un impuissant notoire. En fait il venait lui revendre à vils prix des vieux mobiliers d'église qu'elle se chargeait d'écouler au prix fort dans des réseaux louches.

Je n'aimais pas cette femme presque belle et franchement corrompue. Elle me le rendit bien puisqu'un jour je reçus d'elle un énorme colis par la poste.

Rempli de pots de confitures.

17 - La vieille crogne

Je suis une crogne, une sale vieille crogne de putain de charogne de saloperie d'ordure. Plus crogne que moi, y a pas. J'ai quatre-vingt-huit ans, presque toutes mes dents et une canne plus dure que la tête du Diable. J'ai vécu : deux maris, trois chiens, un glaïeul. Tous crevés.

J'enfonce des crucifix rougis au feu dans les trous de serrures des maisons des pauvres gens. Avec ma canne je cogne les riches, je cogne les chats, je cogne les agents de la maréchaussée. Pis j'ouvre le courrier de mes voisins pour cracher dedans. Je suis une vieille crogne : je vote communiss' et je brûle l'argent des ouvriers. Seulement les billets, parce que les pièces résistent au feu.

Je suis une vieille crogne et je vous envoie à tous ma canne au travers de la gorge ! J'ai besoin de personne, vous pouvez tous allez crever là où que vous êtes ! Je vous enterrerai bien avant que le Déluge me tombe sur la tête... J'en ai enterré de plus solides que vous. J'ouvre à personne dans ma maison, pas même au Bon Dieu. Sous mon toit je suis chez moi et y a pas intérêt à ce qu'on vienne me chercher des noisettes ! Je suis pas crogne pour rien. Je vous materais tous autant que vous êtes, bande de petits ricouillards !

Je peux vous dire que vous allez entendre parler de moi. Ma canne elle en a râpé des chemins. Ca fait des lunes que je la traîne. Même elle je peux pas la voir, la Lune. Alors c'est pour dire que si jamais je vous vois... Ben y a pas intérêt à ce que je vous voie.

Une vieille crogne, je suis une vieille crogne que je vous dis !

18 - La belle Berthe

Avec son giron de fermière endurcie, immense, redoutable, avec sa cuisse comme un chêne et son cou de boucher, Berthe ressemblait plus à une masse bovine en action qu'à une frêle femme. Elle buvait comme un Prussien, crachait comme un tonnelier, chiquait plus que de raison, mangeait comme quatre, tenait la charrue mieux qu'un colosse, jurait comme un démon. Et frappait même les hommes comme un vrai couillu qu'elle était.

Entre deux besognes de force elle émettait parfois des plaisanteries de salles de garde. Elle avait des délicatesses de charretier, des finesses d'engraisseuse de cochons, des moeurs de boucanier. Bref cette représentante du beau sexe était un authentique tue l'amour.

Mais pas pour tout le monde.

Alphonse Torchecul, commis agricole à la musculature aussi épaisse que les capacités de réflexion étaient réduites avait des vues sérieuses sur la belle Berthe. Il ne savait pas parler aux femmes. Qu'à cela ne tînt, il décida de parler en homme à Berthe avec ses humbles mots à lui :

- Berthe, j'ai à te parler. Tu vas faire la vache et je m'en va faire le taureau. T'écarteras tes cuisses, comme ça y aura plein de jus à te foutre dans ta matrice de coche pour qu'après tu beugles comme un veau à nous pondre dans les saintes douleurs un salopard de péquenaud qui sortira de ta culasse neuf mois pus tard !

C'était clair, Alphonse semblait sincèrement amoureux de la Berthe.

La belle fut émue par la déclaration d'amour du commis agricole. Elle lui répondit en rosissant :

- L'Alphonse, ramène donc ta tripe de boeuf que je la foute dans ma grosse boyauterie. Tu vas me la secouer dans les tripes, je veux parler des tripes vachères, pas des tripes à purin, et pis je te la ferai bien dégorger jusque dans le fond de mes putains de rognons de fumelle... Pis après y'aura un paquet de viande qui m'poussera dans la panse. On l'appelera Nesto'. Qu'ê qu'ten dis l'Alphonse ? Nesto', c'est-y pas un beau nom ça pour un futur laboureur qui te ressemblera ?

- Nestor, je dis pas. Pour un beau nom c'est un beau nom. Y'a rien à dire la Berthe. Mais si c'est une fumelle ? Comment que tu l'appelleras ?

- On n'aura qu'à l'appeler Nestorine. Ca mange pas de pain de l'appeler Nestorine. Pis elle travaillera comme un gars avec un nom pareil ! On peut pas dire, le nom ça y fait. C'est pas moi qui appellerait le fruit de mes entrailles Charles-Edouard, acré nom de diou ! Ca non alors ! Pasque ça c'est un nom de vrai fainéant ça ! Allez ! Viens donc me rentrer dedans l'Alphonse, pasqu'y faut déjà commencer par la fabriquer cette andouille à naître dans neuf mois !

Les deux amoureux échangeaient innocemment de la sorte et se disaient encore plein d'autres choses aussi charmantes. C'était touchant de les voir parler ainsi de leur avenir. Ils conçurent entre le tas de fumier et l'étable à vaches. Les meuglements, caquètement et grognements des hôtes de la ferme accompagnèrent leurs roucoulades comme le plus doux des violons.

Neuf mois plus tard la petite Nestorine vint au monde.

Ce fut pour elle le début d'un enfer sans tache.

19 - Une jeune fille à la ferme

A vingt ans, Nestorine connaissait mieux le langage des porcs que le Grevisse. Elle était le parfait reflet de ses géniteurs, mais en plus jeune. Elle se mouchait dans ses doigts, se soulageait dans la réserve à purin, se rinçait le gosier dans la gouttière. C'était un monstre femelle de cent-vingt kilogrammes absolument inaccessible. Une sorte de mastodonte intouchable, un phénomène en jupon. Bref, un beau brin de jeune fille selon les critères de beauté en vigueur dans la ferme.

Ses parents étaient très fiers d'elle : dès ses seize ans elle portait déjà sans effort apparent des sacs de cent kilos, mâtait des boucs hargneux en quelques étreintes nerveuses et puissantes, retournait d'une seule traite de larges carrés de terre à la force du mollet, cognait les gaillards les plus vigoureux du pays, abattait des verrats d'un seul coup de maillet, s'enfournait à la suite des chapelets de saucisses-maison, éructait plus fort qu'une ogresse, avalait sans rechigner son verre d'absinthe frelatée.

Cependant Nestorine n'était pas du tout heureuse. A vingt ans elle avait mûri. Secrètement elle aspirait à une existence plus virile, moins efféminée. Sans jamais oser l'avouer à ses parents de crainte de les contrarier, elle désirait se confronter aux dangers de la vraie vie, loin du cocon rassurant de la ferme familiale. Elle avait l'ardent désir de connaître les éléments, les hommes et les bêtes de manière moins atténuée, plus authentique. Elle voulait un contact réel, vrai, direct avec le monde et ses habitants. Elle sentait bien que sous ce toit où elle était née elle vivait protégée comme une poupée dans un jardin beaucoup trop rose pour elle.

Elle avait besoin de recevoir de grands coups de poing de la vie, besoin de sentir les flammes vivifiantes de l'aventure, besoin de savourer l'amertume incomparable de la bière de contrebande, besoin de voir un autre sang que celui de ses verrats qu'elle abattait avec un plaisir de plus en plus émoussé, besoin de fracasser d'autre crânes, de terrasser d'autres adversaires plus consistants que ses boucs habituels, besoin de cogner d'autres têtes que celles qu'elle connaissait déjà... Bref, elle voulait sortir de sa trop jolie cage dorée, prendre son envol de jeune fille.

Elle aurait voulu donner libre cours à toute son énergie, montrer au monde la mesure de sa vitalité plutôt que de demeurer ainsi dans sa ferme. Elle s'y ennuyait comme un poupin devenu adulte à qui l'on n'aurait pas remplacé la dînette de l'âge tendre.

Malheureusement elle dut rester toute sa vie à la ferme à égorger du bétail, engraisser des porcs, mener la charrue, abattre des chênes, terrasser des cornus, arracher des souches, frapper de peureux colosses, chiquer l'humble tabac paternel, boire de la bibine de mauviette à quarante degrés, se faire saillir par des bons à rien de laboureurs, de dockers ou de boxeurs qui ne tiennent même pas debout après un litre de tord-boyaux...

Cette existence fadasse de midinette ne lui convenait vraiment pas et la rendit malheureuse toute sa vie durant, elle qui ne rêvait que de mâles activités, de défis martiaux, d'ouvrages magistraux et de grosse gnôle.

20 - Emoi au village

Les rosières trépignent devant la salle des fêtes. Déjà en état d'ébriété avancé, le garde-champêtre supervise tant bien que mal l'organisation. De zélés administrés s'improvisent auxiliaires municipaux, le béret bien vissé, fiers comme le coq penché du clocher. Les anciens (respectés parce qu'ils ont connu le Café-Tabac d'avant la guerre) jouent de la casquette le mégot humide collé à la lèvre inférieure, le rire gras comme les frites-saucisses qu'on sert sur les tréteaux, l'haleine fraîche comme le rosé, la bedaine héroïque.

Le bedeau, incorrigible vieux garçon qui ne connaîtra décidément ni les subtilités de l'amour ni l'usage du savon lorgne l'assistance femelle, l'oeil égrillard, un ballon de rouge d'une main, le drapeau tricolore de l'autre.

Ils sont tous là : le maire avec son écharpe républicaine qui impressionne tant la vieille Taupine, que certains prétendent de Hambourg mais qui en réalité est née au village, qui plus est ennemie farouche des Boches...

Il y a le curé bien sûr, la soutane imprégnée de naphtaline, le missel à la ceinture, prêt à dégainer au moindre appel du Ciel. Bon vivant, bon buveur, bon prêcheur, mauvais exemple, il aime ses ouailles impies, déteste les pécheurs véniels. Allez comprendre !

Le premier adjoint quant à lui ne manquerait pour rien au monde les festivités : il rayonne, auguste, le regard dur, la chique molle, enivré depuis la veille à l'idée de parader au milieu des administrés, pénétré de son importance municipale. Il brigue le trône aux prochaines élections et a d'ailleurs promis d'arrêter la chique le jour où il sera élu.

Le commis Alphonse : toujours là quand il y a distribution gratuite au buffet de la mairie, traînant odeurs de foin et relents de gnôle. Analphabète, épris de ses guêtres, le souffle chaud, le chapeau crasseux, les manches râpées, il n'est pas difficile l'Alphonse : il ne demande qu'à faire son trou au village. Et puis au cimetière aussi, il y tient chèrement. Un romantique l'Alphonse, le dernier des Mohicans.

La moitié des avinés ne sait pas ce qu'on fête à la mairie. L'autre moitié a oublié, grisée par l'ambiance, emportée par le souffle puissant, divin de l'accordéon. Peu importe le flacon : la salle des fêtes est pleine, le maire balbutie de joie - enfin d'ivresse -, le bedeau est aussi sonné que ses cloches, le père Eugène, béquilleux, danse sur ses trois pattes.

L'émotion est grande ce soir au village.

21 - Berthe-la-patte-folle

Tu perds rien pour attendre la Berthe ! Déjà qu'avec ta patte folle tu ressembles à une vieille capocharde en bois, quand je te tomberai dessus j'te cassera le dos en deux, moi ! T'entends dis ? Ha t'entends pas ? Pasqu'en plus t'es sourde... Sacré foutue vieille, va ! Des chouettes comme toi j'en déplumerais bien tous les jours, face de ratière !

Je t'aurai bien un jour, espèce de vieille bécasse à la patte tordue ! Tu le sais que je t'aurai un jour la Berthe, tu le sais. Alors c'est pas la peine de faire des airs que c'est comme si ça arrivera pas... Pasque ça arrivera. Et ce jour là la Berthe, t'entends, ce jour-là t'en verras des pas mûres. Pis des sacrées encore ! Vieille patte folle de sale oiseau que t'es, va donc crever ! Allez, cours-y à la crevure avec ta patte de travers, tu perds rien pour attendre que je te dis !

Ca te fait quel âge maintenant, dis la Berthe ? Bientôt quatre-vingt-dix ans, c'est ça ? T'es pas folle non ? Ben si t'es folle, justement. Faire des histoires à ton âge... Hein, quand même, tu te rends compte ? Tu l'auras quand même voulu. Je va pas me gêner pour t'avoir au détours. C'est pas l'âge qui fait, hein la Berthe ? T'es rien qu'une vieille patte folle qui perd pas pour attendre, pour autant que t'as quatre-vingt-dix balais... Et crois-moi, je va pas te rater !

Non, ça je va pas te rater la Berthe, fais-moi confiance... C'est pas avec tes quatre-vingt-dix ans que tu vas m'empêcher d'aller te remettre à ta place que tu mérites. Pauv' sourde va ! T'es qu'une patte folle qu'entend pas, t'entends dis ? Une vieille peau de patte folle que je va bientôt aller régler son compte bien comme y faut. En attendant dors sur tes deux oreilles pasque de toute façon tu me verras pas venir le jour où je viendrai, que tu soyes sourde ou pas. Tu m'entendras pas venir, mais je peux t'assurer que tu le sentiras passer... T'as toujours été une sale sourde à la patte folle et je te dis que tu vas le regretter la vieille !

Tu sais comme moi que la vengeance est un plat qui se mange froid, hein la vieille ? Bien froid !

22 - La soupe est prête !

D'un geste las, la maîtresse de maison pose la soupière fumante sur la table. Ca sent fort la soupe aux poireaux-pommes-de-terre. Son mari, une espèce de légume insignifiant, regarde le récipient sans broncher. Il attend le signal de sa femme pour y plonger la louche.

Avec sa calvitie prononcée, son air d'épicier de province et ses vieilles pantoufles usées, il est loin de faire pitié. Au contraire, il inspire mépris, dégoût, railleries. Le filet de bave qui lui pend aux lèvres est la goutte de trop : devant tant de décrépitude, qui résisterait à la furieuse envie de lui cracher au visage ? Cet ancien comptable a l'air de ce qu'il est : un éternel sédentaire qui n'a jamais eu d'autres rêves que de posséder des canapés en cuir, de rutilantes boîtes à outils vues dans les catalogues, un bon système d'adoucisseur d'eau, une véranda, une tondeuse à gazon dernier cri facile à entretenir, une assurance-vie... Aspirations de petit fonctionnaire étriqué que des milliers de soirs successifs à patienter devant des soupières ont fini par abrutir parfaitement.

- " Sers-toi donc Gaston, tant qu'la soupe elle est ben chaude !"

Toujours la même phrase, tous les soirs. Et lui de répondre invariablement, des milliers de soirs de suite :

- " Ha ben ça fait-y pas du bien de manger de la bonne soupe, hein ?

Parfois au milieu de la soupe le retraité se prend à rêver un peu plus que d'habitude :

- " Tu sais Germaine, un jour j'aimerais bien toi et moi acheter la cabane de jardin dont je t'ai parlée l'autre jour. Avec les p'tits nains tout autour, ça serait-y pas beau près de la véranda, hein ? J'en ai vu des beaux en passant devant chez Bricolage-Service... Y en a de vraiment chouettes alors ! "

- Avec ses rêves ineptes de minus et ses soupières pleines de promesses potagères l'ex-comptable vécut heureux encore très longtemps auprès de sa femme à son image.

Ils n'eurent aucun enfant.

Mais des soupières à vider, des milliers.

23 - Le destin de Patatin

Patatin, fermier de son état, aimait sa femme Adèle comme un gougnafier qu'il était, laquelle le lui rendait bien mal : elle, était une grande romantique, une belle âme, une parisienne élégante en quête de raffinements du coeur. Qu'était-elle venu patauger dans la fange quotidienne de ce rustaud ? Tous au village se l'étaient toujours demandé... Élevé chez les porcs, Patatin affectionnait leur compagnie, négligeant sans complexe celle de ses semblables. Les porteuses de dentelles n'étaient pour lui que des dépensières qu'il fallait corriger et, accessoirement, abreuver d'eau claire, nourrir d'avoine, atteler à la charrue.

Patatin ne frappait pas sa femme. Mais il ne l'habillait pas, ne la sortait pas, ni ne la cajolait. Il usait pour lui parler du même langage qu'envers son bétail. Il la hélait comme une vache laitière lorsqu'il était en rut, tapait du poing sur la table quand elle parlait poésie, la sifflait à l'heure de manger. En outre, le dimanche matin au lieu de lui apporter au lit des croissants chauds et du café autrichien, il lui faisait curer les étables, car le dimanche était jour de fumier.

L'affaire était sérieuse pour Patatin. Pour rien au monde il n'aurait manqué à ce rituel dominical : pendant que sa femme s'affairait à remplir des brouettées de fumier de six heures à midi, lui dégustait des pommes cuites arrosés de Calvados. Elle avait droit à une pause qu'il calculait à la seconde près, chronomètre en main, afin qu'entre deux étables elle pût satisfaire aux nécessités naturelles. Lui, pendant ce temps saupoudrait les pommes dorant au four de cannelle tropicale.

La corvée finie, exténuée, couverte de fumier, Adèle devait encore préparer le repas du midi pendant que Patatin allait inspecter les étables, racontant ses rêves de la nuit à ses vaches qui bousaient avec placidité.

Ainsi en allait-il de la vie de Patatin.

Mais, lassé des manières mondaines de sa femme, il finit par demander le divorce. Il obtint gain de cause et reçu de son ex-épouse une pension alimentaire qui lui permit d'aller jouer toutes les semaines au casino et de gagner une grosse somme qu'il utilisa pour s'agrandir. Il acheta des terres, construisit d'autres étables, grossit son cheptel. Il devint important dans la région. Riche, respecté de ses pairs, il épousa la fille de la châtelaine qu'il engrossa le jour-même des noces. Le fruit de la saillie fut laid et contrefait. Et fort sot. N'importe ! Il devait hériter de la ferme, des étables, du bétail, des terres, de toutes les terres acquises par le fermier...

Ce qui, définitivement, gonflait d'orgueil Patatin.

Le fils n'hérita point : il mourut à l'âge de douze ans, foudroyé par une leucémie aiguë qui laissa Patatin sans voix mais non sans ressources : il se consola en engrossant une nouvelle fois sa seconde femme. Mais celle-ci mourut avant même d'enfanter. D'une indigestion de cerises.

C'était en début juillet. Patatin dut finir seul la récolte des cerises à la hâte avant l'enterrement, ce qui l'irrita quelque peu, lui qui avait mis toute sa confiance dans sa femme. Pour finir, le jour des funérailles de son épouse, ayant failli se rompre les os en glissant sur la dalle humide du caveau, il se jura de ne plus jamais prendre femme.

24 - Le père Mesnier

Dans certains coins de la province profonde, on trouve depuis toujours des tribus d'âmes arriérées. Le père Mesnier est un cas. Ce personnage singulier se distingue de ses concitoyens agrestes par ses frasques mondaines, ses moeurs parisiennes, ses délicatesses d'un autre monde. Mais aussi par ses outrances de philistin. Bien qu'il n'aie jamais quitté son canton, on le prendrait pour un citadin. Ou pour un bourgeois en sabots. Ou pour un ours. Ou pour un papillon... Le père Mesnier est inclassable. Un drôle de zèbre en vérité.

Définitivement phallocrate, congénitalement efféminé, fantasque et sage, raisonnable et pervers, le père Mesnier sait rallier quiconque à sa cause, laquelle se résume en deux mots : l'ail et la Lune. Amoureux fou de l'astre noctambule et passionnément versé dans la culture des liliacées, il ne mange jamais d'ail, ne veille jamais sous les rayons de la planète blonde. Le père Mesnier, personnalité pour le moins paradoxale...

Les femmes sont un éternel sujet d'indifférence pour notre héros qui ne jure que par la Poésie ! Inculte, paresseux, gourmand, il n'a jamais ouvert aucun livre de sa vie. Ce qui ne l'empêche pas de postuler régulièrement pour une place à l'Académie Française dés qu'un immortel meurt. Ni de jouer de la lyre dans les rues de son village tôt le matin.

Le père Mesnier va à la messe le mardi, mange des crêpes banales le dimanche, imite assez bien le cri de la pie tous les jours de la semaine. Chez lui, il y a des tableaux de maîtres, des vaches, pas de cochons, des poules et des faïences choisies. Il aime chrétiennement sa femme, chèrement les arbres, piteusement l'avoine, mais n'aime pas du tout le vin chaud.

Il collectionne le vent, l'eau de pluie, les fleurs fanées et aussi les lettres de grands écrivains avec qui il correspond assidûment depuis plus de trente ans.

Si vous le rencontrez un jour au détour de son village quelque part au fin fond de la France, n'hésitez pas à lui adresser la parole et même à lui parler fort, vu qu'il est un peu dur d'oreille, mais évitez surtout de converser avec ses voisins.

Ce sont de véritables anonymes, et de la pire espèce encore : rien que de pauvres haricots verts.

25 - Un humble clocher

J'entrai dans la petite église du village. L'assemblée de pieuses était au complet. Il y avait la femme du maire et son chignon ridicule de fausse bourgeoise, la vieille fille méchante de la grand'rue, les quatre catins obèses parées de leurs dentelles du dimanche fleurant le formol, la femme du marchand de vins, fournisseur officiel de Monsieur le curé, les demoiselles pubères toutes à peu près aussi sottes et laides les unes que les autres...

Il y avait encore quelques paysannes en fichu, aussi avaricieuses que superstitieuses, les doigts crispés autour de leur chapelet usé, à moins qu'ils ne fussent hermétiquement clos jusqu'au passage de l'assistant du curé, enserrant avec une ferveur toute économique quelque inestimable piécette destinée à la quête. Et au fond de l'église, déjà à moitié ivre, le bedeau avec son air d'imbécile qui attendait benoîtement la fin de la messe pour sonner les cloches, sa plus chère mission sur cette terre, semblait-t-il...

Les fautes de goût se lisaient aisément sur ces visages plus ou moins rougeauds, à travers les toilettes démodées qui s'étalaient non sans outrance, jusque dans les airs sottement compassés de ces ouailles "poullaillères".

La vieille fille chantait comme une chèvre, couvrant de sa voix sonore et sirupeuse les autres choristes. Avec des trémolos exagérés dans la gorge, on eût dit qu'elle invoquait le dieu des caprins, comme si le salut de son âme dépendait de la ferveur de ses bêlements de femelle prétendument abstinente... Je savourais ce concert d'étable, amusé par ce chef-d'oeuvre de maladresses si chèrement encaustiquées, de crétinisme provincial si pur.

Les moeurs arriérées et ridicules de ce village parfaitement sclérosé semblaient avoir été miraculeusement préservées de toute corruption citadine. Le tableau était pitoyable et pittoresque. Cette église perdue était un régal, mais aussi un véritable laboratoire pour les railleurs de mon espèce dont le sens critique commençait à s'amoindrir soit par manque d'exercice, soit par lassitude, les provinciaux de notre époque ressemblant tous de plus en plus aux hôtes précieux de la capitale...

Je ressortis de l'église juste avant la fin de l'office, infiniment rasséréné sur la préciosité de ma personne, le prix de mon extraction, la valeur de ma particule, ainsi que sur la sottise, l'insignifiance, l'ineptie de ceux que je raillais si méchamment.

Et sur l'innocuité séculaire des cloches qui commençaient à s'ébranler derrière moi.

26 - Le tétin de la Vierge

Emile était le bedeau du village, et comme tous les bedeaux de village il était passablement demeuré, mal dégrossi, voire un peu idiot, quoique fort aimable. Toujours prêt à rendre service, il se dévouait tant qu'il le pouvait pour aider, c'est-à-dire dans la mesure de ses moyens, lesquels étaient assez limités. Il était surtout là pour sonner les cloches le dimanche à l'église. Et quand il oubliait de carillonner, ce qui pouvait arriver de temps à autre, c'est lui qui se les faisait sonner, les cloches. C'était d'ailleurs là toute l'affaire de Monsieur le curé qui n'avait pas son pareil pour tonner contre son "fichu bedeau de bon à rien" comme il disait...

Bref, la vie au village s'écoulait, banale et sans heurts pour le brave Emile.

Un jour le curé confia une tâche inhabituelle à son bedeau : il fallait épousseter les statues en plâtre de l'église. Emile se chargea donc de remplir la mission avec une imbécile ferveur, comme à son habitude. Armé de son chiffon et à l'aide d'un escabeau, il s'attaqua sans tarder aux statues naïves qui ornaient les murs décrépis de l'église. Après avoir astiqué quelques saints, il posa bientôt son escabeau devant la statue de la Sainte Vierge. Celle-ci avait le sein dénudé et l'offrait à l'Enfant Jésus dans un geste tout sulpicien. Emile ne s'était encore jamais approché d'aussi près de la Sainte Vierge en plâtre de l'église si haut perchée, pas plus que d'une femme de chair d'ailleurs.

Et pour la première fois de sa vie, un téton de femme avait troublé le bedeau, même si celui-ci n'était qu'un médiocre moulage. Il poursuivit cependant sa besogne en commençant par le haut de la statue.

Mais une fois le visage de la Sainte Vierge dûment, longuement, religieusement nettoyé comme pour retarder quelque honteuse échéance, le chiffon d'Emile arriva inévitablement à hauteur du sein en question, ce tétin qu'il redoutait tant. Il hésitait devant le petit dôme de plâtre... Puis, gauchement il passa son chiffon sur le sein nu de la Vierge. A ce moment précis un phénomène inédit eut lieu dans la tête bornée et fruste du bedeau, un phénomène qui était pour lui un événement d'une immense envergure : il faisait cela comme on caresse pour la première fois une femme, comme on étreint avec émotion cette source intarissable d'ivresses qu'est le flanc nourricier de l'aimée...

Une tempête de passions se leva dans le coeur candide du rustaud.

Il tremblait en caressant de son chiffon le sein de la Vierge en plâtre. C'était à la fois touchant et pathétique, attendrissant et navrant, émouvant et pitoyable, insolite et criant de détresse...

Cette statue de plâtre était devenue l'exclusive source d'émoi de son coeur puceau. De la femme, Emile ne connaissait pour ainsi dire que la Sainte Vierge de l'église, sa seule référence. Piètre science amoureuse acquise à bout de chiffon au cours d'une mission ménagère...

Dans les jours qui suivirent cette "expérience amoureuse", l'émotion d'Emile pour la statue de plâtre ne s'amoindrit pas, au contraire. Il allait voir chaque jour sa "fiancée" comme il disait, sa "vraie fiancée" qui l'aimait parce qu'elle ne le repoussait pas du haut de son perchoir et avec laquelle il entretenait un commerce aussi platonique que misérable.

Comme on le voit, le coeur humain est admirable, ou parfaitement indigent, qui a de temps à autre ses héros. Ou ses martyrs...

Dix ans, vingt ans passèrent. Au village Emile le bedeau sonnait toujours les cloches de l'église le dimanche. Un peu plus vieux, un peu moins vaillant à la tâche mais toujours aussi épris de sa statue. Les gens du village qui ne savaient rien de cette singulière, affligeante, désolante histoire d'amour entre cet humain infirme et la statue, depuis vingt ans qu'ils entendaient Emile leur répéter qu'il avait une fiancée, lui répondaient parfois par quelques propos salaces avec des airs goguenards. Par exemple :

- Alors l'Emile, quand c'est-y que tu vas la foutre en cloque ta sacrée fumelle d'fiancée ?

Et lui de répondre invariablement, naïvement, avec toute la pureté de son âme simple, de son esprit débile, de son coeur ignorant la malice :

- C'est ma fiancée que je vous dis, je va pas la mettre enceinte, j'y suis point encore marié avec. C'est ma vraie fiancée que ça fait vingt ans que je l'aime. Elle aussi elle m'aime, même si elle cause guère. Moi je sais que c'est ma fiancée, ma vraie fiancée... Ma fiancée qu'est dans l'église...

27 - Hauteur de vue

A Albert, petite ville de la Somme, est sise une basilique. Une Vierge dorée, entrée dans l'Histoire lors de la Grande Guerre, domine l'édifice. Pour les albertains, braves gens du nord, la séculaire dorure est devenue invisible.

Moi j'y vois mille feux, une auréole, une perle d'or au-dessus la cité. J'aime à lever les yeux au ciel, à la rencontre de l'hôte des nues.

Mon regard embrasse ciel et cime, et face à cet horizon vertigineux je chancelle avec délices, isolé du monde. La flèche mariale de la basilique me désigne des espaces intérieurs sans borne. Enivré d'or et d'azur, j'accède à des hauteurs de conscience inédites.

J'oublie la terre, et pars vers l'Empyrée, saluant oiseaux, astres, désincarnés. Des ailes m'emportent, des anges me parlent, des passants m'observent... Je redescends de mes sommets, le regard à hauteur humaine pour adresser quelque parole à mes frères albertains.

Je leur parle de la pluie, du beau temps. Ils sont contents. Je leur parle de l'état du ciel, de l'état de leurs finances, de l'état de leur voiture. Mais surtout pas de la Vierge dorée. Ils me comprennent, acquiescent, me donnent raison.

Enfin je les laisse au pied de la basilique, songeurs, hilares ou bien placides. Dans leur tête, des rouages de mécanique d'automobile, des inquiétudes météorologiques, des espérances bancaires.

Et je poursuis mon vol, plein de pitié pour mes semblables albertains, l'âme plus légère que jamais, le pas comme une aile, le coeur libéré des dernières pesanteurs terrestres.

28 - Vue d'esthète

Par un dimanche triste, pluvieux, je suis entré dans l'église d'un village perdu du fin fond de la campagne mayennaise afin d’assister à la messe. L’église était pleine de bonnes gens du pays : casquettes rondes et tailleurs démodés de rigueur. Ca sentait la cire, la vieille province et le désuet.

J’observais avec attention cette société de dévots endimanchés. Chose étonnante, parmi cette assistance grisonnante il y avait quelques jeunes filles à la mise moderne, colorée. Elles n’avaient pas vingt ans. Certaines étaient laides, d’autres charmantes. Je scrutais discrètement ces enfants de choeur en fleur. D’abord les rosières sans grâce, puis les jolies oies blanches. Sur ces dernières je m’attardais charitablement.

Le contraste était saisissant entre ces dos courbés, ces nuques ridées, ces faces rougeaudes d’hommes et de femmes de la terre mayennaise, et ces créatures juvéniles aux mines délicates, aux galbes olympiens, aux gorges parisiennes. Je me perdais dans la contemplation de ces chairs esthétiques, de ces traits aériens, de ces toilettes recherchées...

Les ouailles entonnèrent un chant, guidées par un orgue solennel. L’instrument en question, mi-orgue, mi-harmonium pour être honnête, semblait issu d’un XIXème siècle des plus rustiques. Les premières notes s’élevèrent... Le pire était à redouter.

Le chant n’était point grossier.

Surpris, je l’écoutai avec une sincère attention. L’on aurait pu s’attendre à quelque pesante, grasse, champêtre interprétation... La chorale était d’une étonnante qualité. Et le choix de l'oeuvre d'un goût sûr.

Tout à l'écoute du chant de messe, je ne quittais pas des yeux les gracieuses pucelles, leur prêtant une attention grandissante au fur et à mesure que s’élevait le choeur. En esthète averti j’associais les émois, combinais les ravissements, mêlais les ivresses : j’étais enchanté par la vue de ces demoiselles parées de la Grâce, et dans le même temps transporté par l'hymne. Aux anges, corps et âme. Mon regard obliquait parfois vers la voûte aux peintures naïves, puis revenait vers ces vestales mayennaise propres à inspirer d’authentiques vocations parnassiennes.

Cette fois le chant qui résonnait sous la voûte à la fresque écaillée était de toute beauté.

C’était inattendu d’entendre ça dans cette église du fin fond de la Mayenne, déconcertant de s'apercevoir qu'un tel joyau pût naître de ces gorges agrestes, insolite de découvrir tant d'art chez ces éleveurs de bétail. Etonnant mais indéniable : le chant était splendide. Moment de grâce dans une semaine d’étables, de bistrots miteux et de cours de fermes aux odeurs de fumier.

Pris sous le pieux sortilège des choristes, j'accédais à une autre dimension du monde, biblique. Tout était magnifié à travers le prisme de mon regard. Mon regard qui devenait insensiblement, progressivement comme le regard originel, le regard d’Adam et Eve d’avant le péché, ce regard vierge de préjugé, innocent, libre, ignorant des mondanités, du mal comme de la laideur...

Sous l’effet de l’Art, l’esthète que je suis voyait la beauté partout où son regard se posait. Et mon regard avait fini par se poser indistinctement sur les élues de la Beauté comme sur les créatures franchement ingrates.

Cependant, conquis par tant de causes diverses mais encore conditionné par d’académiques préjugés culturels, je préférais me concentrer sur les visages les plus flatteurs. Je contemplai ainsi quelque jeune et vierge soeur d’Aphrodite, irrésistiblement emporté par l’aile d’Euterpe ou de je ne sais quel messager céleste missionné pour sauver mon âme impie.

Le chant redoubla d’ardeur.

Et à ce moment précis les faces bovines s'affinèrent, des traits linéaux apparurent sur les visages : et je voyais des poètes à la place des paysans... Et je voyais des anges à la place des jeunes filles, qu'elles fussent belles ou laides...

J'ai craint que le charme ne se rompe aussitôt le chant fini, aussi ai-je quitté l'église bien avant la fin de l'office.

29 - Le silence est d'or

Alphonse aimait la Berthe en secret. Depuis vingt ans qu'il avait été engagé à la ferme, il courtisait toujours aussi timidement la fille du patron. Il lui jetait des regards furtifs à table, lui adressait de manière anodine des mots codés sensés être doux qu'elle recevait avec placidité. Vingt ans que ça durait ! La Berthe était devenue énorme, rougeaude, repoussante, mais Alphonse avait conservé intact son émoi originel.

Il n'avait d'yeux que pour celle qui lui avait souri une fois, une seule fois, lors de son premier jour passé à la ferme. Pure courtoisie de la part de la fille de son employeur ou véritable aveu d'amour, comment savoir ? Il y avait vingt ans déjà... Quoi qu'il en fût, il avait pris ce sourire avec toute la tragique candeur de son coeur de rustre. Une timidité viscérale le tenait toutefois à distance exagérée de l'être cher. Alphonse avait une âme d'authentique vieux garçon.

En vingt ans la belle était devenue un monstre. Mais le niais était demeuré niais. Heureux homme trompé par le temps, façonné par des moeurs arcadiennes qui ne voyait ni le mal ni la laideur, berger au coeur pur qui ne faisait pas de différence entre la chevrette et la barrique à fromages pourvu que les deux exhalassent le doux parfum de l'oubli... Alphonse s'était sclérosé dans ses habitudes amoureuses. A cinquante ans il espérait encore avoir des enfants de cette femelle encore vierge mais ménopausée qui apparemment n'avait vécu que pour faire tourner la ferme de ses vieux parents. Sa raison d'être à elle semblait se résumait à cette ferme.

Alphonse continuait ses tendres allusions à l'adresse de l'aimée qui en vingt ans n'y avait vu que du feu. Vingt ans à lui faire une cour aussi discrète qu'inexistante entre le sillon et l'étable ! Vingt ans d'un espoir fou accroché à la charrue, d'un fardeau d'amour traîné patiemment à la force du poing... En effet, Alphonse était resté travailler dans cette ferme uniquement pour gagner la main de la Berthe qui lui avait souri le premier jour, alors qu'au départ il ne devait faire qu'une saison avant de rentrer chez ses parents embrasser une carrière de marchand de bestiaux.

Dix années encore s'étaient écoulées. Un jour de grande chaleur, dans un moment d'intimité impromptue (événement rarissime en trente ans de "vie commune" à la ferme), alors qu'ils étaient seuls aux champs, le coeur serré, n'y tenant plus, s'adressant au mastodonte Alphonse finit par lui avouer :

- "La Berthe, si je suis resté à la ferme depuis trente ans, c'est pour toi. Pour toi la Berthe ! T'entends dis ? C'est par amour pour toi. J'ai jamais osé te le dire en trente ans mais aujourd'hui je crois que c'est le moment. Tu m'avais souri le premier jour, tu te rappelles ? Tu m'avais souris ce jour-là et depuis ça n'est jamais sorti de mon coeur. C'est pour ça que je suis resté, pour hériter de ta main la Berthe. Tu te rappelles dis, quand tu m'avais souri ce jour-là ? Tu m'aimais donc la Berthe ? "

- "Alphonse, lui répondit Berthe, je t'ai aimé dès le premier jour c'est vrai. Mais comme tu n'as jamais semblé faire attention à moi j'ai pris pour de l'indifférence ta froideur. Ca m'a tuée en dedans de moi. Je me suis désespérée sans jamais rien laisser paraître de ma peine. Je me suis mise à manger pour mieux oublier, et bien sûr toi tu semblais faire encore moins attention à moi. Je pensais que ça t'était complètement indifférent que je devienne une coche. Toujours aussi impassible, tu travaillais à mes côtés. Et maintenant tu dis que tu m'aimais... Mais pourquoi ne m'as-tu pas dit ça les premiers jours Alphonse ? Ca nous aurait économisé une vie !"

- " La Berthe, je vais te dire... Maintenant que tu m'as ouvert les yeux, je me rends compte d'une chose... C'est vrai, tu es très vite devenue grosse et grasse comme une coche tout de suite après que je t'ai connue. Moi je ne voyais que ton sourire du premier jour, tu comprends ? Pendant trente ans je vivais avec ton sourire d'avant. Mais maintenant que tu m'as dit tout ça, la Berthe, je crois qu'à partir d'aujourd'hui.. Je ne t'aime plus du tout."

30 - Réveillon de pingres

Les Bûchebois ont bouleversé leur quiétude, cette année ils fêteront Noël ! Comme chez les jeunes : avec de la chandelle et du gras.

A ceci prés que chez ce couple de vieillards la moindre dépense est sujette à d'interminables discussions. Deux vieux avares incurables et butés aux moeurs anachroniques s'apprêtent à festoyer dans leur chaumière à l'approche de Noël. Un couple de demi fous en guenilles ne vivant que par procuration, à la vérité...

Il fut d'abord décidé qu'ils passeraient le réveillon sans feu, car selon eux ça ne valait pas la peine de chauffer la pièce pour l'occasion alors que tous les jours de l'hiver ils résistaient fort bien au froid. L'esprit d'économie a ceci de vrai et d'avantageux, c'est qu'il endurcit les corps.

- Pas besoin de feu ! C'est déjà ça de gagné, hein la mère ?

- C'est ben vrai l'pé', c'est toujours ça de gagné d'éconôôômie... Ca fera une bonne année de commencée. Faut pas déjà pousser les dépenses alors qu'on n'a même pas commencé l'an !

Ensuite tous deux se mirent d'accord pour manger de manière raisonnable. Pas la peine de se rendre malade avec de bonnes choses chères et de devoir aller quérir le docteur le lendemain. C'est qu'il ne travaille pas gratis le bougre !

- A-t-y des patates douces la mère ?

- J'en avions l'pé'.

- Ben ça suffira bien assez tout comme pour les jours ordinaires ! Pis y'a quoi à boire ?

- Y a d'lieau à boi' dans la cruche l'pé' !

- Va pour l'ieau d'la cruche ! L'vinasse du ciel elle fait l'affaire tout comme le vin, sauf qu'elle est pas à trente sous la bouteille elle au moins ! Pis elle coule pareil dans la gorge tout comme le vin, pas vrai la mère ?

- Ca je vais pas te dire le contraire l'pé'... L'ieau et le vin c'est du pareil au même vu que les deux y abreuvent aussi bien. Y 'a juste qu'une différence, c'est une différence de prix. Allez, on va pas se tracasser la tête l'pé ! Y'a de la bonne ieau qui fera l'affaire du pareil au même.

La nuit de Noël enfin arrivée, les deux avares firent un festin de pommes-de-terre à l'eau. Sans beurre. Dernier compromis qu'ils s'autorisèrent au dernier moment, quand les patates furent chaudes... Le couple d'ascètes ne put en effet se résoudre à ajouter le beurre. Les vieillards sentaient bien l'un comme l'autre que ça leur faisait mutuellement trop mal au coeur de gaspiller ainsi le beurre. " Le gras c'est pour les jeunes et non pour les vieux ! ", décrétèrent-ils de manière parfaitement arbitraire mais non moins définitive... Ce soir-là ils ne changèrent finalement rien à leurs vieilles habitudes. C'est qu'on ne bouscule pas aussi facilement soixante-dix-huit ans de réflexes institués en véritable religion ! Obstinément attachés à leurs valeurs, les Bûchebois ripaillèrent surtout en imagination ce soir-là. La chandelle qu'ils allumèrent à cette occasion ne brûla qu'une demi minute symbolique. Juste pour marquer le coup.

- C'est-y pas malheureux tout de même de voir qu'y a des gens qui brûlent jusqu'au bout de la bonne chandelle, hein l'pé !

- Que veux-tu qu'on y fasse la mère ? Allez, c'est assez brûlé, éteint donc ta flamme ça va faire une minute...

- T'en fais pas, ça aura pas fait une minute. J'ai compté, elle aura brûlé trente-trois seconde l'pé. Trente-trois seconde, ça va. C'est honnête.

- Oui ça va trente-trois secondes... Ca fait pas même pas une minute. On peut bien se permettre trente-trois secondes de chandelle, c'est pour la Noël. C'est pas tous les jours Noël quand même !

- Ha ! M'en parle pas l'pé ! Tous les jours la Noël, putôt crever oui ! Tu te rends comptes l'pé ? Ca serait pas vivab' ! Tous les jours à faire la fête à la chandelle, ha non alors ! Pas pour moi ! Tiens je préfère encore rester pauvre jusqu'à ma mort à l'idée de devoir dépenser comme c'est pas permis tous les jours de l'année !

Il discutèrent ainsi une longue partie de la soirée à propos de chandelle. Et d'autres choses insignifiantes. Ils se permirent tout de même une petite fantaisie qui égaya leur soirée : ils burent leur eau de pluie habituelle jusqu'à satiété. Pour ne pas à avoir à regretter de n'avoir pas bu de vin.

Ils burent, burent, burent, sordides et mesquins jusqu'à la dernière goutte.

A la fin de la soirée ils se jurèrent de ne jamais plus recommencer une expérience aussi éprouvante. A force de n'être jamais mangé, leur beurre devint rance quelque jours après ce réveillon mémorable.

Ils le mangèrent quand même, le trouvant fort bon, regrettant seulement de ne pas pouvoir attendre encore plus longtemps avant de le faire disparaître dans leur maigre estomac.

31 - Un abruti fini

Le père Eugène est un ancien combattant des tranchées de la "14". Quand il raconte ses souvenirs de guerre, il à la larme à l'oeil. A force de rire.

Il s'esclaffe en racontant ses anecdotes triviales de bidasses, inconscient des horreurs vécues dans la boue de Verdun. Il narre, joyeux, sa folle jeunesse sous les obus, le pinard des tranchées, le Boche qu'on tirait comme un lapin en faisant des paris avec les copains, intarissable sur ses coups pendables, se vante de ses succès en permission, prétend qu'il paradait fièrement au bras des filles, exagère ses faits d'armes, se souvient avec tendresse des chants paillards précédant les assauts, se remémore, hilare, les champs de bataille quand il fonçait sur l'ennemi, toujours rond...

Il avale sec sa gnôle le père Eugène, trinquant à ses souvenirs, l'air nostalgique :

- " Ha ! C'était quelque chose les tranchées mon gars ! Ca y allait. Pis ça pétait de tous les côtés ! Y sortait du Boche de partout. Ca mitraillait dur. On avait la trouille, mais que ce qu'on rigolait mon gars ! Fallait nous voir courir comme des lièvres... Ha ! Dans ce temps là j'avais des pattes pour la course, c'est pas comme maintenant. Tu penses bien, à cent-un an... C'est pus comme avant, hein ? Fallait le faire quand même, quand on y pense... Ha ! Ca y allait dans les tranchées ! "

Toute sa vie durant, et ce depuis bien avant qu'il soit envoyé dans les tranchées, le père Eugène a tiré sa substance vitale des mamelles de Bacchus. Habité par le dieu Gnôle du matin au soir, analphabète, inculte, ignare, le père Eugène passe cependant pour un héros sous prétexte qu'il a connu les tranchées. Pion de base imbibé en permanence de mauvais vin, Eugène aurait tout fait pendant sa jeunesse pourvu qu'on le lui ordonnât, pourvu qu'on le ravitaillât en pinard républicain : casser du Boche, envahir l'Espagne, coloniser les Nègres, conquérir le monde, pour lui aucune différence. Bien rigoler entre bidasses, voilà l'essentiel.

Il est jovial le père Eugène. Tout le monde l'aime bien.

Il faut quand même reconnaître qu'à cent-un an, cet ivrogne d'Eugène est un parfait, définitif, irréductible abruti.

32 - Les ordures du village

Nul n'appréciait l'étranger. Il avait une tête pas de chez nous, des regards de travers, des idées peu catholiques. Il habitait l'impasse, ne mangeait pas comme les autres, s'habillait comme un diable, priait un dieu lointain. Nous le toisions du regard. Fier, il ne baissait pas les yeux... Insupportable !

Il n'était pas chez lui et il osait. Chez nous, il osait... Il fallait agir.

L'intimidation n'ayant rien donné, certains -plus téméraires que d'autres- employèrent la force. Mais l'étranger avait de la pogne et en usa, laissant les assaillants meurtris dans leur honneur. Nous devions venger l'affront. Les humiliés attendirent une occasion. Une nuit ils essayèrent de le prendre par derrière. A plusieurs, c'était quand même plus prudent pensèrent-ils... Mais l'ennemi avait le dos solide. Et puis il était vif, un vrai serpent. Les nôtres essuyèrent un second revers. Plus cuisant que le précédent. Des enfants du pays, battus, rabaissés par ce métèque, cet intrus, ce criminel ! C'était le village entier qu'on humiliait. On était chez nous, et lui là, il osait...

Nous décidâmes d'en finir : le feu prit chez lui par une nuit sans lune ni témoin. Mais le vent se leva, et les flammes épargnant subitement le foyer du coupable allèrent lécher puis embraser la maison voisine, là où vivaient la veuve et ses trois enfants. Il les sauva du péril. La veuve qui s'était montrée la plus haineuse à son égard n'osa plus le regarder en face. Lui gardait la tête haute. Insupportable ! Nous tentâmes alors de l'accuser d'avoir mis le feu chez la veuve en espérant pouvoir enfin se débarrasser de lui... Les gendarmes l'emportèrent finalement.

Au soulagement de tous, le condamné finit sur l'échafaud.

Nous n'aimions pas l'étranger.

33 - La porteuse de cierge

Elle était si fière de porter le gros cierge ! Le seul honneur qui fût à sa portée. Son rêve de célibataire provinciale se réalisait tous les dimanches. En tête de procession, elle se sentait pousser des ailes. Ha ! Il fallait la voir parader dans la petite église de son village, la tête haute, le talon bas, solennelle et ridicule...

Dans sa cervelle étriquée de vieille fille, elle ne réalisait pas encore que ce cierge qu'elle hissait si haut dans son estime, étreignait si fort entre ses doigts, arborait avec femelle vanité devant les autres fidèles trahissait en fait ses désirs les plus chers, qui étaient aussi les moins avouables...

Le curé accoutumé aux fièvres suspectes de ses ouailles avait plus que les autres conscience que la processionnaire, à travers l'objet pieux, rendait confusément hommage à quelque vaillante virilité... Ce cierge, elle le pressait comiquement contre sa poitrine, le baisait sans pudeur, l'exhibait tel un sceptre magique.

Elle processionnait ainsi dans l'église chaque dimanche au son de l'harmonium, s'imaginant affermir sa réputation d'abstinente. Mais qui était encore dupe ?

La flamme du flambeau montant vers le ciel désignait tacitement son hymen clos : la prude montrait trop bien ce qu'elle voulait cacher, le masque de sa dévotion ayant pris définitivement les traits du vice. Elle était bien la seule à ignorer que l'éclair de son cierge ne symbolisait rien d'autre que le feu de sa chair inassouvie... Cécité de bigote.

Ainsi elle se donnait en spectacle à la messe devant les notables amusés, la misère de sa condition la rendant décidément sotte. L'image de piété qu'elle pensait transmettre le dimanche à l'assemblée se transformait à son insu en aveu éhonté : ses prières publiques étaient tout à la gloire de ses obsessions phalliques.

34 - Une vie sans histoire

Je suis un modeste comptable sans histoire : calvitie naissante, gentille bedaine, lunettes sages, costume sombre. Classique.

On me dit terne. Triste, voire sinistre ajoutent les mauvaises langues... Il est vrai que je vis seul, ne sors jamais, ne me chauffe pas par souci d'économie. Et alors ? Au moins je ne "fais pas la vie", moi ! Mon existence est rythmée simplement par les jours qui passent, tous semblables. J'ai des manies de petit retraité : vérifier que ma porte est bien fermée le soir en rentrant du travail, regarder l'heure après mon bol de tilleul, aligner mes pantoufles le long du lit avant d'aller me coucher. Plutôt rassurant, non ?

Nulle passion n'agite inutilement mon coeur. Le médecin a dit qu'il fallait me ménager : j'ai un peu d'embonpoint, ne faisant pas de sport. Mais avec l'âge que j'ai, hein... La cinquantaine tranquille. Dans la vie je ne fais pas de vagues. J'ai des habitudes assez ordinaires : me lever le matin, remplir des formulaires le jour au bureau, rentrer chez moi le soir, me coucher, me lever le matin suivant...

Mes idées politiques sont claires : il faut vivre avec son temps et ne pas s'opposer à la marche des choses, ça ne sert à rien. Mais surtout moi je dis qu'il vaut mieux être bien avec tout le monde. A quoi ça sert de se brouiller avec les gens qui nous entourent ? J'ai les idées de mes voisins et je vote donc comme la majorité. Ne pas faire de vagues, c'est ma devise.

Je suis croyant dans le Bon Dieu. Enfin s'il existe, hein... Moi je ne sais pas, je ne l'ai jamais vu. Sinon je ne suis pas contre le fait qu'il existe. Ca serait même bien pour moi, vu que je suis croyant. J'aime les femmes aussi, même si je ne me suis jamais marié. La vie de ce côté-là n'a pas voulu de moi. Quand j'étais jeune on disait que j'étais empoté avec les filles... Je sais pas, je ne les ai jamais abordées à cette époque. J'avais trop peur de faire des vagues.

Après une jeunesse de reposante solitude, j'ai invité ma première et seule conquête féminine au bar-tabac de ma rue. J'avais dans les quarante ans. C'était une employée de l'usine sise juste en face de chez moi. En partant à mon travail je la voyais arriver au sien. On se croisait presque tous les matins pour ainsi dire. J'ai mis ma cravate du dimanche et lui ai offert un café. En payant le cafetier, j'en ai profité pour me débarrasser de toutes mes petites pièces qui me restaient dans le fond de mes poches. Histoire de faire le malin devant la belle. Les femmes aiment les boute-en-train.

Comme je n'avais pas assez, je lui ai demandé de mettre au bout. J'ai récupéré les sucres qui n'avaient pas été consommés aussi : j'ai voulu montrer à ma future femme combien j'étais économe, avisé, sûr de mon droit. J'avais payé le café avec les morceaux de sucre servis en même temps, plus la TVA. Il était normal que j'emportasse les sucres restants... C'est le genre de détail qui pouvait jouer favorablement dans mon entreprise de séduction, pensais-je. Les femmes aiment les hommes forts.

Elle gagnait assez bien sa vie, vu qu'elle travaillait à un poste de sous-chef dans la chaîne d'assemblages de l'usine (qui fabriquait des appareils ménagers). J'avais des vues sur elle depuis un mois : elle était stable, ponctuelle au travail, propre sur elle, avait un air sérieux, une vie apparemment bien réglée. Une fille modeste avec des goûts simples, bonne couturière, honnête et pas dépensière. L'épouse idéale.

Je me voyais déjà filer le parfait bonheur conjugal avec elle : promenades vespérales du samedi dans la grande rue et pot-au-feu du dimanche. L'usine où elle travaillait étant juste en face de chez moi, je pensais que ce dernier argument aurait fini par la convaincre. Elle s'est finalement mariée avec un employé de la chaîne de montages de la même usine, sous-chef lui aussi. Depuis j'éprouve une certaine rancoeur envers les sous-chefs des chaînes de montages.

Mais bon je n'ai pas à me plaindre. J'ai une vie paisible, rangée, sans histoire. Tout comme j'ai toujours rêvé. Alors c'est pas à cinquante ans passés que je vais commencer à faire des histoires, hein ?

35 - L'effet cloches

Je passai près de l'église au moment où s'ébranlaient les cloches : j'assistai au concert, charmé par le chant de l'airain.

Je ne m'étais jamais rendu compte jusqu'à ce jour qu'une volée de cloches pût être si exquise... Au son du bourdon, des souvenirs surgirent, des images survinrent.

Grâce, puissance, majesté émanaient du métal. Peu à peu le carillonnement devint assourdissant. Une ivresse inconnue me gagna : je me sentais emporté par les clameurs argentines du clocher.

A cet instant je compris que les cloches au contact de l'homme avaient hérité d'une âme. Elles apparaissaient vivantes à son coeur enclin à leur attribuer chaleur, éclat, souffle. Ainsi la matière la plus dure pouvait lui inspirer les plus doux émois pourvu qu'elle fût travaillée avec art, patience, amour.

C'est alors que je vis sortir de l'église une longue créature ingrate, sorte de chèvre acariâtre au pas pressé, au regard hargneux. Chignon strict et silhouette étriquée caractéristiques... Je devinais à son aspect chagrin qu'elle était chantre de messe. Une méchante fille que l'habitude des cloches avait rendu sourde aux plaisirs de la chair, aux tendresses de l'amour.

Je compris autre chose : les vieilles filles au contact des cloches héritaient quant à elles d'une chasteté de fer. L'hymne du clocher faisait briller les beaux esprits, emplissait de joie les âmes généreuses, faisait battre les coeurs de braise.

Et rendait encore plus rigides les hymens clos.

36 - Les yeux clairs

Lorsque j'étais enfant il y avait dans mon village un vieil homme qui passait à vélo. On l'appelait "Saint-Denis". J'ignore si c'était là son véritable nom ou un simple sobriquet. Il vivait dans une vague cabane dans le village d'à côté. Dans une espèce de lieu informel, mi-terrain vague, mi-sous-bois, non loin du centre de son village. Une situation à la limite de la légalité. Ce "Saint-Denis" doit être mort depuis longtemps, maintenant.

Je portais sur cet homme mon regard puéril, et voyais en lui une sorte d'aimable vagabond aux allures d'étoile filante, juché sur son antique vélo et qui passait dans la rue, laissant sur son sillage un parfum mystérieux et exotique. Mon imagination impubère s'emportait et je me laissais vite séduire par ce vieux fou. Je le croyais prince de quelque royaume fantastique, sorcier magnifique ou compagnon de lutins. Je l'interrogeais, émerveillé par ses histoires de loups dans la nuit, de hérissons, de hiboux, par ses anecdotes pittoresques, ses aventures avec son vélo sur les petites routes de campagne... Cet homme fut un des rêves ayant nourri mon imaginaire infantile.

Puis je grandis. Alors mon regard sur les choses de ce monde changea. Le merveilleux personnage que je m'étais figuré était devenu un pauvre type analphabète, inculte, sans conversation, aux allures douteuses et ne s'intéressant qu'aux bistrots. Ce "Saint-Denis" n'était pour moi plus qu'un vieux garçon minable et sans intérêt qui vivait dans une cabane sordide.

Le jour où je pris conscience de cela, ce jour-là je devins adulte.

Mais le jour où je pris conscience, bien plus tard, que mon regard avait à ce point changé, ce jour-là je décidai de redevenir enfant. Et je ne voulus plus jamais être adulte.

37 - Une bière blonde

C'était un dimanche monotone. Dans la basilique la messe venait de finir. Le ciel était gris, les cloches sonnaient à toute volée pendant que les fidèles s'éparpillaient.

Imbécilement, les hommes ne disaient rien. Pieusement, les femmes se taisaient. Les passants étaient muets et les cloches redoublaient de fureur. Le rond-point plongé dans la torpeur n'était traversé que par quelque silhouette insignifiante. Le monument aux morts s'ennuyait à mourir sur la place désertée. Dans la rue les yeux étaient vides, dans les bars les verres étaient pleins.

Bref, les hommes passaient humblement le temps dans cette petite ville de province sans histoire. Avec ce regard méditatif et mélancolique propre aux âmes rêveuses, je m'attardais sur les choses les plus banales et les êtres les plus modestes qui entraient en scène sous mes yeux. Ce spectacle morne et dérisoire m'inspirait une nostalgie sans objet. Mon spleen était un délice, je le savourais en esthète.

Je voyais tout cela à travers la vitre du bar qui donnait sur la basilique. Plus précisément, je voyais tout cela à travers les vapeurs de la bière qui me montaient à la tête et qui me rendaient encore plus contemplatif qu'à l'accoutumée... Et le monde soudain dansait au-dessus de ma tête, et des fantômes joyeux tournaient autour de moi dans le fracas agréable des cloches... A mes pieds traînaient quelques vieux mégots écrasés. Tandis que dehors le concert d'airain berçait mon ivresse, à travers la vitre du bar je levai les yeux vers le sommet de la basilique où trônait la statue de la Vierge recouverte d'or.

Les vapeurs de la bière continuaient à m'enivrer progressivement. L'éther montant en moi, je vis les premiers sourires apparaître sur les visages. Les assoiffés accoudés au bar, tous marqués à divers degrés par des moeurs éthyliques héréditaires, étaient devenus mes frères de perdition. Je détournai cependant assez vite le regard de cette assemblée de nez pourpres et de casquettes épaisses.

A présent le son des cloches de la basilique s'espaçait tout en diminuant graduellement d'intensité. Bientôt un silence mortel régna dans la rue ainsi que dans le bar. En effet, les buveurs n'ayant brusquement plus rien à se dire, ils se turent stupidement. Mais leur silence me parut plein de discernement, de pénétration, de profondeur. Je levai une fois encore les yeux vers la statue mariale et en ressentis un délicieux vertige. Le démon de la bière m'emportait toujours plus haut sur ses ailes ambrées... Je n'étais plus seul. En moi un feu du diable brûlait, j'étais aux anges.

Tout autour de moi était devenu statique. Il ne se passait rien dans le bar, rien dans la rue, rien dans les têtes ni dans les coeurs. C'était la province un dimanche, ça respirait l'ennui, le petit blanc sec et la léthargie, et les gens n'avaient rien à faire. Tout n'était que mollesse et temps qui passe, monotonie et repli sur soi. Mais dans ma tête se concertaient avec finesse et éclat Bacchus et la Vierge dorée : un instant de grâce dans un monde de parfaits abrutis.

La ville était morte et s'appelait Albert.

38 - Debout les villageois !

Il a plu des obus certains jours autour de Warloy-Baillon. Aujourd'hui on s'ennuie à mourir dans cette petite cité. Pourtant la « soporifique couveuse » est riche de sites et d'événements. En effet, Warloy est entouré d'authentiques Blockhaus, de champs encore « minés, plombés », de quelques jolis bois et surtout de riants chemins de craie. Mais rien n'y fait. Plongé dans sa progressive torpeur, sa coutumière grisaille et ses provinciales habitudes, le village se meurt.

Le sifflement des obus est bien loin aujourd'hui. Les trépassés se reposent. Les survivants de la « 14 » sont partis. Il n'y a plus rien à dire à présent, puisque plus personne ne raconte, puisque les habitants de Warloy ne causent plus qu'avec leur télévision le soir, puisque le village est mort d'être éternel village.

A Warloy-Baillon aucun train ne passe, nul oiseau venu d'ailleurs ne vient se poser, rien ne vient distraire la morosité ambiante. Warloy-Baillon est une terre sans plus d'histoires. Dans cette modeste paroisse comme dans tant d'autres en cette fin de siècle, les vivants semblent dormir sous les toits d'ardoise d'un même sommeil que les morts du cimetière dans leur lit de marbre. Et à présent on ne voit plus que des fantômes dans les rues de Warloy-Baillon. Plus rien ne peut réveiller ses habitants.

L'ennemi n'est plus le traditionnel Allemand de la « 14 », mais le silence et la boue. On baille ferme à Warloy-Baillon.

Warloy s'enfonce, s'enlise, se fige : il ne s'y passe pas grand-chose. Les cloches de l'antique église semblent sonner les heures pour rien, pour personne : tout demeure pétrifié au son clair de l'airain. Hommes et bêtes. Même les anges s'ennuient là-bas, et le dimanche à l'heure de la messe l'église est désertée.

La commune est une tombe. Muette. Grise. Pesante. Mortelle.

Bienvenue à « Terminus-City » !

39 - Un retraité actif

Le père Eugène est un membre assidu du club des Aînés Ruraux de son village. Quatre-vingt-trois ans et une sénilité parfaitement assumée ! Le dimanche en compagnie de ses pairs, il faut le voir jouer aux cartes, et puis l'entendre chanter, ça n'est pas rien ! Un vrai boute-en-train le père Eugène... Avec son mégot éteint perpétuellement pendu à sa lèvre molle, son éternel béret vissé sur le front et sa démarche chancelante, il a bien l'air de ce qu'il est : un vieil abruti alcoolique.

Avec ses passions débiles, ses occupations ineptes et ses amours insignifiantes, le père Eugène symbolise à lui seul tous les bas-fonds des hospices de province. Une vie entière passée à boire, fumer, parler voitures, tondre son gazon le dimanche pour finir comme un détritus passant son temps à faire des parties de cartes avec d'autres "seniors" de son rang !

Rassurons-nous toutefois car le père Eugène a toujours été à l'abri de sa propre inanité derrière ses mégots. Ignorant la misère de sa condition, il vous postillonne chaleureusement à la face en racontant ses histoires sans intérêt, hilare. Sur le sort de son chien, il est intarissable. Sur la météorologie il est capable de débiter en une heure autant d'âneries qu'un plombier sur la philosophie kantienne en une vie entière ! Après ses interminables parties de cartes, en général il n'a plus rien à dire du tout : il cuve.

Il s'imagine toujours capable d'honorer les caissières de supermarchés le père Eugène ! Mieux encore : il aime dire "Hôtesses de caisses", ça lui plaît à l'Eugène. Ca lui donne l'impression de faire moderne. Notons qu'il est parfaitement conditionné par les émissions de TF1. Un spectateur modèle, irréprochable ! Il sait parler comme les jeunes le père Eugène. Il dit "Hôtesses de caisse" pour ajouter une touche de noblesse à ses mots d'amour...

Pitoyable du haut de son béret jusqu'au fond de ses charentaises... Longue vie dans le club des Aînés Ruraux Eugène !

40 - Jésus de Vire

Elle partit de Vire comme une andouille pour se rendre à Lourdes en quête de miracle. Ce dernier eut lieu : elle dépensa une petite fortune en objets de dévotion qu'elle se mit à chérir imbécilement, elle qui d'ordinaire était si avaricieuse.

De retour à Vire la sotte femme prit un amant de passage. Celui-ci l'engrossa en le faisant exprès, puis la quitta par inadvertance. Elle enfanta d'un mâle qui fut baptisé "Jésus".

Jésus grandit à Vire entre vierges en plastiques remplies d'eau de Lourdes et mère peu dévouée. Il devint sonneur de cloches à l'abri du besoin. Monsieur le curé -homme fier, austère, injuste, violemment antistatique- en fit un parfait paillard, alors qu'il prônait avec ardeur l'abstinence lors de ses sermons.

Au pays des pommes Jésus de Vire passait pour une poire. Maladroit, cruel, aliéné par la folle piété de sa génitrice -vraie bigote à l'opposé de la mère castratrice-, homosexuel peu refoulé, esprit tordu bien que faible, Jésus de Vire visita Lourdes vers sa vingtième année. Là, il reproduisit aussi fidèlement que possible le parcours de sa mère. De son union passagère avec une amante oublieuse, il hérita d'un fils, Joseph. Ce fut le nom presque involontaire que la mère donna à sa progéniture avant de l'abandonner à son géniteur.

A Vire désormais vivaient Jésus et Joseph, derniers d'une lignée détonante.

41 - L'incroyable Gertrude

Gertrude est une "femme à couilles". Cent-vingt kilos, des biceps d'acier, une pogne d'enfer. Et avec ça elle crache plus loin que le Diable, émet des ronflements d'ogre, crie aussi fort que son âne, jure comme un bougre.

Fermière "à l'ancienne", le sillon est son élément et elle défend ses droits à coups de poing. Gertrude, une femme de caractère diront certains... Une femme, une vraie. La terre est son enfant -celui qu'elle n'a jamais eu, le seul qu'elle aura autant aimé-, le facteur une poule mouillée qui roule en "autojône" et le bon Dieu une espèce de mauviette qui se cache derrière les nuages. Bref, voici une femme de marbre au destin taillé à sa mesure. La terreur locale.

Qui pénètre sur le territoire de la Gertrude s'expose aux fureurs d'une hôtesse prompte à la riposte. Fureur dans tous les sens du terme car Gertrude est aussi une femme qui à sa manière "aime" les hommes. Redoutables sont ses transports utérins et malheur à celui qui tombe dans ses filets ! Mais laissons-là les amusements. Côté politique, recettes de cuisine et autres subtilités de la langue ou de la pensée, ses arguments sont en général assez convaincants : quand Gertrude se met à causer, elle commence d'abord par remonter ses manches. Même les gendarmes n'osent pas enfreindre la loi de fer qui règne dans la ferme du tyran. Les plaintes portées contre elle n'ont jamais eu de suite. Franchir la barrière séparant le monde civilisé de l'exploitation agricole, c'est faire acte d'héroïsme. Ou d'inconscience : Gertrude manie avec autant d'aisance la fourche que le fusil. Celui qui lui rend visite le fait toujours à ses risques et périls.

Égorgeuse de porcs, rompant leur cou à mains nue, un couteau entre les dents, une flamme sauvage dans l'oeil, voilà la Gertrude. Arracheuse de souches, bûcheronne à la hache, buveuse de gnôle forte distillée par ses soins, telle est cette femme née sous le passage de Dieu sait quel météore...

Un jour la Terre trembla : le malingre Jean Duval, comptable de moins de cinquante kilos et de plus de quarante-huit ans -une petite nature-, alla demander la main au monstre. Parfois la folie s'empare subitement de certains êtres... Tous s'attendirent à ne pas voir le prétendant sortir indemne de la ferme.

L'impensable eut lieu.

Les chaumières firent leurs veillées autour de cette histoire d'amour contre-nature entre le moucheron et la tarentule. Le maire trembla le jour de l'union officielle, non d'émotion mais de crainte : l'épousée le toisait, le dépassant d'une tête. Le curé encore sous le choc d'une expédition à la ferme vingt ans auparavant pour une belle mais illusoire tentative de "conversion à la douceur christique" de son hôte, expédia la cérémonie sans demander son reste. La maréchaussée quant à elle se tint à carreau, préférant feindre une pacifique indifférence en ce jour sensible.

Les noces ne se prolongèrent guère à la mairie, au grand soulagement de tous. Le couple vit heureux depuis dix ans dans les hauteurs du hameau. La Gertrude manie toujours aussi habilement la bêche et le canon à gros gibier. Quant à l'heureux époux, c'est un permanent miraculé.

42 - Evénement dominical

Le village somnole sous le soleil de cet énième dimanche d'été. Rien ne bouge. Avec cette impression que l'inertie dure depuis des siècles... Les rues mortes semblent avoir été conçues pour des habitants morts. Leurs maisons sont des tombeaux d'où émanent parfois des senteurs de cuisine. Odeurs pesantes de pot-au-feu, de graille, de fritures douteuses...

Sous les toits, on parle de tout et de rien : de la météo, des dernières nouvelles potagères, des minuscules événements du village voisin... Parfois on ne parle pas du tout, les repas, les journées se passent dans un silence crétinisant. Les têtes, les paroles, les regards, tout est vide. Sauf les assiettes : préoccupation vitale qui donne une raison de végéter à ce peuple de légumes. Les repas forment le point d'orgue de leurs journées sans saveur. Même quand ils ne mangent pas, la plupart des habitants passent leurs journées assis, à attendre que le temps passe.

En arpentant la rue principale de ce cimetière d'éternels attablés, l'étranger égaré sent les petits yeux ridés qui épient. Derrière les carreaux, les fantômes du village s'en donnent à coeur joie. Un étranger ! Événement considérable. Pour ces éternels enterrés n'ayant rien à faire du matin au soir, ne connaissant que les limites de leur espace maraîcher, limitant leur cercle social aux voisins les plus proches et aux cousins, un visiteur est un ennemi, une bête curieuse, un parisien, un messie. Ou bien alors le Diable.

Quand passe l'ombre du flâneur, nécessairement hérétique, sorcier ou alchimiste, même le coq sur le clocher n'en revient pas ! La cloche de l'église se tait, le bedeau oubliant l'heure de son service devant la portée de l'affaire. Un passant que nul ne connaît, qui plus est dans la rue principale du village ! Le centre de l'Univers violé par le passage d'un inconnu. Les chiens aboient, les fichus se collent aux fenêtres, les casquettes se figent, tout est aux aguets dans la "rue-morte"...

État de choc dans le village.

Mais voici que le marcheur s'éloigne, prend la direction de la sortie du village. Dix paires d'yeux derrière des jumelles escortent l'étranger jusqu'à l'horizon. Un héros anonyme le suit même courageusement dans le viseur de son fusil. Sait-on jamais... La silhouette disparaît au loin. Tout est fini. Le village peut reprendre son souffle.

Un dimanche dont les habitants se souviendront longtemps !

TEXTES DE RAPHAEL ZACHARIE DE IZARRA